CHAPITRE 2. L'ACTION DE L'ONU CONTRE LE TERRORISME
INTERNATIONAL : LA LUTTE CONTRE UN ENNEMI NON DÉFINI.
Section 1. La condamnation du terrorisme international par
le Conseil de Sécurité: « Une menace à la paix et
à la sécurité internationales ».
Jusqu'en 1999, le Conseil de Sécurité a
abordé la question du terrorisme essentiellement sous la forme de
sanctions politiques, diplomatiques, économiques ou militaires à
l'encontre d'États accusés de soutenir des "groupes
terroristes".
A la suite des attentats du 7 août 1998 contre les
ambassades américaines de Nairobi et Dar el Salaam, déjà
attribués à Al Quaïda, des sanctions plus
sévères ont été prises à l'encontre de
l'Afghanistan des Talibans ( Résolutions 1189/9867,
1267/9968 et 1333/0069).
65 Article 24 du projet. Rapport de la Commission du droit
international, 1991, doc. Supplément n° 10 (A/46/10), pp.
271-272.
66 Rapport de la Commission de Droit International,
1995, doc. Supplément n° 10, (A/50/10), § 105 et
suivants.
67 Résolution n° 1189 du Conseil de
Sécurité sur le terrorisme international adoptée le 13
août 1998,
68 Résolution n° 1267 sur la situation en Afghanistan
adoptée le 15 octobre 1999.
69 Résolution n° 1333 sur la situation en Afghanistan
adoptée le 19 décembre 2000.
En octobre 1999, la résolution 126970 a
inauguré une approche plus globale du terrorisme international, en
particulier dans son paragraphe 4, inspiré par les Russes,
désireux d'obtenir une prise de position plus forte du Conseil de
Sécurité et de lancer une coopération accrue des
États dans la lutt e antiterroriste.
La résolution 1368, adoptée au lendemain des
attentats du 11 septembre 2001, marque un tournant juridique.
Pour la première fois, les actes de terrorisme
international sont qualifiés de façon générique de
<<menaces à la paix et à la sécurité
internationales ».
Auparavant cette qualification relevait de résolutions au
cas par cas.
Cependant, le problème demeure: La résolution 1368
ne définit à aucun moment les actes considérés
comme terroristes.
Section 2. Les travaux de l'Assemblée
Générale des Nations Unies et les
nombreuses conventions adoptées en son sein.
En 1972, suite aux jeux olympiques de Munich, au cours
desquels 11 athlètes israéliens ont été
enlevés puis assassinés, le Secrétaire
Général de l'ONU, Kurt Waldheim, décida d'inscrire la
question du terrorisme international à l'ordre du jour.
Il s'agissait de proposer une réflexion sur
<<les mesures visant à prévenir le terrorisme
et autres formes de violences qui mettent en danger ou anéantissent
d'innocentes vies humaines ou compromettent les libertés fondamentales
».
I. Les travaux des Comités spéciaux
sur le terrorisme international.
Ainsi, le 23 septembre 1972, la sixième Commission de
l'AGNU71, en charge de l'élaboration des instruments
juridiques internationaux, se voit confier l'élaboration d'une
étude approfondie sur le problème du terrorisme et sur ses
origines.
Suite à cette étude, l'AGNU adopte le 18
décembre 1972, la résolution 3034 (XXVII) qui crée un
Comité spécial composé de 35 membres et chargé
d'élaborer un rapport sur le phénomène du terrorisme
international.
70 Résolution 1269 sur le maintien de la paix et la
sécurité internationale adoptée le 19 octobre 1999.
71 L'Assemblée Générale des Nations Unies
dispose de 6 commissions : la 1ère est chargée des
questions de désarmement et de sécurité internationale, la
2ème des questions économiques et financières,
la 3ème de questions sociales, humanitaires et culturelles,
la 4ème des politiques spéciales et de la
décolonisation, la 5ème des questions administratives
et budgétaires, la 6èmecommission est la commission
juridique.
Les travaux de ce Comité illustrent parfaitement les
difficultés pour parvenir à un consensus sur une
définition juridique du terrorisme72.
Lors des débats, furent signalés comme
éléments de définition: le caractère international
des actes ; les mobiles ; les auteurs ; et les victimes.
Néanmoins il n'y eut aucun consensus sur la nature et la
portée de ces éléments73. Ainsi, pour certains
États, les victimes du terrorisme devaient se circonscrire aux
États alors que d'autres se référaient aux "personnes
innocentes" et aux civils.
Le problème de l'amalgame avec les luttes de
libération nationale ou de résistance contre l'occupation
étrangère fut également au centre des débats.
Cette question des mouvements de libération nationale
fut également au centre des travaux du Comité spécial pour
l'élaboration d'une convention internationale contre la prise d'otages,
crée par la résolution 3 1/103 en date du 15 décembre
1976.
Cette Convention internationale contre la prise d'otages
verra le jour le 17 décembre 1979. Elle ne donne cependant aucune
définition du terrorisme.
Elle n'est pas la seule, puisque, aucune des nombreuses
conventions adoptées dans le cadre des Nations Unies ne donne de
définition globale du terrorisme.
II. L'absence de définition universelle dans les
nombreuses conventions relatives
au terrorisme.
Depuis le début des années 60, douze conventions
internationales et protocoles additionnels et sept conventions
régionales relatifs au terrorisme international ont été
élaborés, directement ou indirectement sous les auspices de
l'Assemblée Générale.
