La protection des logiciels en droit ivoirienpar Ariel Maixent KOUADIANE Université des Lagunes - Master 2 2024 |
Paragraphe 2 : Le droit de la concurrence, moyen de protection non privatif du logicielLe droit de la concurrence sanctionne, outre les pratiques anticoncurrentielles et restrictives de concurrence, la concurrence qui s'accomplit de manière déloyale. En effet, « toute concurrence n'est pas permise et doit être sanctionnée la concurrence qui s'avérerait excessive et non loyale.246(*) » Ainsi, afin d'obtenir la sanction de certains agissements déloyaux, l'on peut exercer une action en concurrence déloyale (A) ou en parasitisme (B). Le fondement de ces actions repose sur les articles 1382 et 1383 du Code civil relatifs la responsabilité civile délictuelle, ce qui suppose la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux. Dès lors, l'on peut recourir au droit de la concurrence, chaque fois qu'une violation du droit d'auteur ne peut être invoquée. Par ailleurs, ces demandes, bien que pouvant être adjointes à la demande en contrefaçon, doivent néanmoins découlées de faits distincts de la contrefaçon247(*). A : L'action en concurrence déloyaleLe droit de la concurrence déloyale est une création d'origine jurisprudentielle qui sanctionne les manquements à la morale économique dans les rapports de concurrence248(*). En effet, toutes les formes de concurrences ne sauraient être tolérées. À cet égard, la concurrence déloyale désigne un « ensemble de procédés commerciaux contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d'une faute intentionnelle ou non de nature à causer un préjudice aux concurrents249(*) ». Sous ce rapport, elle se distingue de la pratique commerciale déloyale qui est interdite par l'article 60 de la loi n°2016-412 du 15 juin 2016 relative à la consommation, et se saisit comme une pratique contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qui altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. Comme mentionné supra, la concurrence déloyale constitue une faute civile, laquelle « s'apprécie in abstracto par rapport à un modèle d'éthique des affaires250(*) ». À ce sujet, l'on identifie généralement quatre comportements : le dénigrement, l'imitation, la désorganisation de l'entreprise d'un concurrent et la désorganisation du marché. Nous mettrons, dans le cadre de notre étude, l'accent sur l'imitation. L'imitation constitue un procédé déloyal par le truchement duquel un concurrent vise à usurper le succès d'une entreprise en créant une confusion dans l'esprit de la clientèle. L'objectif final est de profiter de la notoriété d'un concurrent et de détourner une partie de la clientèle251(*). L'imitation fautive peut porter sur les signes distinctifs ou sur les produits eux-mêmes. Ainsi, les auteurs de logiciels peuvent exercer une action en concurrence déloyale lorsqu'un concurrent met en place un logiciel similaire au leur. Cela étant, l'examen des ressemblances porte sur des éléments non protégés par le droit d'auteur, qu'ils soient non protégeables ou non originaux. En ce sens, le TGI de paris a condamné pour concurrence déloyale un concurrent qui commercialisait un logiciel similaire à un autre. Les juges retenaient en substance : « S'il ne peut être octroyé un monopole à la société AppiMédia, sur ce type de jeux en ligne et sur l'ergonomie de l'application contenant des fonctionnalités habituelles et communes, il n'en demeure pas moins que la présentation de chacune des applications est sans nécessité particulière, similaire (...). En effet, il est repris un procédé certes différent mais assurant la gratuité du jeu et le financement de la cagnotte, une même fréquence de loteries (par jour, semaine, mois et spéciale), une ergonomie proche, traduisant une démarche volontaire afin de ressembler à l'application développée initialement et caractérisant un comportement fautif contraire aux usages des affaires et générant un risque de confusion dans l'esprit de l'internaute, qui sera amené à associer les applications concurrentes.252(*) » L'arrêt souligne que la similitude entre les logiciels ne doit pas être nécessaire, c'est-a dire dictée par des impératifs techniques ou les tendances actuelles. S'agissant du préjudice, l'examen de la jurisprudence permet de conclure qu'il se déduit de la faute253(*). En effet, même si un détournement de la clientèle ne peut être prouvé notamment par une diminution du chiffre d'affaires, la concurrence déloyale entraîne toujours un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral254(*). En somme, l'action en concurrence déloyale peut permettre aux auteurs de logiciels de protéger leurs intérêts. Mais ils peuvent également agir en concurrence parasitaire. * 246 M. MENJUCQ, Droit commercial et des affaires, Gualino, 9ème édition, 2015, p.178. * 247 Com., 15 septembre 2009, 07-19.299 * 248 M. MENJUCQ, op. cit., p.178. * 249 S. GINCHAUD, T. DEBARD, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 26e éd., p.243. * 250 M. MENJUCQ, op. cit., p.178. * 251 M. MENJUCQ, op. cit., p.179. * 252 TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 30 juin 2017. [08/02/2024]. Lien * 253 M. MENJUCQ, op. cit., p.179. * 254 Com., 28 septembre 2010, 09-69.272, Inédit |
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