Intervention de la cour penale internationale dans les conflits armes en Ituri; Affaire Thomas Lubanga Dyilopar Moise MUGISA MBAVAZI Université Catholique du Congo - Licence 2020 |
§2.CPI et la réparation des préjudices retenus contre Thomas LUBANGAA. De la Justice réparatrice : Notion et objectifs La réparation trouve son fondement légal dans le décret du 30 juillet 1888 en son article 258 qui dispose que : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».67(*) La justice réparatrice est une conception de la justice orientée vers la réparation des dommages causés par un acte, qu'il soit criminel ou délictuel. Cette méthode« privilégie toute forme d'action, individuelle et collective, visant la réparation des conséquences vécues à l'occasion d'une infraction ou d'un conflit », comme l'énonce LodeWalgrave.68(*) Ainsi, La réparation consiste en des mesures qui visent à supprimer, à modérer, ou à compenser les effets des violations commises. Leur nature et leur montant dépendent des caractéristiques de préjudice et du dommage causé tant au niveau matériel qu'immatériel. La réparation étant un élément essentiel dans l'administration de la justice. Il devient primordial de prendre en considération divers autres facteurs présents dans les contextes des violations graves car l'effet d'une réparation sur une personne est relatif et non absolu. Inévitablement, le milieu dans lequel vit la victime doit être prise en compte dans la détermination de la réparation.69(*) De ce point de vue, elle poursuit trois objectifs :Jaques Lecomte dans son ouvrage Introduction à la psychologie positive, Cité par Stéphane jacquot reprend les analyses en matière de justice réparatrice publiées en 2001par le Ministère de la justice canadien, sur les vingt -cinq dernières années, aboutissent aux résultats suivants : Toutes les étudesexaminées, sauf une, montrent que les victimes qui ont participé à un programme de justice réparatrice sont beaucoup plus satisfaites que celles qui sont passées par la justice traditionnelle. La seule étudeprésentant un résultatnégatif est également la seule où la peine a été décidée par le juge avant la rencontre entre victimes et agresseurs, et donc où les victimes n'ont pas pu influencer la décision du juge. · La responsabilité de l'auteur Les délinquants qui participent aux programmes de justice réparatrice ont un taux de respect des engagements beaucoup plus élevé. Par ailleurs, ces programmes ont une incidence positive, faible à modérée, sur la satisfaction des délinquants.Une étude, cependant, montre un niveau de satisfaction des délinquants nettement moins importants que par le biais de la justice traditionnelle ; c'est la même que précédemment, c'est-à-dire la seule où la peine avait été décidée avant la rencontre entre victimes et infracteurs. · Le rétablissement de la paix sociale Plus des deux tiers (72%) des études montrent une réduction de la récidive, comparativement aux résultats obtenus par le biais de la justice pénale traditionnelle.Notons que la justice réparatrice entraine généralement une diminution du nombre et de la gravité des sanctions infligées, mais par leur élimination. La plupart des auteurs des crimes qui participent à cette forme de justice ont d'ailleurs le sentiment qu'il est légitime d'être sanctionnés pour les faits commis. B. Le régime de réparation institué par le Statut de Rome de la CPI Le mandat de réparationde la CPI,comme cela est disposé à l'article 75 du Statut de Rome « La Cour établit des principes de applicables aux formes de réparation ; telles que la restitution,l'indemnisation ou la réhabilitation,à accorder aux victimes ou à leurs ayants droit.Sur cette base,la Cour peut, sur demande,ou de son propre chef dans des circonstances exceptionnelles,déterminer dans sa décision l'ampleur du dommage,de la perte ou du préjudicecausé auxvictimes ou à leurs ayant droit,en indiquant les principes sur lesquels elle fonde sa décision ». Ainsi,nous pouvons dire que la réparation est une composante essentielle de son cadre général afin