CHAPITRE DEUXIEME : DEGAGER DE NOUVEAUX MOYENS
INSTITUTIONNELS ET FINANCIERS
Il faut savoir pourquoi avant de se
demander comment. C'est en partant de cette boutade que l'on peut se poser
plusieurs questions intéressantes pour la suite. Pourquoi de nouveaux
moyens institutionnels et financiers ? Pourquoi le droit international de
l'environnement doit-il dégager ces moyens ? Les moyens
institutionnels et financiers actuels sont-ils suffisants pour assurer la
protection de l'environnement ? Autant de questions qu'il convient de se
poser avant de penser aux mécanismes innovants de financement et aux
nouvelles institutions capables d'assurer la protection de l'environnement. La
seconde tâche du droit international de l'environnement prospectif devra
donc être celle d'engager de nouveaux, car ceux qui existent sont
incapables d'apporter de solutions durables aux problèmes
environnementaux globaux. Ainsi, le droit international de l'environnement
prospectif devra améliorer la gouvernance actuelle environnementale
(SECTION 1) et dégager de nouveaux moyens financiers (SECTION 2) pour
compléter les moyens actuels.
SECTION 1 : DEGAGER DE NOUVEAUX MOYENS
INSTITUTIONNELS
Le développement du droit international de
l'environnement prospectif requiert la poursuite d'un double effort .Le premier
vise, on l'a vu, à combler les lacunes du droit international de
l'environnement actuel. Mais il est vraisemblable qu'un tel enrichissement du
droit international de l'environnement doive aussi s'accompagner aussi d'un
développement institutionnel pour permettre la mise en application de
ce droit par les Etats pour ce qui les concerne mais également par des
institutions internationales appropriées, et notamment par des
internationaux directement opérateurs.
SOUS-SECTION 1 : Les institutions actuelles et
l'environnement mondial
Paragraphe 1 : L'ONU et l'environnement mondial
A- L'absence de la protection de l'environnement parmi
les buts de l'ONU
Un bref aperçu de l'architecture actuelle
de la gouvernance mondiale environnementale démontre que
l'environnement est relativement négligé sur le plan mondial. En
effet, à la création de l'ONU, les questions environnementales
ont été considérées comme secondaires
.Jusqu'aujourd'hui, la protection de l'environnement ne figure pas parmi les
buts des Nations Unies (*50).Lors de la création de l'ONU en 1945,
l'accent était beaucoup plus porté sur les questions de paix, les
droits de l'homme et le progrès économique et social. Les
institutions internationales furent mises en place en laissant de
côté les questions environnementales .Toutefois, des institutions
spécialisées rattachées à l'ONU comme l'OMI ou
encore l'UNESCO se sont dotés progressivement des compétences
sectorielles dans le domaine de l'environnement.
(50)-Voir notamment l'article 1 de la Charte constitutive de
l'ONU.
B- Une structure institutionnelle
inadaptée
Il convient d'abord, par quelques approches simples
de définir le mal qui ronge les institutions actuelles chargées
d'assurer la protection de l'environnement avant de prescrire la
thérapeutique .L'importance des déséquilibres est
parfaitement perçue et donne le vertige. La croissance des
disparités entre les institutions chargées de la protection de
l'environnement et les autres institutions spécialisées de l'ONU
n'est plus à démontrer. Le tout ne peut que qu'engendrer une
situation conflictuelle majeure. Ces inégalités fantastiques qui
permettent aux uns de disposer de moyens et de pouvoirs et empêchent les
autres d'assumer réellement leur rôle n'arrangent pas en tout cas
les choses pour l'environnement mondial .La Banque mondiale a par exemple fait
parler d'elle .Reconnaissant l'importance d'atténuer les impacts
négatifs de ces projets, elle a développé des politiques
environnementales pour guider ses prêts dans les décennies 80 et
90.En principe, ces politiques dites des « politiques de
sauvegarde » sont d'importants outils pour la protection de
l'environnement .En effet,en permettant l'évaluation environnementale
des projets,la consultation des communautés affectées, la
publication de l'information, les compensations des impacts et la remise en
état du milieu de vie, la protection de la biodiversité, pour ne
citer que ces exemples,les politiques de sauvegarde contribuent à
réduire les impacts négatifs des projets de
développements et elles favorisent des résultats positifs. Ces
politiques ont été conçues pour garantir certaines normes
