B. L'absence de transparence
85. - Le taux d'usure, cause de l'absence de
transparence. La restriction de l'accès au
148 . V. infra, n° 89.
149. V. supra, n° 19-27.
crédit n'est pas une seule et unique conséquence
de l'effet pervers de la législation sur le plafonnement des taux
d'intérêts, l'absence de transparence en est également une.
Le plafonnement des taux d'intérêt permet de réduire le
coût de crédit pour les bénéficiaires. Il permet
ainsi de diminuer leur charge financière. En revanche, il réduit
les bénéfices des prêteurs. Ceux-ci cherchent donc à
trouver des moyens pour pouvoir augmenter le coût total du crédit
notamment en imposant l'assurance du crédit, diversifiant les frais
d'opération. Ils détournent le plafonnement des taux
d'intérêts au moyen notamment de l'introduction d'une
assurance-décès liée au crédit et/ou d'autres
frais150. Cette situation serait difficilement imaginable en France
puisque un minimum de transparence semble être assurée par la
législation française sur l'exigence d'une publication du taux
effectif global (TEG) dont les assiettes sont définies par la loi.
L'article L.313-1 alinéa premier du Code de la consommation
prévoit que « Dans tous les cas, pour la détermination
du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris
comme référence, sont ajoutés aux intérêts
les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs
ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des
intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l
'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou
rémunérations correspondent à des débours
réels ». La formule est à l'origine de certaines
difficultés quant à la détermination des
éléments participant à l'assiette du TEG151.
Mais, la Cour de cassation a décidé que « le taux effectif
global inclut toutes les sommes de toute nature qui, sans constituer un
intérêt, sont nécessairement attachés au prêt
et constituent, à ce titre, une charge obligatoire pour
l'emprunteur152 ». Ainsi, les établissements de
crédit ne sont pas à l'abri de tout détournement,
d'erreur, mais surtout les clients ne sont pas efficacement
protégés par les incertitudes liées au calcul du TEG. La
caractérisation de l'usure est donc parfois
délicate153.
Cependant, cette absence de transparence est beaucoup plus
grande en droit cambodgien. Selon le droit commun, l'article 59 du
décret-loi de 1988 prévoit que « le prêt à
intérêt n 'est admis que s 'il a été accepté
dans un écrit constatant le consentement des parties. Le taux
d'intérêt est fixé à 5% par an, sauf si une
disposition légale contraire prévoit autrement154
». La loi fixe le plafond de 5% par an. Mais aucune base de calcul
n'a
150 . CGAP, L'impact du plafonnement des taux
d'intérêt sur la microfinance, Note sur la microfinance, Mai 2004,
n°18.
151. Thierry BONNEAU, Droit Bancaire, Montchrestien,
6e éd. 2005, n° 69, p. 52.
152 . Cass. crim. 10 septembre 2003, inédit.
153 . Anne-Valérie Le Fur, « Faut-il modifier la
législation sur l'usure ? », Droit bancaire et financier, in
Mélanges AEDBF-France, sous la dir. Jean-Jacque Diagre, Banque
édition, 2004, p. 190.
154 . Décret-loi n° 38/Kch du 28 octobre 1988 sur le
contrat et la responsabilité extra-contractuelle.
été prévue. Ainsi, le calcul de
l'intérêt constitue une difficulté en droit cambodgien. Ce
calcul peut avoir une influence sur le montant de l'intérêt. Pour
pallier à cette difficulté, la BNC a adopté un Prakas sur
le calcul de l'intérêt du crédit accordé par
l'institution de la micro-finance155. L'article 2 prévoit que
« le taux d'intérêt du crédit accordé
conformément à l 'article 1 de ce Prakas est calculé sur
la base du montant de crédit accordé après
déduction du montant de capital remboursé, et par
conséquent, l 'intérêt pour un crédit à
durée déterminée (semaine, mois, trimestre, année
selon le cas) doit être calculé en fonction du solde
créditeur pendant cette période ». La base de calcul
est le montant du solde créditeur. Cette méthode de calcul
signifie que le crédit accordé doit être
systématiquement un crédit amortissable. Dans le crédit
amortissable, le montant du remboursement doit comprendre à la fois le
montant du capital remboursé et le montant de l'intérêt
pour la période déjà passée. Si cet article
prévoit que le solde créditeur est le résultat de
déduction du montant de crédit accordé par le montant du
capital remboursé, cela signifie que la capitalisation de taux
d'intérêt est implicitement admise. Si la base de calcul est
précisée, l'absence de transparence demeure grande. L'emprunteur
ne peut pas savoir à l'avance le coût total d'un prêt. Les
opérateurs du micro-crédit peuvent toujours chercher des moyens
afin d'argumenter le montant total du crédit.
86. - les avantages des pratiques de taux
élevé. En revanche, la pratique des taux
d'intérêt élevés présente des avantages pour
les bénéficiaires du micro-crédit. Ils permettent de faire
face au problème d'accès au crédit et à la
transparence. En plus, ils conduisent les prêteurs informels à
réduire les taux d'intérêt imposés à leurs
clients. Il est donc souhaitable d'admettre la pratique des taux
d'intérêts élevés du micro-crédit. Mais,
cette admission doit-elle conduire à la libéralisation
complète des taux d'intérêt ou simplement à un
aménagement de la réglementation relative à l'usure
existante dans un sens plus favorable aux opérateurs du
micro-crédit tout en maintenant la prohibition du dépassement
d'un certain seuil déjà modifié? D'une autre
manière, faut-il supprimer la répression des taux d'usure pour le
micro-crédit ?
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