3) Focalisation sur le court terme et limites liées
au coût du capital
Le MVF se focalise souvent sur le court terme.
Pourtant, un pilotage de l'entreprise fondé uniquement sur la
maximisation de la création de valeur pour l'actionnaire risque de
freiner la croissance et l'innovation et de favoriser le court terme au
détriment de la vision stratégique à long terme.
D'ailleurs, de nombreux travaux montrent que les entreprises pluricentenaires
ont valorisé conjointement capital humain et capital financier. La
priorité donnée à l'amélioration du rendement des
capitaux investis a conduit de nombreuses entreprises à se recentrer
sur les activités les plus rentables. Une entreprise qui dégage
sur ses activités existantes un taux de rentabilité des capitaux
employés élevé peut être tentée de
réduire sa croissance et ses investissements faute de projets
présentant au moins une rentabilité comparable.
De surcroît, le problème de
l'optimisation et de manipulations des indicateurs de création de valeur
se pose très fréquemment. En effet, dans un groupe, la question
du levier de l'endettement et du coût du capital est
généralement traitée au niveau du siège et
relève de la stratégie financière. En revanche, lorsque
les rémunérations des managers ( notamment sous forme de bonus )
sont liées en partie à des indicateurs de création de
valeur, des risques de manipulation de ces indicateurs apparaissent comme l'a
montré l'affaire Enron étudiée plus haut. Ces
manipulations peuvent concerner les deux éléments du taux de
rentabilité : augmentation apparente du résultat et
réduction artificielle des capitaux employés. La filialisation ou
la déconsolidation des comptes des actifs d'exploitation, la titrisation
des créances commerciales, le financement par des structures
spécifiques non consolidées sont des pratiques qui ont, on l'a
vu, été abondamment constatées.
Enfin, il y a des limites liées au coût
du capital. Le coût du capital est une donnée fondamentale pour
mesurer la création de valeur, mais sa détermination est un
exercice qui présente de nombreuses limites. L'estimation de cette
variable exerce une influence déterminante sur la mesure. Or, elle est
sujette à de nombreuses contestations. Une sous-estimation du coût
du capital peut se traduire par des investissements insuffisamment rentables et
un gaspillage des ressources financières. Sa surestimation peut priver
l'entreprise d'opportunités de croissance. De plus, le recours
systématique au coût du capital conduit des entreprises à
étalonner leurs performances internes sur des indicateurs externes
volatils déterminés sur des marchés financiers, dont
l'horizon temporel est généralement plus court que celui des
activités économiques.
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