Intervention de la cour penale internationale dans les conflits armes en Ituri; Affaire Thomas Lubanga Dyilopar Moise MUGISA MBAVAZI Université Catholique du Congo - Licence 2020 |
Section 2. Justice pénale internationale : fondement de la Cour pénale internationale§1. Evolution de la justice pénale internationaleL'horreur répandue à travers le monde par les événements sanglants de la 1èreguerre mondiale génère l'idée d'instauration d'un ordre normatif universel pouvant s'imposer notamment par la justice,dont la création est soutenue par l'article 227du Traité de Versailles du 28 juin1919 qui disposé que Guillaume 2 doit être attrait devant un tribunal spécial pour « offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée du traité ».Mais ce procès n'a jamais eu lieu,le Pays -Bas, terre d'asilede l'ex chef de l'Etat Allemand,ayant refusé de l'extrader afin d'être jugé.20(*) Au cours de l'année 1920, le conseil de la société des Nations Unies (SDN) confie à un comité des juristes la charge d'élaborer le Statut d'une Cour permanente de justice internationale. Mais le projet jugé prématuré est repoussé, du point qu'à l'époque aucun code définissant clairement les incriminations n'a pu exister21(*). A l'issue de cette seconde guerre mondiale, deux juridictions répressives voient le jour, en l'occurrence : le tribunal militaire international de Nuremberg par l'accord de Londres du 08aout 1945 et le tribunal militaire de Tokyo pour l'extrême -orient par une déclaration du commandant suprême des forces alliés le 19 janvier 194622(*).De plus, la fin de la guerre froide a orienté les efforts des Nations Unies pour prolonger les précédents tribunaux de Nuremberg et de Tokyo.Ce sont finalement les crimes perpétrés en Ex-Yougoslavie et au Rwanda contre les civils,qui vont raviver l'urgence de la création d'une juridiction permanente pour les réprimer.De ce fait, le 04decembre 1989,à la demande de l'assemblée Générale des Nations Unies,la commission du Droit international (CDI) va plancher sur la possibilité d'instaurer une juridiction pénale internationale :le projet du Statut sera présenté aux Etats en 1994 et servira de base aux négociations intergouvernementales.Et en janvier 1997, il se tenu, toujours à l'initiative de l'Assemblée Générale des Nations Unies, une conférence diplomatique pour la création d'une Cour Pénale Internationale.23(*) §2.Création de la cour pénale internationaleEn matière de justice pénale internationale, le Statut de Rome de la Cour Pénale internationale s'inscrit dans le prolongement des expériences du passé tout en prenant compte des besoins d'aujourd'hui. La Cour a été créée par un traité international, le statut de Rome, adopté le 17 Juillet 1998 et entrée en vigueur le 1er juillet 2002,cent vingtEtats qui ont adopté ce Statut. pour la première fois dans l'histoire de l'humanité,des Etats ont décidé d'accepter la compétence d'une Cour pénale internationale permanente,chargée des poursuivre les crimes les plus graves commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants,à compter d'entrée en vigueur du Statut de Rome.24(*) Comme institution judiciaire indépendante, elle a reçu mandat de mener des enquêtes et de juger les personnes accusées des crimes les plus graves ayant une portée internationale,à savoir: le crime de génocide, les crimes contre l'humanité,les crimes de guerre et le crime d'agression.Le Statut de Rome garantit un procès équitable,impartial et public mené dans le respect des droits de l'accusé et des droits de l'homme international reconnus.Les victimes peuvent y participer si les juges de la Cour estiment que cette participation est appropriée,conformément aux instruments constitutifs de la Cour.25(*) L'accomplissement de ce mandat se tend sur la bonne foi des Etats, la Cour compte énormément sur la coopération des Etats, des Organisations internationales et de la société civile.Conformément au Statut de Rome et aux accords internationaux qu'elle a conclus.Cette coopération est nécessaire pour le transfert des accusés, pour la protection des témoins et pour l'exécution des sentences. Elle est aussi,nécessaire pour la tenue et le déroulement des enquêtes de la CPI.26(*)La Cour est indépendante, mais à des liens historiques, juridique et opérationnel étroits avec l'Organisation des Nations Unies. Les rapports entre la Cour et l'Organisation des Nations Unies sont régis par les dispositions pertinentes du Statut de Rome.27(*) En vertu de l'article 1er du Statut de Rome, qui dispose : « Il est créé une Cour Pénale Internationale (« la Cour ») en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa compétence à l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent Statut. Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales sa compétence et son fonctionnement sont régis par les dispositions du présent Statut ». 