Section II : le micro-crédit et le
surendettement des particuliers
76. - Le risque de surendettement moins significatif.
Un autre problème important lié au micro-crédit
est celui du surendettement. La constatation doit porter sur le fait que la
situation financière de l'emprunteur est déjà modeste. En
plus, il ne dispose pas souvent des revenus réguliers. De deux choses
l'une. Ou bien, est-il probable d'imaginer le risque de non remboursement de
crédit ? Ou bien, le micro-crédit peut-il être une cause de
surendettement ?
S'agissant du risque de non remboursement, le faible taux
d'impayé des institutions de micro-crédit (1% pour l'ACLEDA et 3%
pour l'ADIE) est le meilleur argument pour démontrer que ce risque est
bien maîtrisé. Si on le compare au taux de recouvrement des
banques, il est, en règle générale, meilleur. Toutefois,
il peut arriver que le projet financé puisse échouer, ce qui rend
difficilement le remboursement du crédit. La plupart des entreprises
créées à l'aide de micro-crédit sont en faillite au
bout de deux ans.
S'agissant du surendettement, pour pouvoir y répondre
avec précision, il faut comprendre quelles sont les causes possibles du
surendettement ? Un auteur a pu dire qu'« il ne faut pas perdre de vue que
la principale cause du surendettement est d'abord l'endettement. S'endetter,
c'est faire un pari sur l'avenir ; et comme l'on ne sait jamais de
quoi l'avenir sera fait, s'endetter, c'est, par nature,
prendre le risque du surendettement. Il est certes exact de relever que les
causes profondes du surendettement ont évolué. Le
surendettement actif résulte du fait d 'endettement, alors que le
surendettement passif est lié à la stabilité des
capacités financières des personnes endettées et l 'accent
est mis sur les accidents de vie. On peut comprendre donc désormais
que le surendettement est lié à la persistance d'un chômage
de masse et la précarité des situation professionnelles et donc
la situation patrimoniale136 ». Parmi les cas relevé
dans le rapport de la Banque de France, on peut dire que le profil du
débiteur surendetté est le suivant : des revenus modestes,
presque intégralement absorbés pour répondre à des
besoins immédiats, d'où l'absence d'épargne, le recours au
crédit comme mode normal de gestion du budget du ménage.
L'étude de la Banque de France a donc montré que le
surendettement est dû, dans 73% des cas137, à des
événements postérieurs à la souscription de
crédit (chômage, divorce, maladie, décès). Ainsi,
seul 19,6% des ménages surendettés trouve sa cause dans un «
excès de crédit ». En effet, il faut reconnaître que
le surendettement touche proportionnellement moins les plus
défavorisé puisqu'ils font l'objet de l'exclusion
financière138. On peut noter qu'en France il y a une
sous-utilisation du crédit à la consommation si on le compare aux
autres pays en Europe. Toutefois, la réglementation du surendettement
des particuliers est très contraignante. Cet arbitrage politique a pour
objectif de lutter contre le surendettement pour redonner confiance aux
emprunteurs potentiels139. On peut donc se demander si les
emprunteurs du micro-crédit sont des emprunteurs potentiels. Certes, la
réponse doit être affirmative puisque les emprunteurs de
micro-crédit professionnel sont les porteurs de projet de
création d'entreprise. En effet, même s'il a pour but de
créer l'activité économique afin de permettre à une
famille de subvenir à ses besoins, dans la réalité, les
faits sont quelques peu différents. Dans beaucoup de cas, il a
été démontré que l'argent prêté est
dépensé pour la santé, l'alimentation ou le logement. De
ce fait, aucune activité n'étant créée, cela ne
génère aucun revenu permettant de rembourser le capital du
prêt et ses intérêts ainsi que de faire vivre la famille.
Cela démontre qu'en réalité, le micro-crédit ne
permet pas d'améliorer la situation des plus pauvres. Une étude
menée en 1996 avait démontré que 55 % des emprunteuses au
Bangladesh n'arrivaient touj ours pas, au bout de huit ans d'emprunts, à
satisfaire l'alimentation de base de leur famille. Ainsi le micro-
136 . Xavier LAGARDE, « D'un surendettement à
l'autre », Petites affiches, 17 décembre 2002, n°
251, p. 4-9.
137 . Source : étude de la Banque de France de 2004
publiée en septembre 2005.
138 . Michel LECOMTE, préc., p. 422.
139 . Gérard JOUVE, « Accès au crédit
et prévention du surendettement », in Le rapport morale sur
l'argent dans le monde, éd. Association d'économie
financière, 2006, p. 373-379.
crédit peut, pour certains, conduire à des
situations de surendettement, du fait que leur crédit ne leur permet de
créer aucune source de revenus. Monsieur Jean-Michel Servet prend
l'exemple de l'Inde qui, en une décennie, a subi plus de 100 000
suicides parmi les plus démunis à cause du
surendettement140.
77. - Qu'en est-il les emprunteurs du
micro-crédit social ? Le débat sur le surendettement des
particuliers devient de plus en plus important en France en raison de
l'apparition du micro-crédit social. Une attention particulière
doit être portée aux interventions qui porteraient sur
l'acquisition de biens d'équipement courant
(électroménager ou audiovisuel) ou bien encore sur le financement
de loisirs ou de cérémonies familiales. Monsieur Michel LECOMTE a
pu constater qu' « elles doivent être appréciées dans
le cadre du projet qui les accompagne et ne pas simplement ressortir d'un
besoin de consommation141 ». Mais la décision peut
être également prise en fonction d'autres facteurs comme la
diminution des tensions au sein d'un foyer, l'amélioration de la
santé morale d'un ménage, la reconstitution de liens familiaux
etc. En effet, « il ne s'agit donc pas d'ajouter l'endettement à la
pauvreté, mais de favoriser la réalisation de projets permettant
la promotion personnelle, l'amélioration des conditions d'existence.
C'est également de montrer que les foyers défavorisés
peuvent faire preuve de responsabilité et de rigueur142
». C'est un crédit de dépannage. Il ne s'agit donc pas de
favoriser le surendettement, mais plutôt de sortir ces personnes de
surendettement qui pourrait arriver en raison de leur recours au système
de financement informel qui est beaucoup plus coûteux. On pourrait dire
qu'en fonction des objectifs recherchés par le micro-crédit,
qu'il soit professionnel ou social, le risque de surendettement n'est pas assez
grand. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'en existe aucun. Pour ne pas
déboucher sur le surendettement, il faut adopter des critères
précis, après la phase d'expérimentation, du
micro-crédit social. Ces critères tiendront évidemment
à des caractéristiques du micro-crédit exposées
dans le chapitre précédent. Il ne s'agit pas de viser une
clientèle qui peut normalement avoir accès aux banques, ni celles
qui, à un moment donné, se trouve dans une situation de
détresse physique ou morale qui ne lui permet pas de s'endetter et de
s'engager dans des activités économiques. Enfin, une
réglementation du micro-crédit qui exige l'accompagnement des
porteurs de projets en est également une solution. En assurant un
accompagnement, le
140 . Adrien de TRICORTE, in Le monde précité, 14
novembre 2006.
141 . Michel LECOMTE, préc., p. 424. 142 . Michel LECOMTE,
préc., p. 426.
micro-crédit social limite ce risque de surendettement.
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