§1. - Les impacts du plafonnement des taux
d'usure
82. - Trois types de taux d'intérêt.
Généralement, trois types de taux d'intérêt
peuvent être appliqués par les opérateurs du
micro-crédit conformément au contexte réglementaire du
pays dans lequel ils sont lancés. Il peut s'agir, soit de taux
d'intérêt qui correspondent aux taux du marché, soit de
taux qui sont relativement bas par rapport au taux du marché, soit enfin
de taux qui sont généralement très élevés en
comparaison avec le taux du marché. Cette dernière
hypothèse est le plus souvent pratiquée dans les pays en voie de
développement. En revanche, les deux premiers cas s'inscrivent dans le
contexte de pays dont le taux d'intérêt est très
réglementé. Il faut rappeler que la réglementation de
plafonnement des taux d'intérêt a pour objectif de protéger
les parties faibles qui n'ont pas le pouvoir de négocier le prix. La
législation sur le taux d'usure a donc pour but de protéger les
bénéficiaires du crédit contre les pratiques abusives des
prêteurs malhonnêtes. Toutefois, cette réglementation
produit des effets pervers sur la situation d'une tranche de la population qui
devrait se voir systématiquement exclue du financement accordé
par le système classique. Cela veut dire que le plafonnement du taux
d'intérêt a été instauré pratiquement au
détriment des personnes dont la situation financière est
très modeste puisqu'il conduit, d'une part, à décourager
les banques commerciales d'étendre leurs activités au
marché du micro-crédit et constitue une restriction fondamentale
d'accès de ces personnes au crédit (A),
et d'autre part, à l'absence de transparence
(B).
A. La restriction de l' accès au
micro-crédit
83. - Le taux d'usure, cause de la restriction
d'accès au crédit. En dépit de la bonne
intention que constitue la volonté de protéger les
bénéficiaires du crédit, le plafonnement des taux
d'intérêt nuit en général aux pauvres, aux exclus
bancaires car il présente un obstacle à l'extension des
activités des banques au marché du micro-crédit, à
la création de nouvelles institutions de micro-crédit, ainsi
qu'à la suivie des institutions existantes. On s'aperçoit qu'en
pratique, bien que les taux d'intérêt pratiqués par les
opérateurs du microcrédit soient très élevés
par rapport aux taux du marché, peu de IMC sont rentables et peuvent
continuer d'exercer leurs activités. La faillite des IMC a amené
les opérateurs à revoir leurs politiques pour pouvoir assurer
leur pérennité.
Il faut reconnaître que l'interdiction de fixer le taux
d'intérêt au-delà de certains
seuils réduit la satisfaction du prêteur, mais
aussi de l'emprunteur qui est prêt à payer le taux
élevé et qui se voit interdire de contracter un emprunte
usuraire, sans pour autant qu'un autre prêt, à un meilleur prix,
ne lui soit fourni. Le taux d'usure peut donc constituer une barrière
pour les banques classiques à l'entrée sur la frange de la
population risquée du marché. En effet, le prêteur est
capable de discriminer entre les emprunteurs en fonction de leur niveau de
risques. Il prête à ceux présentant peu de risques avec un
taux d'intérêt débiteur plus attractif car ceux-ci
n'accepteraient pas non plus un taux élevé. Il faut accepter que
plus le crédit est risqué, plus le taux d'intérêt
est élevé. En plus des risques du crédit accordé
aux populations dont la modestie financière est grande, le coût
d'opération est aussi élevé par rapport au montant du
prêt148. En effet, il faut segmenter le taux
d'intérêt selon le montant du crédit qui influe sur le
coût d'opération. Le crédit d'un petit montant engendre des
coûts de gestion proportionnellement aussi élevés que ceux
du crédit d'un montant élevé. Le taux d'usure constitue
donc parmi les causes que l'on a évoquées dans la première
partie149 une hypothèse qui peut expliquer la
réticence de banques classiques en matière de
micro-crédit. De par cette constatation, on peut comprendre pourquoi il
y a peu d'institutions du micro-crédit en France.
84. - Conséquence d'une telle restriction
d'accès au crédit formel. Face à la
réticence des banques classiques dans le marché de
micro-crédit, à la cessation des activités des
opérateurs du micro-crédit ou à l'absence de
création de nouvelles IMC, les clients se retrouvent privés de
l'accès au crédit, aux services financiers, ce qui les poussent
à se retourner à nouveau vers le marché informel qui est
beaucoup plus coûteux et où la protection des clients est
quasiment inexistante. Les taux d'intérêts facturés par les
prêteurs privés sont infiniment plus élevés que ceux
pratiqués par les opérateurs formels du microcrédit. Au
Cambodge, le taux d'intérêt imposé par les prêteurs
privés, les usuriers à proprement parler, est de l'ordre de 10%
par mois. En revanche, si la demande de crédit est acceptée, le
problème de l'absence de transparence est une autre chose
considérée comme une conséquence négative du taux
d'usure.
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