II. La démarche KM
1. La phase de préparation
1.1. Alignement du projet sur la stratégie de
l'entreprise
Le Balanced Scorecard, qui est l'outil de planification
stratégique du Groupe SAIDAL, définit les missions du CRD pour
les deux prochaines années notamment :
Accroître la capacité d'innovation du Groupe
;
Accroître la compétitivité du Groupe
;
Développer les compétences dans le
domaine de la recherche et développement et l'innovation
pharmaceutique3 .
Comme nous l'avons vu au second chapitre, ces trois
missions correspondent à trois segments du KM
à savoir :
L'innovation : qui exige la combinaison des
connaissances actuelles pour en créer de nouvelles ;
L'optimisation des processus : améliorer
les performances du processus de
«Conception et de Développement des
Médicaments Génériques» sur les critères de
coût, qualité, délai ce qui est primordial pour la
compétitivité du Groupe ;
Valorisation des compétences : gérer
les compétences en fonction des orientations stratégiques du
groupe.
La Déclaration de Politique KM doit
présenter explicitement ces missions et expliquer dans quelle mesure
la démarche est importante pour l'entreprise. Il incombe
à la direction générale d'élaborer cette
déclaration après concertation avec les principaux responsables
voir avec des consultants dans le domaine.
Une vision plus claire de l'organisation
à construire à travers cette démarche doit
être définie. Cette vision se basera sur les enjeux du KM pour
l'entreprise qui sont pour chaque mission :
1. Optimisation des processus :
Eviter de refaire ce qui a déjà
été fait ;
Eviter de refaire les erreurs déjà commises
;
Transférer l'expérience acquise d'un
projet à un autre et d'une équipe à une autre
;
Améliorer les flux d'informations qui accompagnent
les flux de production ;
Faciliter l'accès à la connaissance utile
à la fonction ou à la tâche ;
Capitaliser et diffuser les règles et standards
métiers.
2. Valorisation des compétences :
Identifier les expertises cruciales dans un domaine
;
Eviter la perte d'un savoir-faire due au départ d'un
salarié ;
3 Balanced Scorecard, document interne.
94
Faciliter l'intégration des nouveaux embauchés
;
Monter des équipes projets en identifiant les
compétences adéquates ;
Gérer les compétences en fonction des
orientations stratégiques de l'entreprise et de leur
évolution.
3. Innover :
Organiser une veille technologique collaborative ;
Capitaliser les connaissances dans une base de
données unique et facile d'utilisation ;
Accroître les échanges entre les
experts dans un même domaine et dans des domaines différents
;
Accroître les échanges avec le monde
de la recherche académique.
1.2. Stratégie de codification ou de
personnalisation
Nous essayerons d'apporter une contribution au choix
de la stratégie KM. Nous aborderons la question selon deux axes :
Peut-on réutiliser une partie du travail
réalisé sur un projet dans un autre projet ?
Les chefs de projets utilisent-ils des connaissances tacites ou
explicites pour réaliser leur travail et résoudre leurs
problèmes ?
1.2.1. Réutilisation du travail d'un projet
à un autre
La question 3 du questionnaire donne la
distribution des réponses suivante :
Constat d'un travail refait dans un projet alors qu'il a
déjà
été fait dans un autre projet
10
5
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Souvent
|
Rarement
|
Jamais
|
Total
|
4
|
1
|
9
|
29% des chefs de projets interrogés ont constaté
qu'il y avait Souvent un travail refait sur
un projet alors qu'il a déjà été fait
sur un autre projet. Le fait que 64% des chefs de projets interrogés
n'aient Jamais constater ce phénomène n'exclu pas
forcément son existence.
Pour approfondir l'analyse nous avons
interprété les résultats en fonction du nombre
d'années d'expérience au CRD et du nombre d'années
d'expérience comme chef de projets.
95
Constat d'un travail refait dans un projet alors qu'il a
déjà
été fait sur un autre projet en fonction du
nombre d'années d'expérince au CRD
100%
50%
0%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[0 à 3[ ans
|
[3 à 5[ ans
|
[5 à 8] ans
|
Jamais
|
2
|
5
|
2
|
Rarement
|
0
|
0
|
1
|
Souvent
|
2
|
0
|
2
|
Le fait d'avoir passé plus d'années au CRD,
n'explique pas le fait de constater plus
Souvent qu'un travail ait été refait.
