B - La réparation du préjudice
causé
S'il entend obtenir réparation du préjudice
qu'il a subi, le créancier de l'obligation non exécutée
peut réclamer en justice la condamnation du débiteur.
En effet, un rapport de cause est toujours requis entre la
faute du débiteur et le préjudice causé au
créancier, avec cette règle que seul le dommage direct doit
être réparé.
Toutefois, la Cour d'Appel de Rabat avait jugé à
bon droit qu'un créancier qui prétend avoir subi un dommage doit
rapporter la double preuve du préjudice subi et de la fraude du
débiteur.
Elle a affirmé que « l'action judiciaire ou
révocatoire dirigée contre un acte à titre onéreux,
ne peut réussir qu'à la double condition de preuve du
préjudice subi par le créancier et de la fraude du
débiteur et de son contractant.
Lorsque l'acte attaqué est un prêt et qu'il est
démontré que les fonds prêtés ont été
investis dans une construction devenue gage commun des créanciers,
l'action paulienne est absolument injustifiée » (1)
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(1) Arrêt de la Cour d'Appel de Rabat du 2/4/1937
R.A.C.A.R. tome 9 P. 312 - IN : Code annoté des obligations et
contrats par le Doyen François-Paul BLANC - AL MADARISS - 1981
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Mais auparavant, il faut tenter de rétablir
l'état antérieur avant d'engager une action en
responsabilité civile qui sera jointe à l'action paulienne.
1 - Rétablissement de l'état
antérieur à l'acte attaqué
En doit romain, l'action paulienne aboutissait indirectement
à la remise en l'état antérieur, vu son caractère
« arbitraire », plutôt qu'à une condamnation
pécuniaire :
Aujourd'hui, à la lumière de la jurisprudence
récente, l'effet de l'action se résume à la remise en
l'état antérieur et, ne donne pas droit à des dommages
intérêts.
C'est le cas notamment d'une décision judiciaire non
publiée ayant admis l'action paulienne intentée par un
créancier à l'encontre d'une caution solidaire.
Celle-ci a consenti un acte de donation fictif avec son
épouse en fraude des droits des créanciers.
Le tribunal, après s'être assuré de la
créance et de l'acte fictif de la caution intervenu après
l'engagement avec le créancier, a ordonné, à bon droit, la
remise en l'état antérieur, c'est-à-dire de
considérer la caution propriétaire du bien objet du titre foncier
n°.. avec mention à Monsieur le conservateur de rayer l'inscription
de l'acte de donation (1)
Néanmoins, une réserve doit être faite
lorsqu'il n'est pas possible de rétablir l'état
antérieur : le juge doit allouer au créancier un avantage
équivalent.
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(1) Jugement du T.PI HAY HASSANI - AIN CHOCK N° 3701 du
10/12/1999 - dossier n° 1944/99 (affaire W.C/ MR. R.M. & STE. EMA.)
copie en annexe 18
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Cela se justifie pleinement lorsque l'acquéreur (du
bien aliéné par le débiteur) a cédé la chose
à titre onéreux à un sous acquéreur de bonne
foi.
L'exigence de cette dernière lui évitera
d'être poursuivi pour complicité de fraude et partant,
déclaré civilement responsable du préjudice causé
au créancier.
Ce dernier aura la possibilité de diriger donc son
action, contre le premier acquéreur pour le paiement de l'indu par
application des dispositions de l'article 76 du Dahir formant code des
obligations et contrats qui stipule que « si celui qui a reçu
de bonne foi a vendu la chose, il n'est tenu qu'à restituer le prix de
vente ou à céder les actions qu'il a contre l'acheteur, s'il
était encore de bonne foi au moment de la vente.
En d'autres termes, et en appliquant à cet
acquéreur les règles générales posées par
l'article 76 précité, l'acquéreur de bonne foi ne doit que
le prix qu'il a lui-même reçu lors de la sous
aliénation ; alors que l'acquéreur de mauvaise foi sera tenu
de la valeur actuelle de la chose aliénée.
Par ailleurs, lorsque le tiers qui a acquis à titre
gratuit a revendu le bien, il devra verser seulement le montant de son
enrichissement s'il était de bonne foi.
En cas de complicité, il sera tenu de la valeur
actuelle du bien.
Quoiqu'il en soit, le créancier qui intente une action
paulienne à l'encontre d'un débiteur indélicat, vise
à préserver ses droits et intérêts en vue du
recouvrement de sa créance.
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Mais, force est de constater que dans l'hypothèse
où le rétablissement de la situation antérieure est
impossible, le créancier fraudé peut intenter une action en
responsabilité civile aux côtés de l'exercice de
l'action paulienne.
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