2. Le développement rapide des technologies de
l'information et de la communication
(TIC)
2.1. Caractéristiques23
L'énorme impact des TIC sur la Société
moderne est incontestable. Mais il est intéressant
de constater avec Solow R. que l'on voit l'informatique
partout aujourd'hui, sauf dans les statistiques de
productivité24 . Il importe donc de cerner les
propriétés distinctives des TIC afin
de comprendre leur apport potentiel.
18 Pour une introduction à ces questions,
voir par exemple : Andler D., Introduction aux sciences
cognitives, Gallimard, Paris, 1992 et 2004.
19 Weick K E., Cartographic
Myths in Organisations, in Huff A S. (dir.), Mapping
Strategic Thought, Wiley, NY, 1990, pp1-10, cité par
Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel J., Safari en pays
stratégie. L'exploration des
grands courants de la pensée stratégique,
Village Mondial, Paris, 1999, p.169.
20 Huff A S. (dir.), opus
cité, dans Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel J.,
ibid., p.170.
21 El Sawy O A. et Pauchant T C.,
Triggers, Templates, and Twitches in the Tracking of Emerging of
Strategic
Issues, Strategic Management Journal, n° 9,
September-October 1988, pp. 455-474, rapporté par Mintzberg H.,
Alstrand B. et Lampel J., ibid., p.177.
22 Adapté de Smiricich L. et Stubbart
C., Strategic Management in an Enacted World, Academy of
Management
Review, 10, 4, 1985, pp 724-736, adapté par
Mintzberg H., Alstrand B. et Lampel J., ibid.,
p.180.
23 Adapté de Evans P B. et Wurster T
S., Strategy and the New Economics of Information, Harvard
Business
Review, Sept-Oct 1997, p.73.
24 Cité par Prax J-Y., Le
manuel du Knowledge Management, Dunod, Paris, 2003, p.7.
17
2.1.1. La connectivité
Il s'agit du nombre d'éléments d'un
réseau d'information. Les TIC permettent d'augmenter
considérablement ce nombre.
2.1.2. La personnalisation
C'est le degré d'adaptation du message à la
cible. Il est possible avec les TIC de personnaliser le message à
un coût faible.
2.1.3. L'interactivité
C'est la possibilité d'interaction entre les
éléments du réseau d'information. On peut grâce
aux TIC faire interagir un nombre important d'éléments
de manière synchrone ou asynchrone.
2.1.4. La variété des signaux
On peut grâce aux TIC transmettre une grande
variété de signaux par un même canal en un temps
réduit.
2.2. Le compromis entre richesse et
connectivité25
Les trois derniers critères définissent la
richesse d'une situation d'information. Elle est d'autant plus riche
qu'elle est personnalisée, interactive et permet la transmission d'un
grand nombre d'information à la fois.
Dans l'économie traditionnelle, la
difficulté consiste à résoudre le compromis entre
richesse et connectivité. Plus un message est riche moins il
peut atteindre de cibles. La situation la plus riche est certainement le
dialogue, mais c'est la situation qui implique le plus petit nombre
d'éléments. Un message publicitaire sur une chaîne de
télévision atteint un grand nombre de personnes mais sa
richesse en informations est très faible. (Voir figure 2 : La
traditionnelle économie de l'information).
25 Adapté de Evans P B. et Wurster T
S., ibid., p.37.
18
Figure 2: La traditionnelle économie de
l'information
Richesse
(personnalisation, interactivité, variété
des signaux)
Compromis traditionnel
Connectivité
Source: Evans P B. et Wurster T S., Strategy
and the New Economics of Information, Harvard Business
Review, Sept-Oct 1997, p. 74.
L'émergence de nouveaux standards techniques dans le
domaine des télécommunications
et la dérégularisation du secteur ont permis une
connectivité sans précédent entre des zones
géographiquement très éloignées mais surtout avec
une richesse d'information qui ne diminue
en rien cette connectivité.
2.3. Les effets potentiels
Nous parlons ici d'effets potentiels car l'usage d'une
technologie déterminée ne produit pas automatiquement les
mêmes effets quelle que soit l'organisation qui l'utilise et les
conditions d'utilisation.
2.3.1. Les effets potentiels sur
l'organisation26
a. Participation au processus de
décision
Le nombre de participants au processus de
décision et leur variété (rang hiérarchique,
clients, fournisseurs...etc.) se trouvent augmentés grâce à
une meilleure communication. Cet effet sera plus ou moins important selon que
la technologie sera capable ou non de transmettre une information d'un niveau
de richesse adapté aux besoins de l'utilisateur.
b. Intelligence des problèmes
L'identification des problèmes avec rapidité
et précision est améliorée avec le nombre
élevé de données récoltées, leur
rapidité de traitement et une meilleure communication. Au même
moment l'éventail des solutions connues devient plus large.
26 Adapté de Reix R.,
ibid., pp.84-90.
