Paragraphe 2 : Améliorer la gouvernance
mondiale environnementale
Cette réforme de la gouvernance mondiale
environnementale peut être vue sous deux angles d'inégale
ouverture : ou bien un renforcement des capacités du Programme des
Nations Unies ou bien la mise en place d'une organisation mondiale de
l'environnement dont la création a déjà été
proposée par la France(*53).
(53)- Depuis l'année 2000, la France a la
particularité d'être, sur la scène internationale, l'Etat
le plus fervent partisan de l'OME. Le milieu politique a d'abord lancé
l'idée.Puis une campagne nationale, actuellement en cours, pousse les
autorités à des avancées significatives.La tonalité
utilisée par le Président Chirac pour déclarer
l'opportunité d'une Organisation mondiale de l'environnement est
résolument alarmiste.Dans son discours devant l'Assemblée
plénière du Sommet mondial du développement durable, a
Johannesburg, le lundi 2 septembre 2002,il
déclare : « Notre maison brûle et nous
regardons ailleurs.(...)La terre et l'humanité sont en péril et
nous en sommes tous responsables.(...)Il est temps de reconnaître
qu'existent des biens publics mondiaux et que nous devons les gérer
ensemble.Il est temps d'affirmer et de faire prévaloir un
intérêt supérieur de l'humanité , qui dépasse
à l'évidence l'intérêt de chacun des pays qui la
compose.(...)Pour mieux gérer l'environnement, pour faire respecter les
principes de Rio, nous avons besoin d'une organisation mondiale de
l'environnement. »Après la déclaration du Chancelier
Kohl en faveur de l'Organisation mondiale de l'environnement au G7 de Denver en
1997, c'est le Premier ministre Jospin qui le premier se déclare
favorable à cette institution, en avril 2000.Sous l'impulsion de la
ministre de l'environnement Dominique Voynet, la France profit de la
présidence de l'Union européenne au second semestre 2000 pour
relancer l'idée d'une Organisation mondiale de l'environnement.
Elle pourrait être la gardienne du respect des normes
environnementales et la coordination des politiques de recherche dans le
domaine des énergies renouvelables et des techniques de recyclage des
déchets.
Quel que soit l'aspect qui prévaudra, le
droit international de l'environnement prospectif ne sera pas
exonéré d'un autre effort de création institutionnelle,
commandé par la mise en oeuvre du développement durable.
A- Action à court terme : renforcement
du PNUE
L'avantage que présenterait un tel
réaménagement structurel n'implique pas la création d'une
autre Organisation mondiale de l'environnement. IL s'agirait donc d'une
réforme du fonctionnement du Programme des Nations Unies pour
l'Environnement, de façon à le rendre plus opérationnel et
plus efficace.
C'est le premier défi à relever
à court terme par le droit international de l'environnement prospectif.
Pour rappel, le Programme des Nations Unies pour l'environnement a
été crée dans un contexte particulier, c'est-à-dire
à un moment où la protection de l'environnement était
considérée comme une contrainte. Pour apaiser à la fois
les pays industrialisés et les pays en développement(*54), parti
fut pris de doter l'Organisation des Nations Unies d'une institution
hiérarchiquement faible, sans compétence environnementale propre
et au budget très réduit.
Toutefois, tout en dénonçant la
faiblesse du Programme des Nations Unies pour l'Environnement, on peut lui
porter un réel attachement. Certes, les critiques à
l'égard du PNUE sont sévères, rien ne peut pour l'instant
le remplacer, surtout si l'on réussit à réorganiser cette
institution vieille de plus de trente ans, née aux premières
heures de l'ère écologique (*55).Il ne saurait être
question de s'en défaire même si ses insuffisances actuelles
devaient inspirer le découragement. Il faut le maintenir, le fortifier,
l'adapter aux conditions nouvelles des relations internationales pour lui
conférer une plus grande efficacité, à condition
d'augmenter son budget, jugé trop mince(*56) par rapport aux
problèmes environnementaux mondiaux.