Constat d'un travail refait dans un projet alors qu'il a
déjà
été fait sur un autre projet en fonction du
nombre d'années d'expérince au CRD
100%
50%
0%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[0 à 3[ ans
|
[3 à 5[ ans
|
[5 à 8] ans
|
Jamais
|
2
|
5
|
2
|
Rarement
|
0
|
0
|
1
|
Souvent
|
2
|
0
|
2
|
De même, le fait d'avoir été chef de projets
depuis plus longtemps n'explique pas le fait
de constater plus Souvent un travail refait. Il
semblerait même qu'occuper le poste de chef de projet depuis plus
longtemps fasse perdre la faculté de constater ce
phénomène, mais les données en notre possession ne
permettent pas d'affirmer cette hypothèse.
Nous pensons que le fait de constater qu'un travail soit refait
sur un projet alors qu'il a déjà été fait sur un
autre dépend plus de critères subjectifs comme la
curiosité intellectuelle et
le sens de l'observation.
Dans le cadre de notre travail, le plus important est que
la réponse à cette question nous donne une indication sur le
fait qu'il existe une partie du travail réalisé sur un
projet qui peut-être réutilisée sur un autre projet, ce
qui plaide en faveur d'une stratégie de codification.
96
Pour approfondir l'analyse, nous examinons la distribution des
réponses à la question 2 :
Consultation des projets antérieurs pour la
réutilisation
d'une partie du travail fait dans un nouveau
projet
15
10
5
0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Souvent
|
Rarement
|
Jamais
|
Total
|
2
|
2
|
10
|
72% des chefs de projets interrogés ne consultent
jamais les projets antérieurs pour
réutiliser une partie du travail fait dans un nouveau
projet, alors que 14% le font rarement et
14% le font souvent.
En analysant les mêmes résultats par rapport au
nombre d'années passées au CRD et au nombre d'années comme
chef de projets on obtient la distribution des résultats suivante :
Consultation des projets antérieurs pour la
réutilisation
d'une partie du travail fait en fonction du nombre
d'années d'expérience au CRD
100%
50%
0%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[0 à 3[ ans
|
[3 à 5[ ans
|
[5 à 8] ans
|
Jamais
|
4
|
5
|
1
|
Rarement
|
0
|
0
|
2
|
Souvent
|
0
|
0
|
2
|
Nous remarquons que la réutilisation d'une partie du
travail fait sur un projet antérieur
dans un nouveau projet augmente avec le nombre d'années
d'expérience au CRD.
97
Consultation des projets antérieurs pour la
réutilisation
d'une partie du travail fait en fonction du nombre
d'années au poste de chef de projets
100%
50%
0%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[0 à 1,5[ ans
|
[1,5 à 2] ans
|
[2 à 7] ans
|
Jamais
|
4
|
3
|
3
|
Rarement
|
0
|
0
|
2
|
Souvent
|
0
|
1
|
1
|
De même, nous remarquons que la réutilisation d'une
partie du travail fait sur un projet
antérieur dans un nouveau projet augmente
globalement (que ça deviennent systématique,
c'est-à-dire Souvent ou moins fréquent,
c'est-à-dire Rarement) avec le nombre d'années
d'expérience au poste de chef de projets.
Les raisons qui poussent les chefs de projets à ne pas
réutiliser une partie du travail fait sur un projet antérieur
dans un nouveau projet sont :
Ra isons de la non ré utilisa tion d'une pa
rtie du tra va il fa it sur un
proje t da ns un nouve a u proje t
non répons e
autre
on a pas accès aux
docum ents
on a jam ais es s ayé
aucune partie du travail
n'es t réutilis able
0 1 2 3 4 5
Le pourcentage élevé de non répondants (40%)
ne permet pas une interprétation viable
des résultats mais il reflète à
notre sens le fait que ceux qui ne consultent pas les projets
antérieurs ne se sont jamais poser la question de l'intérêt
de le faire, ce qui est en concordance avec la réponse «on a
jamais essayé» avec 30% d'occurrence.
98
Les éléments issus de l'analyse
précédente sont révélateurs d'un grave
dysfonctionnement. En effet, le fait que certains chefs de projets seulement
réutilisent une partie du travail fait sur des projets antérieurs
dans de nouveaux projets peut être interprété comme suite
:
Soit que certains chefs de projets font un travail
qu'ils pourraient éviter de refaire,
ce qui allonge la durée du projet et
augmente son coût ;
Soit que certains chefs de projets
réutilisent une partie du travail antérieur qui ne doit
pas être réutilisée, ce qui est
préjudiciable à la qualité du
projet et potentiellement très dangereux.
La réponse à cette question est importante
puisqu'elle influe fortement sur le choix de la stratégie KM
à adopter.