de faire entendre la voix des victimes et leurs permettre de faire valoir leurs droits en vertu du système de justice pénale au niveau international.L'inclusion de dispositions relatives aux réparations dans le Statut de Rome et la création de Fonds au Profit des Victimes(ou « fonds ») est l'un des aspects les plus innovants et les plus importants des dispositions en faveur des victimes contenues dans le Statut de Rome. Le fonds est établi par l'article 79.1du Statut, la règle 98 du Règlement de Procédure et de Preuve et la résolution 6 de l'Assemblée des Etats parties du 9septembre 2002, « au profit des victimes de crimes relevant de la compétence de la Cour »70(*). Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale prévoit outre l'indemnisation financière d'autres modes non pécuniaires de réparation,les quels sont utiles pour renforcer la validité de l'obligationviolée,comme un moyen par lequel la personne incriminée reconnait sa responsabilité et fournit une mesure de satisfaction aux victimes : la réhabilitation et la restitution. - L'indemnisation est le versement d'une somme d'argent destinée à réparer,par équivalent, le préjudice directement éprouvé par la victime a réparation en argent est donc faite sous la forme de dommages et intérêts que le juge accorde à la victime en une indemnité équivalente exactement au préjudice qu'elle a subi ; - La restitution vise à remettre les personnes ayant subi des pertes, au plan matériel dans la situation où elles se trouvaient avant la commission des actes criminels. Elles comprennent par exemple la libération des détenus, la restitution des biens confisqués et le retour à l'emploi ; - La réhabilitation vise à fournir des soins médicaux et psychologiques aux victimes ainsi que des services, sociaux ou légaux, a fin de structurer et encadrer leur démarche de réhabilitation.Il s'agit donc d'effacer dans la mesure du possible les conséquencesnéfastes du crime perpétré, notamment celle qui continuerait encore de l'entraver. La réhabilitation peut être collective ou individuelle.L'objectif apparait, dans la réhabilitation individuelle comme la volonté de libérer la victime de l'impuissance dans laquelle le crime international l'a placé en lui fournissant des remèdes psychologiques, médicaux, juridiques. Les Statuts du TPIY et du TPIR n'avaient pas prévu la création de Fonds au profit des victimes.Cette lacune a été interprétée comme un défaut majeur de ces tribunaux à rendre justice en faveur des victimes. Tirant les leçons de l'expérience du passée de ces deux prédécesseurs, le fonds au profit des victimes a donc été créé à La Cour pénale internationale. Le Fonds au Profit des Victimes a deux fonctions principales.En premier lieu, en vertu de l'article 75.2 qui dispose « la Cour peut rendre contre une personne condamnée une ordonnance indiquant la réparation qu'il convient d'accorder aux victimes ou à leurs ayants droit.Cette réparation peut prendre notamment la forme de la restitution, l'indemnisation ou de la réhabilitation. Le cas échéant,la Cour peut décider que l'indemnité accordée à titre de réparation est par l'intermédiaire du fonds visé à l'article 79 »,cela revient à dire que, la Cour peut décider que la réparation accordée aux victimes leur sera versée par l'intermédiaire du Fonds au profit des victimes, plutôt que directement.Dans ce cas la mise en oeuvre des ordonnances de réparations revient à la responsabilité du Fonds.En second lieu, le fonds au profit des victimes s'est vu reconnaitre le mandat plus large :utiliser les contributions volontaires perçues pour mener à bien des projets dont l'objet est d'assister un groupe plus large de victimes,qui n'aura pas nécessairement directement souffert des crimes commis par les auteurs poursuivis devant la Cour.71(*) Le droit à la réparation est un principe bien établi en droit international,que ce soit entre les Etats qu'au niveau des victimes individuelles ou collectives.L'octroi de réparations aux victimes de violations flagrantes des droits de l'homme est une composante de