Sans détailler l'intégralité du dispositif
normatif élaboré sous cet égide74, on citera
entre autres la Convention du 14 septembre 1963 "relative aux infractions
et à certains actes
72 Voir en ce sens, le "Rapport du Comité Ad Hoc sur
le terrorisme international", doc. Des Nations Unies, supplément
n° 37 (A/34/37), §88 et suivants.
73 Voir ainsi les "Observations présentées par
les Etats conformément à la résolution 3034 (XXVII)
de
l 'Assemblée Générale - Etude analytique
du Secrétaire Général", doc. des Nations Unies A/AC.
160/2, du 22 juin 1973.
74 Pour une énumération exhaustive des instruments
internationaux de lutte contre le terrorisme international cf. Annexe V, pp.
63-69.
survenus à bord des aéronefs"; la
Convention du 23 septembre 1971 "pour la répression d 'actes
illicites dirigés contre la sécurité de l 'aviation
civile"; la Convention internationale du 17 décembre 1979
"contre la prise d'otages"; la Convention du 3 mars 1981 "sur la
protection physique des matières nucléaire" et la
Convention du 10 mars 1988 "pour la répression d 'actes illicites
dirigés contre la sécurité de la Navigation
maritime".
Cependant, jusque récemment, le terme "terrorisme"
n'apparaît dans aucune convention.
Il faut en effet, attendre 1997 et la Convention "sur la
répression des attentats terroristes à l 'explosif", puis en
1999, la Convention "sur la répression du financement du terrorisme"
pour qu'apparaisse, au sein de la production normative des Nations Unies,
le terme de"terrorisme".
Cette absence traduit bien la réticence des États
à utiliser un terme qui ne fait l'objet d'aucune définition
commune et d'aucun consensus.
Une autre constat s'impose: Les Nations Unies ont,
jusqu'à présent, préféré une approche
sectorielle de la lutte antiterroriste, envisageant la problématique
terroriste au travers de ses manifestations spécifiques et de ses modes
opératoires (aviation civile, navigation maritime...) et non dans sa
globalité.
C'est à nouveau le reflet de l'absence de consensus des
États sur une définition globale du terrorisme.
La très récente Convention internationale
"relative à la répression des actes de terrorisme
nucléaire" ne fera pas exception à la règle.
Adoptée par l'Assemblée Générale
le 13 avril 2005, après huit années de travaux du Comité
Spécial, cette Convention sera ouverte à la signature de tous les
États du 14 septembre 2005 au 31 décembre 2006, au siège
de l'ONU à New York.
Elle viendra ainsi s'ajouter aux douze Conventions existantes.
La Convention relative à la répression des
actes de terrorisme nucléaire entrera en vigueur le 30ème
jour qui suivra la date du dépôt, auprès du
Secrétaire Général de l'ONU du 22ème
instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou
d'adhésion.
Cette Convention, qui contient 28 articles définit, dans
son article 2, les infractions qui entrent dans la catégorie des actes
de terrorisme nucléaire.
Parmi celles-ci figure le fait de détenir, illicitement
et intentionnellement, des matières radioactives, de fabriquer et de
détenir un engin dans l'intention d'entraîner la mort d'une
personne ou de lui causer des dommages corporels graves ou dans l'intention de
causer des dégâts substantiels à des biens ou à
l'environnement.
L'adoption d'une Convention relative à la
répression des actes de terrorisme nucléaire était une des
propositions du rapport75 du Secrétaire Général
des Nations Unies, Kofi Annan, pour lutter contre le terrorisme
international.
La deuxième proposition du secrétaire
général tient en l'adoption d'une convention globale contre le
terrorisme qui comporterait une définition universelle du terrorisme.
Contrairement aux autres conventions, celle-ci devrait comporter « une
définition claire et universellement acceptée du terrorisme
»76.
III. L'adoption d'une "Convention
générale contre le terrorisme" comprenant une définition
universelle du terrorisme ?
En 1996, l'Assemblée Générale des Nations
Unies créa un comité spécial, en vue d'élaborer
plusieurs instruments internationaux contre le terrorisme, et notamment un
instrument général sur le terrorisme77.
Le Comité spécial s'est attaqué à
l'élaboration d'une Convention générale sur le terrorisme
international, sur la base d'un projet déposé par l'Inde en 1996
et révisé en 200078, et à cet effet, un groupe
de travail a été constitué.
Cependant, jusqu'à présent, le Comité n'est
pas parvenu à élaborer une telle Convention.
Le coordonnateur du Comité Spécial rappelait
récemment que la pierre d'achoppement restait la même :
l'impossibilité pour les États de se mettre d'accord sur une
définition du terrorisme.
Le Projet de déclaration finale du Sommet de New York des
14, 15 et 16 septembre prochain, qui propose une définition du
terrorisme marque il la fin de ce vide juridique ?
75 Rapport du Secrétaire Général,
«Dans une liberté plus grande: développement,
sécurité et respect des droits de l 'Homme pour tous »,
du 21 mars 2005 ; cf. infra.
76 Cf. Rapport du Comité Spécial crée
par la Résolution 51/210 de L 'Assemblée Générale
en date du 17 décembre 1996, Supplément n° 37
(A/59/37).
77 Résolution n° 51/210 de l'AGNU, du 17
décembre 1996.
78 Document des Nations Unies, A/C.6/51/6 et A/C.6/55/L.2.
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