SOUS-SECTION 2 : Le développement du droit de
l'homme à l'environnement
Paragraphe 1 : Inscrire le droit à
l'environnement dans un Pacte sur l'environnement et le développement
A titre de rappel, le débat sur l'existence
ou non d'un droit de l'homme à l'environnement a été clos
dans la mesure où le droit international de l'environnement a
réglé la question. Le premier principe de la Déclaration
de Stockholm avait déjà proclamé ce qui
suit : « L'homme a un droit fondamental à la
liberté , l'égalité et à des conditions de vie
satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de
vivre dans la dignité et le
bien-être »(*33).Après de longues discussions qui ont
suivi cette proclamation, discussions qui tournaient sur la façon de
définir ce droit , sur son contenu , les instances pouvant intervenir et
les procédures à être appliquées ; le droit de
l'homme à l'environnement a été d'abord défini
par la doctrine comme un droit procédural. En d'autres termes, il est
à considérer comme « le droit de
propriété », d'une personne est en
réalité non pas un droit de posséder quelque chose, mais
un droit permettant de mettre en oeuvre des procédures si le
propriétaire est lésé dans la jouissance de son droit .Le
principe 10 de la Déclaration de Rio a par ailleurs consacré ces
vues de la doctrine (*34).Ce droit a par la suite connu un succès
croissant selon les termes du professeur Charles Alexandre Kiss. Ainsi que le
principe de l'information et de participation a été inscrit dans
toute une série de traités relatifs à différents
aspects de la protection de l'environnement (*35).
(32)- Union internationale pour la conservation de la
nature
(33)-Déclaration de Stockholm faites en 1972 lors de la
première conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement (CNUCED)
(34)- Déclaration de Rio faite lors du Sommet de Rio
en 1992
(35)- La convention d'Aarhus par exemple de 1995
Cependant, nonobstant ce succès croissant du droit de
l'homme à l'environnement, la communauté internationale devrait
dépasser cette reconnaissance partielle ou régionale de ce droit
, en l'inscrivant éventuellement dans un Pacte sur l'environnement et le
développement qui donnerait ainsi une force juridique plus importante
à ce droit de l'homme.
Paragraphe 2 : Etendre le droit à
l'environnement à d'autres droits substantiels
Par ailleurs, dans cet ordre
d'idées, le droit international de l'environnement prospectif devra
aussi évoluer en proclamant des droits substantiels liés au
droit de l'homme à l'environnement, comme le droit à l'eau,
à l'air pur, à la jouissance de paysages, aux
bénéfices de la biodiversité. Qu'est-ce qui rend urgente
une action dans ce sens ? Autrement dit pourquoi le droit international de
l'environnement prospectif doit-il aller dans ce sens ? La réponse
est très aisée à donner.Il nous suffit d'analyser la
situation de l'environnement actuel, particulièrement celle des
ressources de la terre.
En effet, l'humanité est entrée dans
un nouveau siècle mais les problèmes environnementaux mondiaux
n'ont pas reculé devant l'augmentation de la richesse matérielle
.La pauvreté et la faim continue de menacer un quart des habitants des
pays en développement.
L'eau par exemple est parmi les sujets
d'inquiétude de la planète .En effet, l'eau pose un redoutable
problème géopolitique et écologique. Malheureusement,
cette ressource est très inégalement distribuée entre les
humains. Source de vie et première substance de la planète,l'eau
n'est pourtant pas à la portée de tous .Ainsi, la consommation
journalière varie de plus de 600 litres par personnes aux Etats-Unis
à moins de 10 litres pour certains pays africains .En Afrique, un
touriste consomme plus 800 litres par jour pour ses différents usages,
depuis le golf jusqu'à la piscine(*36) .Au XXe siècle, l'eau
à changer de statut économique, passant de l'état de
bien libre à celui de marchandise,dont la distribution est largement
contrôlée par des entreprises multinationales (Suez Lyonnaise des
eaux et Vivendi Environnement, par exemple , sont présents dans une
centaine de pays).Les surfaces irriguées à des fins agricoles ont
été multipliées par six au siècle dernier et
l'exploitation intensive de certains fleuves a amené des catostrophes
écologiques , telle que la disparition de la mer d'Aral en Asie centrale
qui a entraîné l'émigration de millions de paysans.
L'intensification de la production agricole amène une hausse de
l'irrigation qui représente aujourd'hui 70% de l'eau utilisée par
l'homme. La consommation mondiale de l'eau devrait aussi s'accroître
considérablement, compte tenu de la croissance démographique et
de l'industrialisation des pays en développement.
Or les ressources en eau douce ne sont pas
illimitées, d'autant que leur pollution tend à augmenter. L'eau,
enjeu majeur pour l'environnement au 21e siècle, source
potentielle de conflit si les mesures nécessaires ne sont pas prises
pour une gestion durable de cette ressource à l'échelle mondiale
.L'accès à l'eau potable pour tous est effectivement la condition
première du développement durable (*37). Cet accord sur
l'utilisation équitable des ressources naturelles peut paraître
utopique à court terme, mais c'est un objectif vers lequel le droit
international de l'environnement doit tendre.
(36)- Ploye (F.), Jeune Afrique
l'intelligent, « Environnement avant la dernière
goutte », Hors série, L'Etat de l'Afrique 2004, n° 6
P114
(37)-Ploye (F), Jeune Afrique L'intelligent, OP.
Cit., P115
Il y a donc urgence. Dans plusieurs décennies, on ne
se battra plus pour le pétrole, matière première alors
épuisée. En revanche, l'eau est une base potentielle de conflits
pour s'approprier cette ressource devenue parcimonieuse. Les deux tiers des
grands fleuves et des bassins versants sont repartis sur plusieurs pays et
deux personnes sur cinq dépendent de ces eaux partagées. Ainsi
par exemple l'Autorité du bassin du Niger (ABN) regroupe-t-elle neuf
Etats, confrontés aux risques d'assèchement du troisième
plus grand fleuve du continent Africain. Une menace lourde de tensions
où vivent plus de 100 millions de personnes.
Aujourd'hui, l'eau a émergé au niveau politique
.Elle est un droit, mais un droit à conquérir. Elle est
également un bien ayant un prix. A l'échelle mondiale comment le
droit international de l'environnement doit-il répondre à cette
équation aux paramètres contradictoires, sachant que pour les
plus démunis des humains, la réponse est vitale ? Quelles
sont les conditions requises pour permettre l'accès à l'eau pour
tous ?
Sans parler de ces enjeux géopolitiques
générateurs de guerres futures, à un moindre niveau, des
conflits sont possibles entre zones urbaines et compagnes, la concurrence
deviendra plus vive entre usages agricole et domestique.
La mauvaise répartition de la ressource suivant les
zones géographiques, conjuguée à une croissance
démographique galopante, soulève donc de véritables
défis pour le droit international de l'environnement prospectif. Un
enjeu d'autant plus crucial que, plus que tout autre, le 21è
siècle sera beaucoup vulnérable aux mutations climatiques en
cours comme le souligne les rapports des experts.
|