Par ailleurs, le renforcement du PNUE passe aussi la
révision de son mandat.Il n'est pas en effet normal que le mandat du
PNUE soit réduit jusqu'à ce jour en ce sens qu'il est
dépourvu de compétence propre ou verticale comme c'est le cas
pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou l'Organisation
mondiale du commerce (OMC). Il n'est pas aussi normal que la fonction du PNUE
soit réduite à catalyser et à aiguillonner les
activités déjà existantes au sein de la douzaine
d'institutions de l'ONU ayant des compétences environnementales.
(54)- Voir à cet effet A new global Environmental
organisation, Karen Tyler Farr : Georgia journal of international Law
issue 28,1999-2000.
(55)- Il est fait allusion ici à la période
jadis où la communauté internationale avait pris conscience des
dangers qui menaçaient l'environnement dans la deuxième
moitié des années 1960.Dès la fin de cette
décennie, plusieurs textes consacrés aux problèmes de
pollution ont été adoptés par des organisations
internationales et l'Assemblée générale de l'Organisation
des Nations Unies avait décidé alors de convoquer une
conférence mondiale sur l'environnement. Cette dernière
s'était réunie en juin 1972 à Stockholm et a adopté
une Déclaration proclamant les grands principes devant être
appliqués dans ce domaine.
(56)- Le budget annuel moyen du PNUE était en 1998
à 100 millions de dollars américains, à comparer aux 28
milliards de dollars de la Banque mondiale. Depuis, cet écart n'a pas
vraiment été corrigé. Dans ces conditions, que peut
vraiment faire le PNUE lorsqu'il est même incapable d'entretenir son
siège de Nairobi ?
Certes, le Programme des Nations Unies pour l'environnement a
joué un rôle non négligeable en prenant des initiatives
ayant abouti à l'élaboration de nombreuses conventions
internationales et régionales, un bilan amer a été
dressé en 2001 par son Directeur exécutif, Klaus Topfer, dans son
rapport sur la gouvernance mondiale de
l'environnement : « La multiplication des institutions, des
problèmes et des accords relatifs à l'environnement met les
systèmes actuels et notre aptitude à les gérer à
rude épreuve. L'accroissement continuelle du nombre des organes
internationaux en matière d'environnement comporte le risque d'une
réduction de la participation des Etats du fait que leurs
capacités sont limitées alors que la charge de travail augmente,
et rend nécessaire l'instauration ou le renforcement de synergies entre
tous ces organes »(57).
Le défi pour le droit international de
l'environnement prospectif d'améliorer la gouvernance mondiale en
matière d'environnement peut aussi à moyen sinon à long
terme aboutir à une teansformation plus radicale nécessite la
révision partielle de la Charte des Nation unies et la création
d'une Organisation mondiale de l'environnement.
B Action à moyen et à long
terme : la révision de la Charte des Nations Unies et la
création d'une Organisation mondiale de
l'environnement
D'abord, l'idée que
présenterait la révision de la Charte présente l'avantage
selon lequel, un tel réaménagement structurel n'implique pas une
modification de la Charte.Il s'agira pour la communauté internationale
d'inscrire dans la Charte des Nations Unies parmi les buts de cette
organisation, de manière claire et précise, la protection de
l'environnement mondial. A partir de là, on pourra à terme
aboutir à la création de l'OME.
En matière d'environnement, il est
parfaitement clair que le vide institutionnel n'a pas été
comblé par le seul fait de la création du Programme des Nations
Unies pour l'environnement. Dans le cadre d'un système
rénové, destiné à servir de base structurelle au
développement durable, des objectifs plus importants et plus
précis doivent être assignés à une institution
internationale chargée de protéger l'environnement mondial. Parmi
ces objectifs, figure la nécessité de s'adapter aux
réalités nouvelles, ce qui exclut toute possibilité de
créer une organisation à l'image de celles crées dans la
précipitation et dans le compromis. En effet, dans un monde en mutation
qui est un défi constant, l'évolution des institutions est
nécessaire pour répondre efficacement à des besoins
nouveaux et à des circonstances différentes.