nombreuses conventions internationales relatives aux droits de l'homme,telle que (la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées),et figure dans les instruments juridiques non contraignants, comme les principes fondamentaux des Nations Unies.72(*) Comme l'a fait remarquer la chambre de première instance dans l'affaire LUBANGA,l'inclusion d'un système de réparations dans le Statut « témoigne la prise de conscience accrue en droit international pénal d la nécessité de dépasser la notion de justice punitive,pour tendre vers une solution qui reconnait le besoin de leur offrir de recours utiles malgré cette réparation n'est pas encore effective. Le cadre de réparation de la CPI repose sur le principe de la responsabilité pénale individuelle.L'article 75(2) du Statut de Rome dispose que « la Cour peut rendre une ordonnance directement contre une personne condamnée ».La règle 98(1) du règlement de la procédure et de preuve indique que les « ordonnances accordant réparation à titre individuel sont rendues directement contre la personne reconnue coupable ». Ainsi,les réparations ont deux objectifs principaux : « elles obligent les responsables de crimes graves àréparer le préjudice qu'ils ont causé aux victimes et elles permettent à la Cour de s'assurer que les criminels répondent de leurs actes »73(*). C. L'ordonnance de réparation dans l'affaire Thomas LUBANGA Selon la chambre d'appel dans l'affaire LUBANGA,la procédure de réparation se déroule en deux temps:une phase précédent l'ordonnance de réparation(la procédure aboutissant à une ordonnance de réparation) et une phase de mise en oeuvre (lors de laquelle l'ordonnance de réparation est exécutée,ce qui peut êtreconfiée aux fonds au profit de victime.pendant la première partie de la procédure, la chambre de première instance peut établir des principes relatifs aux réparationsdestinées aux victimes ou en lien avec elles.La première partie de la procédure de réparation se termine lorsqu'une ordonnance de repartions est rendue en vertu de l'article 75(2) du Statut de Rome ou lorsqu'une décision de ne pas accorder à la réparation est prononcée74(*). Le 15 décembre 2017, la Chambre de première instance IIa fixé à 10.000.000 USD le montant des réparations collectives auxquelles Thomas LUBANGA est tenu, cettedécisioncomplétant ainsi l'Ordonnance de réparation du 3mars 2015 qui avait octroyé des réparations collectives aux victimes dans cette affaire.Du fait de l'indigence de MrLUBANGA,la chambre a invité le conseil de direction du Fonds au profit des victimes à examiner la possibilité d'affecter un montant supplémentaires à la mise en oeuvre des réparations collectives dans cette affaire et/ou d'évaluer la possibilité de poursuivre ses efforts visant la collecte de fonds supplémentaires.La chambre a également enjoint au Fonds de prendre contact avec le gouvernement de la RD. Congo en vue d'établir la manière dont le gouvernement pourrait contribuer au processus de réparations.75(*) * 67 Décret du 30 juillet 1888 portant contrats et obligations conventionnelles, article 258. * 68 Stéphane JACQOT et Yves CHARPENEL, La justice réparatrice, Paris, L'Harmattan, 2012, p. 17. * 69 M.EKOFO INGANYA, Op, cit, p. 117. * 70 FIDH, les droits des victimes devant la CPI /CHAPITRE VII : Réparation et le fonds au profit des victimes, Pays-bas,ICC-ASP/4/32, document mise -enligne ,2005,p.4. * 71 FIDH, les droits des victimes devant la CPI /CHAPITRE VII,Op.cit. , p. 5. * 72 The REDDRES Trust, Ne plus perdre de temps : ma mise en oeuvre des réparations pour les victimes devant la Cour pénale internationale, Royaume -Uni, 87 Vauxhall walk, document mis-en ligne, 2019, p. 22. * 73 Statut de Rome de la Cour pénal international, articles 75(2) et 98. * 74The REDDRES Trust, Op, cit, p. 25. * 75 Fiche d'information sur l'affaire : situation en République démocratique du Congo, le Procureur c. Thomas LUBANGA, ICC-01/ 04-01/O6, mise à jour mars 2021, www.icc-cpi.int, Consulté le 18juillet 2021, p. 3. |
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