19
c. Rapidité et qualité des
décisions
Ces deux effets résultent notamment d'une meilleure
intelligence des problèmes ce qui réduit l'incertitude sur
l'action.
d. Nature et utilisation de la mémoire
organisationnelle
L'énorme capacité de stockage qu'offrent les
technologies, la possibilité de structurer les données
(indexation, arborescence...etc.) et la facilité d'interrogation
parfois même en langage naturel, améliorent la qualité de
la mémoire organisationnelle et en facilite l'accès.
e. Morphologie de la structure
Avec l'introduction des TIC, on observe une
diminution du nombre de niveaux hiérarchiques. Ce qui s'explique
par :
Les possibilités de coordination accrues par la
facilité de communication et de traitement ;
Les possibilités accrues de communication directe
entre niveaux hiérarchiques ce qui supprime le rôle des niveaux
intermédiaires ;
La spécialisation et l'enrichissement des
tâches qui permettent une plus grande autonomie vis-à-vis de
la hiérarchie.
f. Degré de
centralisation-décentralisation
Paradoxalement, l'utilisation des TIC plaide en faveur de
l'une comme de l'autre de ces solutions. Il n'y a pas de déterminisme
technologique sur ce point, mais le management doit savoir tirer profit de
cet avantage en cadrant l'utilisation des TIC avec les avantages
compétitifs que procure chaque mode d'organisation.
En permettant aux cadres de niveau supérieur
d'obtenir plus vite et de manière plus précise des
informations sur les problèmes locaux, en les assistant à traiter
plus vite et mieux
de grandes quantités d'information, les TIC autorisent le
transfert de décisions aux niveaux hiérarchiques
supérieurs.
Par ailleurs, une meilleure communication permet aux
cadres de niveaux inférieurs de mieux comprendre le contexte
général de la prise de décision.
g. Coordination, formalisation et
standardisation
La coordination par supervision directe et ajustement mutuel est
améliorée grâce à une meilleure communication
verticale et horizontale.
La formalisation des procédures et la standardisation
des formats des données répondent à des impératifs
techniques des outils technologiques et notamment des logiciels. Cependant, le
progrès technique tend à rendre plus convivial et plus souple
l'usage de ces technologies, cet effet formalisateur pourrait donc être
amené à diminuer.
20
h. Spécialisation des tâches
D'une manière générale, le recours aux
TIC modifie l'éventail des spécialisations dans l'organisation
en faisant apparaître de nouvelles tâches et en
éliminant, souvent par automatisation, d'autres.
i. Enrichissement des tâches et
contrôle
L'effet d'enrichissement des tâches s'explique par
les possibilités de diagnostic des logiciels et les
différentes formes d'assistances offertes par ceux-ci (CAO,
PAO...etc.). Le sentiment d'un contrôle exercé par la
hiérarchie résulte des possibilités accrues de
surveillance et de la traçabilité quasi parfaite des
informations.
j. La relation au métier
Les outils technologiques deviennent un intermédiaire
entre le travailleur et la tâche qu'il exécute. Dans ce cas, la
capacité de traiter des données abstraites devient
déterminante.
2.3.2. Les effets potentiels sur les avantages
compétitifs27
a. Fragmentation de la chaîne de valeur
La fragmentation de la chaîne de valeur en plusieurs
segments ayants chacun sa propre source d'avantage compétitif. Les
possibilités de reconfiguration deviennent plus nombreuses par la suite
ce qui crée plusieurs chaînes interconnectées.
b. Des économies d'échelle sur la
connectivité
La connectivité accrue dans un réseau
crée des économies d'échelle importantes. Il ne sert
à rien d'avoir un téléphone si on est le seul
à l'avoir, par contre plus le nombre d'utilisateur augmente plus
le coût d'accès diminue.
Ce phénomène crée souvent une
situation de monopole pour l'élément du réseau qui
capte le plus grand nombre de connections. D'où l'importance
d'imposer un standard qui oblige les autres à se conformer, cela
passe souvent par la rapidité d'accès au marché.
c. De nouvelles opportunités pour des
activités dématérialisées
Beaucoup d'activités
dématérialisées ont pu voir le jour et
proliférer à la faveur des possibilités de
communication et de stockage offertes par les TIC. On peut citer pour
exemple
les livres électroniques.
d. De nouvelles stratégies pour l'image de
marque
Parce que l'image de marque reflète la
chaîne de valeur d'une entreprise, sa reconfiguration
entraîne un changement des propriétés perçues par
les clients. Une banque qui
27 Adapté de Evans P B. et Wurster T
S., ibid., pp.71-82.
21
se focalise sur le paiement électronique ne peut plus
faire valoir la qualité de l'accueil comme image de marque mais devra
privilégier les arguments de sécurité et de
rapidité.
e. De nouvelles opportunités pour des parties
tierces
Des parties tierces qui ne fabriquent aucun produit ni ne
délivrent de service à la base, peuvent trouver de nouvelles
opportunités. C'est le cas des moteurs de recherche avec le
succès qu'on leur connaît.
f. Le pouvoir de négociation peut
changer
Cet effet résulte de l'incapacité à
monopoliser l'information. Même si ce n'est pas toujours le cas,
on observe souvent un renversement dans la capacité à
monopoliser l'information. Dans le cas des plates-formes d'achat
électroniques, ce sont les clients, de part leur nombre réduit
qui font jouer la concurrence entre des fournisseurs nombreux qui
manquent d'informations. Au contraire, sur les portails
spécialisés, les fournisseurs contrôlent l'information que
les millions de clients ne peuvent avoir.
g. Diminution du coût de changement pour le
client
Pour une grande part due à la standardisation et à
l'échange informatisé des données. Ce qui oblige les
entreprises à trouver de nouvelles manières de fidéliser
les clients.
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