A la « dictature »
traditionnelle doit succéder une véritable démocratisation
de la future organisation internationale (les programmes du PNUE sont
financés sur la base de contributions volontaires des Etats membres .Les
pays riches contrôlent ainsi l'organisation comme le cas d'ailleurs pour
tout le systèmes des Nations Unies).
Si l'on pense à la
création de l'OME, l'objectif démocratique commande une
égalité dans la participation à la prise de
décision, à travers deux aspects : la composition des
organes et le système de vote. Il conviendrait de corriger le
déséquilibre actuel qui s'exprime dans la représentation
privilégiée des pays industrialisés, lesquels ne
respectent pas souvent le droit international de l'environnement en vigueur. Or
la création d'une Organisation mondiale de l'environnement n'a de
signification que si elle sert la promotion d'un développement durable,
donc l'application du droit international de l'environnement. Il ne faut pas
s'y tromper.
(57)- Rapport du Directeur exécutif du PNUE sur la
gouvernance internationale en matière d'environnement, avril 2001.
Le développement durable exige des institutions qui
serviront sinon à éviter, du moins à tempérer la
dégradation de l'environnement mondiale devenue irréversible.
L'organisation nouvelle doit donc se consacrer aux problèmes
environnementaux en leur trouvant des solutions et non en les
perpétuant. Dans cet ordre d'idées, la future organisation doit
faire de la gouvernance en matière d'environnement non pas seulement
une affaire des Etats riches, mais aussi favoriser la participation des pays
pauvres d'une part, de la société civile internationale. En
effet, les pays en voie de développement sont largement
marginalisés des instances de décision en matière
d'environnement. Nous donnions l'exemple du Programme des Nations Unies pour
l'environnement : les fonds attribués à cet organe
étant essentiellement affectés à des programmes, les pays
pauvres qui ne peuvent contribuer perdent tout contrôle sur ces
programmes. De même, comme le note Pierre Calame, dans les
négociations internationales, seul l'agenda des pays riches est pris en
compte de façon effective, les pays pauvres se réfugiant dans
des délibérations sans portée
réelle : « Quand le président
américain, lors du Sommet de la Terre en 1992, avait annoncé que
le mode de vie américain n'était pas négociable,il
renvoyait la négociation au néant. Tant que ce qu'il est
acceptable ou non de négocier est fixé par les seuls pays riches
(par exemple, la circulation des biens oui, la circulation des personnes non,
les modalités de développement des pays pauvres oui, la remise en
cause du mode de vie des pays riches, non, les permis négociables pour
les émissions de gaz carbonique oui, la propriété des
ressources naturelles non,etc.), la gouvernance mondiale et les contraintes qui
en découlent ne seront acceptées par tous les autres que du bout
des lèvres »(58).
Il faut non seulement remédier à ces
problèmes d'organisation, mais aussi à ménager un espace
d'expression aux pays en voie de développement.
La participation de la société civile
internationale devient aussi une nécessité de plus en plus
pressante. Selon le Secrétaire général(*59) de l'ONU, le
« Global policy network » est « le partenariat le
plus promoteur à l'âge de la mondialisation ».En effet,
au niveau de la gouvernance mondiale environnementale, la démocratie
représentative à démontrer ses limites, notamment à
cause d'un retrait du politique devant les forces du marché et d'un
manque de transparence .Est-il normal, par exemple, que la question du
traitement du SIDA dans les pays pauvres par les médicaments
génériques ait été négociée à
l'OMC, en fonction d'une logique purement marchande ( c'est-à-dire sous
la pression des lobbies pharmaceutiques) ? La recherche des solutions
à la protection de l'environnement ne peut plus être l'affaire
exclusive des Etats. Les citoyens , les ONG et les collectivités
territoriales doivent également être entendus au sein d'une
institution telle que l'Organisation mondiale de l'environnement .La
légitimité et la transparence sont à ce prix .En cela,
l'OME doit être un nouveau modèle d'institution internationale
promoteur de la démocratie participative(*60).
