2. Les nouvelles formes organisationnelles
2.1. Caractéristiques
L'approche basée sur les ressources et les
compétences semble renverser la logique de l'analyse stratégique
dominée jusqu'au début des années 1990 par
l'approche porterienne45 basée sur l'analyse du secteur et
la détermination des Facteurs Clefs de Succès (FCS). Dès
lors, émerge une nouvelle théorie de la structure
résultant de la dialectique avec ce nouveau paradigme
stratégique46 .
En effet, pour maintenir et développer ses
compétences et ressources distinctives, l'entreprise doit se
recentrer sur ses activités coeur de métier et s'appuyer sur des
partenaires externes pour les autres activités. Le but est de
créer une chaîne dont le maillon le plus faible reste performant
puisque la valeur de la chaîne dépend de lui. Cette
nouvelle stratégie de délégation et de mise en
réseau est dite stratégie d'externalisation ou
d'impartition. Les nouvelles structures qui naissent de ces
stratégies (ou si l'on préfère, qui font
naître ses stratégies) sont dites «structures en
réseau» ou «structures transactionnelles»47
.
43 Quinn J B., Bâtir une
organisation intelligente : optimiser les ressources, les services et la
technologie, in
Fahey L. et Randall R. (dir.), ibid.,
p.318.
44 Quinn J B., ibid.,
p.321.
45 Porter M., Choix
stratégiques et concurrence : techniques d'analyse des secteurs et de la
concurrences dans l'industrie, Economica, Paris, 1982, titre original
: Competitive Strategy: Techniques for Analysing Industries and
Competitors, The Free Press, NY, 1980, L'avantage concurrentiel,
InterEditions, Paris, 1986, titre original:
Competitive Advantage, The Free Press, NY, 1985.
46 La relation stratégie structure est
abordée dans Chandler A D., Stratégie et
structure, éd. d'Organisation, Paris, 1972, titre original :
Strategy and Structure, MIT Press, Cambridge, 1962.
47 Fréry F., La
chaîne et le réseau, in Dedans, Dehors,
Coordonné par Besson P., Vuibert, Paris, 1997, p.34.
25
2.2. Les avantages stratégiques des structures
transactionnelles48
Sans aborder tous les avantages recherchés par les
entreprises qui adoptent la structure transactionnelle, nous nous
focaliserons sur ceux qui sont en relation avec la maîtrise des
connaissances et des compétences.
2.2.1. Spécialisation et accumulation des
compétences
La spécialisation sur certaines compétences
et l'externalisation des autres assurent une acquisition et une
valorisation des compétences que l'on a conservées en
interne. En se spécialisant sur certaines activités,
l'entreprise augmente la taille de la base de connaissances correspondant aux
compétences qu'elle a maintenues en interne, et donc
accélèrent l'accumulation des heuristiques qui lui sont
nécessaires. L'accumulation de ce savoir permet une progression plus
rapide sur la courbe d'expérience qui se traduit par la diminution
des coûts de production et l'amélioration de la qualité.
L'amélioration des performances due à la
spécialisation, touche tous les maillons de la chaîne de valeur ce
qui accroît la sa performance globale. Un sous-traitant qui se
spécialise dans une activité et qui progresse le long de
sa courbe d'expérience, permet à terme au donneur d'ordre
d'améliorer la profitabilité de l'activité
externalisée par rapport à son maintient en interne.
2.2.2. Plus forte capacité
d'innovation
L'activité d'innovation a toujours
été paradoxale au sein d'une structure mue par les
impératifs de productivité. En effet, le développement
d'innovations, notamment celles dites radicales, requiert une structure libre
d'entraves réglementaires et budgétaires, mais soumise
à
de fortes contraintes d'efficacité.
L'adoption d'une structure en réseau permet à
une organisation bureaucratique de sous- traiter l'innovation à une
cellule organique (cas du PC chez IBM) et à l'inverse, une
organisation innovante peut faire fabriquer ses nouveautés par des
sous-traitants soumis à des critères de rentabilité (cas
de la NASA, NIKE, Benetton ou Dell).
Pour une entreprise de grande taille, l'externalisation de
l'entité chargée de l'innovation présente trois avantages
majeurs :
La structure innovante n'est pas freinée par les
procédures et les habitudes acquises par la structure productive. La
mise en cause des technologies sur lesquelles cette dernière a
fondé son succès sera d'autant plus aisée, et la
tentation de prolonger artificiellement l'existant plutôt que de le
remplacer sera limitée ;
Le lien avec les clients habituels est
rompu, ce qui permet d'identifier des consommateurs nouveaux. Lors de
l'apparition des micro-ordinateurs, IBM a consulté ses clients,
responsables informatiques des plus grandes entreprises mondiales, sur
l'intérêt de développer ce type de machines. Tous
ont répondu qu'elles n'avaient aucun intérêt pour eux,
ce qui était à l'époque parfaitement exact. En revanche,
Apple
48 Adapté de Fréry F.,
ibid., pp.29-33.
26
ou Commodore, qui n'étaient pas attachés
à cette frange de clients prestigieux, ont reçu de leur
marché un message tout à fait différent ;
Une technologie nouvelle s'adresse souvent à un
marché nouveau, qui par définition assure au départ des
volumes de ventes peu important, suffisant pour rentabiliser une petite
structure mais trop faible pour couvrir les frais de structure d'une
grande entreprise.
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