28(*) Avec l'avènement de la CPI,les juridictions pénales nationales ne disparaissent pas,elles ne viennent pas non plus empiéter sur les compétences des juridictions nationales. Ainsi,l'une des innovations apportées par cette institution réside dans le concept inédit de la complémentarité qui crée une relation spécifique entre les juridictions nationales et internationales.Il existe désormais un équilibre entre les compétences de juridictions nationales et celles de la CPI :les premières conservent le premier rôle en matière de poursuites des crimes internationaux alors que la seconde est une juridiction récursoire,qui intervient que lorsque les juridictions nationales,et donc les Etats qu'elles servent,n'ont pas la volonté ou sont dans l'incapacité de traduire les criminels en justice. En application du principe de complémentarité, la CPI ne peut intervenir qu'en cas d'incapacité ou de manquement délibéré de la justice nationale, constaté par les juges de la chambre préliminaire ou sur la saisine du conseil des Nations Unies. La règle de la spécialité est également applicable, selon laquelle « une personne remise à la Cour en application du présent Statut ne peut être poursuivie, punie ou détenue à raison de comportements antérieurs à sa remise, à moins que ceux-ci ne soient constitutifs des crimes pour lesquelles elle a été remise (art .101. §1 ».29(*) Il est nécessaire que l'Etat sur le territoire duquel le crime a été commis, ou dont l'inculpé est le ressortissant, soit partie au traité de Rome. Ce principe trouve sa concrétisation dans l'article 17.1 du Statut qui prévoit qu'une affaire est irrecevable lorsqu' elle fait l'objet d'une enquête ou des poursuites de la part d'un Etat ayant compétence en l'espèce, moins que cet Etat n'ait pas la volonté ou soit dans l'incapacité de mener véritablement l'enquête ou les poursuites. La Cour pénale internationale ne peut remplacer les juridictions nationales, elle fonctionne plutôt lorsque les structures et l'appareil judiciaire internes ne manifestent ni la volonté ni la capacité de mener des enquêtes sur l'un des quatre crimes prévues au Statut et d'engager des poursuites à charge des incriminés.Il en ressort qu'en cas de conflit de compétence entre les juridictions nationale et la CPI, les premières l'emportent et examinent l'affaire querellée30(*). Cependant, l'action devant la CPI n'est pas définitivement écartée, dans la mesure où elle peut revenir à la charge même à l'issue d'un procès des juridictions internes ayant jugé une personne accusée de crimes graves lorsque31(*): - la procédure devant la juridiction interne avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence de la Cour Tel serait le cas des actes de tortures perpétrés dans le contexte d'une attaque généralisée par des individus ,mais ramenés aux simples coups et blessures conformément à l'article 46du code pénal congolais livre 2 en vue d'alléger le sort judiciaire du criminel ; - la procédure n'a pas été au demeurant menée de manière indépendante et impartiale,dans le respect des garanties d'un procès équitable prévues par le droit international,mais d'une manière qui, dans les circonstances, était incompatible avec l'intention de traduire l'intéressé en justice.Telle serait l'hypothèse d'une enquête bâclée à dessein et caractérisée par le refus manifeste de recueillir suffisamment de charges à l'encontre de l'incriminé. En clair,à défaut, d'une enquête efficace,tout procès qui aboutit à un acquittement,à une condamnation de complaisance (peine légère,ferme ou assortie d'un sursis)peut être relancé devant la CPI sans que le principe de « non bis in idem » ne soit énervé.Au fait,à une parodie de justice au plan interne,la Cour apporte une réponse ferme qui privilégie la sauvegarde des droits des citoyens du monde et le rétablissement de l'ordre public international.une lutte implacable doit être menée contre l'impunité même sous sa forme déguisée. * 20 L.MUTATA LUABA, Traités de crimes internationaux, Kinshasa, Ed .Universitaires Africaines& L'Arc-en-Ciel, 2008, p. 1. * 21Idem, p. 2. * 22Ibidem, p. 3. * 23Ibidem.p. 5 * 24 E.J.LUZOLO BAMBI LESSA, Manuel de procédure pénale, Kinshasa, Presses Universitaires du Congo, 2011, p. 679. * 25 Nations Unies, Mieux comprendre la Cour Pénale Internationale, Greffe CPI, p. 1. * 26 E.J.LUZOLO BAMBI LESSA, Op, cit, p. 681. * 27 Idem, p. 683. * 28 Statut de Rome de la Cour Pénale internationale, article 1. * 29 Michel BELANGER, Droit international humanitaire général, France, 2èmeéd Gualino éditeur-EJA, 2007, p. 142. * 30 L.MUTATA LUABA, Op, cit, pp. 10-11. * 31T. MUTAZIM MUKIMAPA, Les crimes internationaux en droit congolais, Lubumbashi, EA-Lubumbashi, 2006, p. 12. |
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