(58)- Extrait de Refonder la gouvernance mondiale pour
faire face aux défis du 21eme siècle. Cahier de propositions
coordonné par Pierre Calame, Fondation pour le progrès de
l'homme, 2001.
(59)- Il s'agit ici de Kofi Annan, l'ancien
Secrétaire de l'ONU
(60)-Pour plus de détails et de précisions sur
la question de la création d'une Organisation mondiale de
l'environnement, consulter le site Internet de l'Association Agir pour
l'environnement, une association très engagée pour la campagne de
mobilisation en faveur de la création de cette organisation :
WWW.agirpourlenvironnement.org.
Démocratique, l'organisation nouvelle doit être
également efficace. Tous les Etats s'accordent à
reconnaître le peu d'efficacité du Programme des Nations Unies
pour l'environnement. Ses objectifs seraient atteints s'il avait un budget
important, stable et important. La nouvelle organisation mondiale de
l'environnement donc bénéficier d'une efficacité technique
et budgétaire pour faire face aux défis environnementaux. Car, le
bon fonctionnement de l'organisation dépendra des moyens dont elle
pourra disposer, eux-mêmes commandés par le statut juridique qu'on
lui reconnaîtra par le droit international de l'environnement. Elle doit
aussi jouer le rôle négociateur, afin qu'elle puisse devenir un
instrument de négociation efficace des Nations Unies dans le domaine de
l'environnement et du développement durable. Les avantages d'une telle
transformation paraissent aujourd'hui plus évidents que jamais.
Disposant de compétences propres et de pouvoirs accrus, la nouvelle
organisation jouerait un rôle plus décisif dans la protection de
l'environnement. D'autre part, les négociations en matière
d'environnement gagneraient en efficacité à se dérouler
dans un cadre plus appropriée. Or, jusqu'ici, le Programme des Nations
Unies pour l'environnement est un programme subsidiaire de l'Assemblée
générale des Nations Unies. Il présente son rapport par le
biais du Conseil économique et social, qui transmet les observations
qu'il juge nécessaires à l'Assemblée
générale. Sa voix est donc reléguée au second plan.
Cette tutelle du Conseil économique et social sur le PNUE
témoigne d'un refus de lui conférer une place trop centrale dans
la gouvernance mondiale de l'environnement. Pour preuve, après 1992,
l'émergence du concept du développement durable a
théorisé la nécessité de l'intégration des
réoccupations environnementales dans l'ensemble des institutions
internationales tout en promouvant la coopération environnementale
horizontale. Cependant, comme l'écrivent Sandrine Maljean-Dubois et
Rostand Medhi, « la coopération horizontale demeure trop
souvent une sorte d'idéal inaccessible, alors que la nature des
problèmes à traiter nécessite au-delà d'une
amélioration dans la circulation de l'information, une coordination
approfondie entre les organes par le développement
durable »(*61). L'efficacité de la future organisation va de
pair aussi avec le contrôle et la sanction pour une meilleure application
du droit international de l'environnement. En effet, les mécanismes de
recours et de sanctions en matière d'environnement sont si sommaires
qu'il est difficile de faire annuler les contrats et accords qui violent le
droit international de l'environnement. Excepté en droit communautaire
européen, la possibilité de sanctionner un Etat pour non respect
d'un Accord mondial environnemental est très rare. L'OME devrait ainsi
se doter d'une juridiction permanente compétente pour connaître
de la violation de tout accord relatif à la protection de
l'environnement global. Comme l'a fait remarquer l'Association Agir pour
l'environnement, en terme de contrôle et de sanction des Accords mondiaux
environnementaux, la compétence de l'OME pourrait se limiter
exclusivement aux traités à portée mondiale. Car, un
mandat précis est facteur de transparence. Cette juridiction propre aux
accords environnementaux, pourrait tisser des liens avec l'organe de
règlement des différends de l'OMC. L'organe d'appel de la future
Cour mondiale de l'environnement pourrait ainsi être la Cour
internationale de Justice (CIJ).Aussi, dans cette perspective, il est
souhaitable d'organiser des possibilités de recours des Etats mais aussi
des citoyens devant les juridictions internationales. C'est au prix de ces
avancées que la mondialisation sera source de progrès et que le
développement durable ne sera pas un voeu pieux. Tous les Etats sont-ils
prêts à accepter ce nouvel ordre international ? Car
dégager de nouveaux moyens institutionnels demande une volonté
politique et un consensus qui ne s'obtient qu'au terme de longues et difficiles
négociations où s'affrontent intérêt
général de la planète, intérêt particulier
des Etats et souveraineté étatique.
