Intervention de la cour penale internationale dans les conflits armes en Ituri; Affaire Thomas Lubanga Dyilopar Moise MUGISA MBAVAZI Université Catholique du Congo - Licence 2020 |
Section 3.Réparation en question : voeu pieuxLa CPI, convient-il de le reconnaitre, est en soi un progrèsconsidérable et une avancée dans les relations internationales et dans la lutte contre l'impunité.Elle est mêmeperçue comme un instrument susceptible d'aiguillonner l'Afrique dans le sens de la bonne gouvernance. Cependant, prima facie l'indication de ses premièresprocédures n'en font pas encore une justice véritablement internationale et universelle capable de garantir la paix et la sécuritéinternationale. L'idée principale et directrice est que la prison est faite aujourd'hui pour « purger une peine » et non pas pour « payer sa dette ».La notion de de réinsertion n'est pas prioritaire, ni même incluse dans la peine dans les esprits.D'ailleurs, on parle bien de « peine »de prison et non pas, par exemple, de « sanction privative de liberté ».76(*) Quand un individu est condamnépar la Cour pénaleinternationale, les victimes de ses crimes ont le droit de demander la réparation du préjudice qu'elles ont subi.Depuis la condamnationde Thomas LUBANGA jusqu'à sa libération, aucune réparation ordonnée par la CPI n'a atteint les victimes. Plusieurs difficultés continuent de compromettre le processus tel que prévu par la CPI : - Les dispositions relatives à la réparation dans le Statut de Rome et du règlement de procédure et de preuve sont vagues ; - Il n'existe pas de directives globales qui pourraient aider les chambres de première instance et d'appel à mettre en place des procédures de réparation efficaces. Chaque chambre a adopté une approche différente, ce qui se traduit par un manque de clarté pour les victimes et leurs représentants ; - L'identification des bénéficiaires et l'évaluation du préjudice qu'ils ont subi s'avèredifficile, non seulement du fait de nombre important de bénéficiairespotentiels, maiségalementparce que les victimes sont parfois dispersées sur de larges zones géographiques, ont pu êtredéplacées ou s'être installées ailleurs pours de causes diverses tantôtsécuritairetantôt socio-économique ; - Ni le cadre légal existant ni la jurisprudence ne permettent de déterminer clairement quelles décisions et actions doivent demeurer dans le cadre du processus judiciaire et les quelles pourraient êtredélègues-accompagnée d'une supervision appropriée, par exemple au Bureau du greffe ou au Fonds au Profit des Victimes. Si elles sont ignorées, ces difficultés menacent de saper le système de réparation de la CPI et pourraient sérieusement entraver la Cour dans sa mission de rendre justice aux victimes, qui serait une justice partielle. Déjà, le mécontentement progresse parmi ces dernières faces à l'échec manifeste de la Cour de leur accorder une réparation adéquate. Cela et d'autant plus vrai pour les victimes de l'affaire Thomas LUBANGA dans laquelle la chambre de première instance a rendu la première décision de la Cour sur la réparation il y a plus de huit ans.Or, des délais constants et ce qui semble être une impasse entre plusieurs chambres compétentes et le Fonds au Profit des Victimes sur certains aspects de la mise en oeuvre font que les victimes attendent toujours de recevoir la réparation77(*). Ces limites ou causes de l'inefficacité sont à la fois théoriques et pratiques. A. Causes théoriquesdes lacunes juridiques L'examen attentif de Statut la Cour pénale internationale révèle deux causes, mieux ,deux lacunes au sein de ce Statut :le défaut de dispositions prévoyant la participation de la victime à la procédure visant à établir la culpabilité du ou des prévenus d'une part et, d'autre part,l'absence de telles dispositions statutaires autorisant la victime à saisir la juridiction pénale internationale en qualité de partie civile et la non prévoyance dudélais d'indemnisation de dommages et intérêts due aux victimes aprèsl'écoulement du jugement de la chose jugée. 1. Le défaut de représentation de la victime devant la CPI S'il est vrai que bien des dispositions,essentiellement du Statut de Rome de la CPI, font allusion aux victimes,l'attitude ou la participation de celle-ci à la procédure indiquée par ces dispositions apparait le plus souvent,pour ne pas dire toujours, comme passive. A titre d'illustration,l'article 15,alinéas 2et 3,in fine, dit : « Le Procureur vérifie le sérieux des renseignements reçus. A cette fin,il peut rechercher des renseignements supplémentaires auprès d'Etats,d'organes de l'Organisations des Nations Unies,d'Organisations inter-gouvernementales et non gouvernementales ou d'autres sources dignes de foi qu'il juge appropriées,et recueillir des dépositions écrites ou orales au siège de la Cour » d'une part et, d'autre part, « les victimes peuvent adresser de représentations à la chambre préliminaire,conformément au règlement de procédure et de preuve ».78(*) Quoi de plus passif,procéduralement en parlant, qu'unedépositionécrite ou orale ? Par ailleurs quant aux enquêtes, les articles 54 al 1,littera b), et 57, al 3,littera c),disposent le Procureur prend « les mesures,propres à assurer l'efficacité des enquêtes et des poursuites visant des crimes relevant de la compétence de la Cour »et que « ce faisant, il a égard aux intérêts et à la situation personnelle des victimes,et des témoins ... » d'une part et que,d'autre part , « la Chambre préliminairepeut ( ...) en cas de besoin assurer la protection et le respect de la vie privée des victimes et des témoins... ». En fin, quant au déroulement du procèslui-même, les dispositions des articles 64 et68 obligent la Chambre de première instance de prendre des précautions analogues quant à la protection des victimes et des témoins, ainsi que de leurs intérêtsrespectifs. Il suit des développements qui précèdent que la victime apparait tout le long du procès, comme « une partie absente » ou, à tout le moins, dont la participation est passive, la victime n'est pas, selon jargon judiciaire, représentée. Comme dans l'affaire Thomas LUBANGA contre le Procureur les victimes ont été passives durant la phase procédurale jusqu'à la condamnation et jusqu'à ce jour les victimes n'ont jamais été remis dans leurs droits malgré il a été condamné au peine d'emprisonnement et aux dommages et intérêts, aujourd'hui il est à liberté après avoir purgé sa peine.Les enquêtes ses sont faits plus d'une manière externe de l'Ituri que interne de la place de la commission des forfaits. 