de protection environnementale dans les projets de la Banque
mondiale,même lorsque ces protections n'existent pas dans la
législation nationale .Malgré l'importance de ces politiques et
leurs résultats,le cadre politique de la Banque mondiale est soumis
à une pression croissante depuis la fin des années 90.La Banque a
relativement échoué dans la mise en oeuvre
intégrée et la mise à jour cohérente de ses
politiques de sauvegarde, qui auraient du se baser sur les meilleures
pratiques les plus récentes et les résultats des
évaluations participatives(*51). Par ailleurs, deux organes de l'ONU
sont spécialement chargés directement des questions
d'environnement .Ils ont cependant un poids minime par rapport aux
premières que nous venons d'élucider. C'est le cas du Programme
des Nations Unies pour l'Environnement et de la Commission du
Développement Durable(CDD).Le Programme des Nations Unies pour
l'Environnement a été créé en 1972 , lors de la
Conférence de Stockholm, première conférence
internationale consacrée à l'environnement mondial. Conçu
comme l'oeil environnemental de l'ONU,le PNUE est un programme subsidiaire de
l'Assemblée générale des Nations Unies au même
titre que le PNUD .Il présente son rapport par le biais du conseil
économique et social , qui transmet les observations qu'il juge
nécessaires à l'Assemblée générale des
Nations Unies. La Commission du Développement Durable quant à
lui a été créée par le Conseil économique et
social des Nations Unies, sur recommandation de l'Assemblée
générale, à la faveur de la Conférence de Rio en
1992.Elle a pour mission de veiller à la mise en oeuvre de l'Agenda
21(*52)
(51)- Voir le rapport «Banque mondiale : 10 ans
de déclin des politiques environnementales et sociales«, Septembre
2005, par Shannon Lawrence, Environmental Defense, Etats-Unis et
Sébastien Godinot, les Amis de la Terre, France.
(52)- C'est un programme d'actions qui témoigne de la
volonté de la communauté internationale de s'accorder pour agir
dans le sens du développement durable. Il s'agit d'un guide de mise en
oeuvre durable pour le 21e siècle. Il est structuré en
4 sections et 40 chapitres. Les agendas 21 locaux sont la traduction locale des
engagements internationaux finalisés lors du sommet de Rio de 1992.La
mise en oeuvre de l'Agenda 21 a été réaffirmée lors
du sommet de Johannesburg du 26 août au 4 septembre 2002.
On peut aussi ajouter le Fonds mondial pour
l'environnement (FEM) sur lequel nous reviendrons, aux côtés de la
CDD et du PNUE. Retenons tout simplement que le FEM est venu s'ajouter
l'architecture des institutions pour la gouvernance mondiale de l'environnement
en 1990.Il est administré conjointement par la Banque mondiale, le PNUD
et le PNUE .Il rassemble les fonds pour lutter contre les menaces pesant sur
l'environnement global.
En clair, l'architecture actuelle de la gouvernance mondiale
en général et en matière d'environnement en particulier
présente un cliché défavorable à l'environnement
mondial dans la mesure où les institutions internationales
rattachées au système des Nations Unies, qui défendent les
valeurs du développement durable, ont un poids minime. En revanche
celles qui empiètent aux compétences du Programme des Nations
Unies pour l'Environnement comme c'est le cas pour la Banque mondiale, le
Fonds monétaire international (FMI) et l'Organisation mondiale du
commerce (OMC) disposent de moyens financiers colossaux et de pouvoirs
considérables qu'elles pouvaient utiliser totalement pour la
préservation de l'environnement. Est-il normal, par exemple dans un
monde meilleur que les principes et les règles qui contribuent au
maintient de la vie sur terre, qui fixent les objectifs du développement
durable et organisent des procédures de prévention, de
précaution et de participation, bref les qui préservent les
intérêts des générations présentes et
futures, soient dominées par les règles qui régissent le
commerce international ? N'est-ce pas au Programme des Nations Unies pour
l'environnement que devrait revenir la compétence sur certaines
questions environnementales ? Est-il normal que l'environnement continue
à être relégué au second plan par le commerce
international parce qu'il manque une institution capable de tenir devant
l'Organisation mondiale du commerce ? Toutes questions ramènent
à la problématique de la réforme de la gouvernance
mondiale environnementale.
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