(61)- Environnement et développement .Les Nations
Unies à la recherche d'un nouveau paradigme, 7eme rencontres
internationales d'Aix en Provence, janvier 1999.
Dans le même sens, en 1990 déjà, lors de
la réunion mondiale des Associations de Droit de l'environnement
à Limoges, les participants à cette réunion avaient
émis des propositions intéressantes allant dans le sens de
l'amélioration de la gouvernance mondiale environnementale. Conscients
du fait que la mise en oeuvre du droit international de l'environnement
était largement insuffisante, les participants à cette
réunion avaient fait un certain nombre de recommandations
(*62).Malheureusement ces propositions n'ont pas véritablement
été pris en compte tenu de nombreuses difficultés.
C-Les difficultés d'une réforme de la
gouvernance mondiale actuelle
On ne peut sous-estimer les
difficultés colossales d'une réforme ou mieux d'une
restructuration de la gouvernance mondiale actuelle. C'est pour autant dire que
le droit international de l'environnement prospectif a un morceau dur. Pour
parvenir à un tel objectif plusieurs obstacles sont à surmonter,
et pas les moindres. Dans Rome, société bloquée puis
éclatée, les plébéiens arrachèrent jadis aux
patriciens la « Loi des Douze Tables ».De même,
demain, le droit international de l'environnement prospectif tentera de limiter
la souveraineté des Etats en créant une Organisation mondiale de
l'environnement. L'OME, telle qu'elle est prévue, ne ressemblera pas au
PNUE. On a vu que l'OME sera une institution autonome, opérationnelle et
paraétatique. L'autonomie se révèle par les pouvoirs, les
finances et le personnel dont elle pourra disposer .En effet, la question du
financement est effectivement un obstacle majeur à la mise en place
d'une Organisation mondiale de l'environnement .Il est important que son budget
soit considérablement revu à la hausse. En tant institution
spécialisée des Nations Unies, elle doit bénéficier
d'un budget propre financé sur contributions obligatoires des Etats.
Ceci ne sont que des voeux pieux car l'expérience de plusieurs
organisations mondiales a démontré que les Etats ne respectent
pas souvent leurs engagements financiers. Si à l'ONU, les Etats ont des
retards considérables dans le versement de leurs contributions, que
deviendrait l'Organisation mondiale de l'environnement sans budget
stable ? Un « machin » comme l'avait fait
remarqué le Général Charles De Gaule le en son
temps ?
De plus, il n'est pas exclu que les pressions au
sein de cette organisation soient prévisibles pour orienter les
objectifs de l'organisation dans une direction voulue par un groupe d'Etats
puissants. C'est pourquoi les pays pauvres s'en méfient. Ils
considèrent l'OME à tort ou à raison comme une menace pour
l'accès aux marchés des pays industrialisés ou encore une
machine au service des intérêts des pays riches.
Pour certains pays industrialisés par
contre, comme les Etats-Unis, la mise en place d'une organisation aux pouvoirs
très étendus risque fortement d'empiéter à leurs
intérêts. Aussi, dans le principe d'une juridiction obligatoire
à même d'imposer des sanctions aux Etats, l'acceptation de la
supranationalité devient problématique. La possibilité de
sanctionner un Etat, surtout appartenant à la catégorie des pays
industrialisés est telle concevable aujourd'hui ?