Recommandations :
La question doit être débattue en
réunion en présence de tous les chefs de projets pour voir s'il y
a une possibilité de réutiliser une partie du travail fait sur un
projet dans un autre ; si oui, laquelle ? dans quelles
conditions ? quelles sont les précautions à prendre ? et
quels sont les moyens pour faciliter ce travail ?
1.2.2. Catégorie de connaissances utilisée
pour le travail et la résolution des problèmes
L'interprétation de la question 6 se fait
en comptabilisant l'occurrence d'une réponse à chaque fois
qu'elle apparaît dans les trois premières positions :
Les connaissances utilisées dans le travail des
chefs de projets
autre
savoir-faire personnel qui n'est sur aucun support
discussions avec les collègues
notes personnelles
les documents issus des projets antérieurs
livres
articles de revues scientifiques
docments techniques de référence
modes opératoires, procédures,,,
0 2 4 6 8 10
La prépondérance des connaissances explicites,
codifiées dans différents documents
semble nette. Les connaissances tacites sous forme d'un
«savoir faire qui n'est sur aucun support», auquel on
peut ajouter les «notes personnelles» qui sont une forme
intermédiaire puisque dans la majorité des cas elles ne sont
interprétables que par leur auteur, mais aussi
99
une grande part des «discussions avec les
collègues» qui sont une forme de socialisation
(transfert de connaissances tacites à tacite), ces
catégories de connaissances tacites restent marginales.
Pour approfondir l'analyse, nous examinons la distribution des
réponses à la question 9,
là encore, nous comptabilisons l'occurrence d'une
réponse à chaque fois qu'elle apparaît dans les trois
premières positions :
Les sources des connaissances indisponsables au
poste
autre
la formation continue
l'expérience acquise sur le terrain
les collègues
recherche personnelle
Service veille technologique
Service documentation
0 5 10 15
Nous considérons que la «recherche
personnelle» se base essentiellement sur les
documents écrits. De même, les services
«veille technologique» et «documentation»
offrent presque exclusivement des connaissances explicites. Ces trois
sources représentent 69% des réponses.
L'«expérience acquise sur le terrain» est
perçue par son détenteur comme quelque chose qui ne peut pas
être explicité, elle recueille 21% des réponses. La
«formation continue»
et les «collègues» sont deux sources
à la fois de connaissances tacites et explicites.
Un dernier élément de réponse nous est
donné par la distribution des réponses à la
question 16 (nous n'avons pris en
considération que la réponse prioritaire) :
100
Mode de résolution des
problèmes
autre
vous convoquez une
réunion
vous faites appel à un
collègue
vous cherchez par vous-
même
0 2 4 6 8 10 12
Le mode de résolution des problèmes dominant est la
recherche personnelle (79%) qui se
base sur la documentation. Les réunions qui sont un moyen
de socialisation et d'échange de savoir tacite sont moins
utilisées (21%).
Il semble très difficile de trancher
sur cette question même si l'analyse du questionnaire,
l'observation sur le terrain et les entretiens préliminaires font
pencher le choix vers une stratégie de
codification.
L'analyse doit encore être approfondit, elle devra
déterminer :
Quelles sont les connaissances qui doivent
être codifiées sous une forme qui permette leur
réutilisation par tous ?
Quelles sont les connaissances tacites utilisées
? peuvent-elles être transcrites ou
se transmettent-elles par socialisation ?
Le but est de déterminer quelle
stratégie privilégier. Mais comme le signalait Hansen T M.,
Nohira N. et Tierney T. il s'agit de faire une stratégie des 20/80.
Toute stratégie de codification doit être supportée en
partie par une stratégie de personnalisation qui permette de retrouver
les auteurs des documents, d'échanger des points de vues avant la
rédaction et d'avoir un consensus sur ce qui peut être
codifié ou pas.
Ne pas chercher automatiquement à tout codifier ;
pour plusieurs raisons :
Souvent, quand on demande à un expert de
transcrire son savoir, il énonce des règles qu'il ne suit pas en
réalité, ou bien qui soient évidentes et qu'il a
appris
en débutant ;
101
La multiplication des échanges de
document sans bâtir des liens entre les personnes : les gens
balancent alors des documents en fichiers joints pour prouver leur
contribution et clamer si problème il y a qu'ils ont
envoyé le document preuve à l'appui ;
Certaine connaissances tacites sont banales dans
une entreprise et tout le monde les maîtrisent.
Inversement, certaines connaissances bien
maîtrisées dans l'entreprise et qui sont à
la base d'une compétence clé, peuvent
être formalisées sous différents supports par un groupe
d'experts qui a la volonté de le faire.
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