2. Le manque d'homogénéité dans les décisions de justiceLe manque d'homogénéité dans les décisions de justice sur d'importants points de procédure a créé d'incertitude chez les victimes et les intervenants légaux,occasionnant du retard au niveau de ces procédures.Les juges ont le devoir,en tant que principe général du droit,de garantir un certain un niveau de certitude et d'homogénéité entre eux, et d'aider les demandeurs et les demandeurs potentiels à connaitre la base sur laquelle les décisions concernant leurs réclamations seront déterminées.79(*) La procédure de détermination de l'accès aux réparations est un exemple clair de manque d'homogénéité.Il existe actuellementdeux procédures pour l'accès aux réparationsauprès de la CPI : 1) une procédure de demande individuelle au titre de la règle 94 du Règlement de procédure et de preuve (RPP) dela CPI, lors de laquelle les victimes remplissent un formulaire standard pour demander à participer aux poursuites ou à obtenir des réparations ;et 2) un processus engagé par la chambre pour déterminer l'admissible de bénéficiaires potentiels supplémentaires qui n'auraient pas encore fait de demande de réparation.80(*) Même si la procédure de demande individuelle pourrait permettre de renforcer l'autonomie des victimes,son caractère individualisé qui exige la fourniture de renseignements précis par chaque demandeur,peut représenter un problème pour certains demandeurs,comme les victimes de violences sexuelles.En outre, pour diverses raisons,le nombre de victimes effectuant des demandes de réparations sont souvent inferieurs au nombre des victimes pouvant y prétendre. Cependant, la Cour est confrontée à des difficultés pour déterminer la manière d'identifier d'autres bénéficiaires potentiellement admissible. Il est actuellement difficile de savoir :qui devrait être chargé de l'identification et de la sélection des bénéficiaires ( le fonds,bureau du conseil public pour les victimes, le greffe,ou les trois ) ;à quoi devrait ressembler ce processus(un entretien d'ordre général ou une évaluation plus approfondie) ;et pourquoi une sélection individuelle est nécessaire lorsque des réparations collectives seront finalement octroyées.81(*) La difficulté de la Cour est de trouver le bon équilibre entre la garantie d'un système prévisible apportant de la certitude aux victimes et aux personnes impliquées dans le processus,et le maintien d'une certaine flexibilité pour permettre aux victimes n'ayant pas encore formulé de demande d'être incluses dans la procédure de la réparation.L'approche au cas par cas a laissé de nombreuses questions procédurales sans réponse,et les personnes en interaction directe avec les victimes ne savent pas bien à quoi s'attendre ni comment conseillers leurs clients.Les chambres ont également tendance à trancher sur une demande à un stade très avancé de la procédure,laissant les victimes dans l'ombre concernant pratiquement tous les aspects du processus d'identification des victimes,jusqu'à l'ordonnance de réparation elle-même. B. Causes pratiques d'un procès local en dommages et intérêts Les différentes lacunes juridiques identifiéesprécédemment ne privent pas la victime de toute possibilité d'obtenir réparation.Mais la difficulté résiderait tantôt dans la lenteur du procès international tantôt dans la modicité de ressources de la victime candidate à un procès devant un juge national.82(*) 1. La requête en dommages et intérêts devant un tribunal local Une première solution qui compenserait les lacunes observées en matière de réparation au niveau de juridictionpénale internationale serait pour la victime, l'introduction d'une requête en dommages et intérêts devant un juge national, dès lors que la victime en cause serait munie d'une décision de condamnation du criminel de guerre rendue par la Cour pénale internationale. Cette premièrehypothèse ou solution présente l'inconvénient majeur d'être suspendue à la fin du procès international dont on sait qu'il prend, enthèsegénérale, plusieursannées. 2. L `impécuniosité de la victime Dans un pays où la pauvreté pousse les gens à se préoccuper plus de leur survie quotidienne, il est peu probable que la victime sacrifie ses maigres ressources et son temps pour s'investir dans pareil procès de recherche de la réparation, étant donné que la situation géographique de la Cour ne permettant pas la victime de la saisir. * 76 Y.SAM BOKOLOMBE BATULI, De la prévention et de la répression des violations graves du Droit international humanitaire en République Démocratique du Congo, Kinshasa, Ed. Droit et société, 2013, p. 172. * 77 The REDDRES trust, Faire avancer la réparation à la CPI : La recommandation, London, United King dom, document mis-en ligne, 2016, p. 3. * 78 LWAMBA KANTASI, Op, cit, p. 177. * 79 The REDDRES Trust, Op, cit, 2016, p.11. * 80 The REDDRES Trust, Op, cit, 2019, p.12. * 81 The REDDRES Trust, Op, cit, 2019, pp. 15-16. * 82LWAMBA KANTASI, Op, cit, p. 190 |
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