(62)- Déclaration de Limoges, Recommandation 11,
Novembre 1990. Les participants à cette réunion avaient
proposé la mise place d'un nouveau mécanisme institutionnel au
sein des Nations Unies : le Haut commissariat pour l'environnement et le
développement et la Commission internationale pour l'environnement et le
développement. Le domaine d'action de ce mécanisme est le
contrôle de la mise en oeuvre des instruments internationaux relatifs
à la protection de l'environnement et au développement
durable.
Depuis toujours, il existe une chambre
spécialisée pour l'environnement à la Cour internationale
de justice, mais une action à cette juridiction requiert l'accord de
deux Etats au litige, ce qui limite son intérêt. Cette chambre n'a
d'ailleurs jamais été saisie .En résumé, il est
difficile de réformer la gouvernance mondiale environnementale actuelle
dans la mesure où certains Etats disposent de situations
privilégiées dans les institutions actuelles.Il est certes vrai
que l'Union européenne essaie de faire contrepoids à la
superpuissance américaine, mais il est non moins clair que les pays
industrialisés tiennent encore, et pour longtemps sans doute, presque
toutes les clés qui ouvrent sur une amélioration de la
gouvernance mondiale environnementale. Manifestement, l'action institutionnelle
commandée par les défis environnementaux actuels reste encore
largement tributaire de la volonté politique des Etats
développés.
Nous avons vu que la protection de
l'environnement et l'amélioration de la gouvernance mondiale
environnementale sont de missions titanesques. Elle l'est aussi parce que la
protection de l'environnement nécessite beaucoup de moyens financiers
qui ne sont pas encore mobilisés aujourd'hui par la communauté
internationale.
L'humanité est entrée dans un nouveau
siècle mais les problèmes environnementaux mondiaux n'ont pas
reculé devant l'augmentation de la richesse matérielle. La
pauvreté et la faim continuent de menacer un quart des habitants des
pays en développement. L'eau douce nous l'avons vu reste trop rare et
les émissions de gaz à effet de serre augmentent. Les modes non
durables de production et de consommation des pays développés
n'ont pas changé. Ces problèmes pourraient s'aggraver, car la
population mondiale devrait s'accroître passant de 6 à 11
milliards. La tendance à la détérioration de
l'environnement mondial exige que la communauté internationale dans son
ensemble fasse preuve d'un engagement politique plus fort et qu'elle prenne de
nouvelles mesures permettant de progresser plus rapidement sur la voie du
développement soutenable(*63).
Dans cet ordre d'idées, Federico Mayor(64*) avait
déclaré : « Tous les pays de la
planète doivent comprendre que pour faire face à ces
problèmes de plus en plus urgents, ils doivent faire de nouveaux choix
et déterminer de nouvelles priorités d'investissement. Les pays
ne peuvent continuer à investir de milliards de dollars en armements et
ne consacrer qu'une petite friction de leurs budgets nationaux aux secteurs
clés que sont la recherche scientifique et le développement de
sources d'énergie plus propres, et notamment d'énergie
renouvelable. Pour faire face au gravissime problème des changements
climatiques et donner une chance au développement durable, il faut
passer d'une gestion de crise à une stratégie de
prévention de crise qui aidera à réduire les effets des
changements climatiques mondiaux .La seule option responsable qui nous reste
est d'agir dès maintenant. Protéger notre atmosphère,
l'air que nous respirons, la planète sur laquelle nous vivons est le
véritable défi du XXIe siècle, et non l'accumulation des
matériels militaires de défense qui servent aussi aux guerres que
nous devons -enfin- apprendre à éviter ». Federico
Mayor a fait cette déclaration à propos de la Conférence
de Buenos Aires qui considère que les problèmes environnementaux
mondiaux les plus sérieux affrontés par l'humanité sont
indubitablement le changement climatique et les problèmes liés
à l'eau à l'échelle planétaire. Cette mise au point
était nécessaire pour aborder le second défi du droit
international de l'environnement prospectif, à savoir dégager de
nouveaux moyens financiers pour une mise en oeuvre effective du droit
international de l'environnement en vigueur.
(63)- C'est une autre appellation du concept
développement durable
(64)- Il faisait cette déclaration comme
Directeur général de l'UNESCO
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