La protection des logiciels en droit ivoirienpar Ariel Maixent KOUADIANE Université des Lagunes - Master 2 2024 |
B : Les effets de la marque de logicielConformément à l'article 6.1 de l'annexe 3 de l'ABR239(*), l'enregistrement de la marque confère à son titulaire le droit exclusif d'utiliser la marque, ou un signe lui ressemblant, pour les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée, ainsi que pour les produits ou services similaires. Autrement dit, le titulaire de la marque jouit d'un monopole d'exploitation sur celle-ci. Mais, « ce monopole ne porte que sur la marque déposée240(*) ». C'est dire qu'il ne s'étend pas au logiciel en lui-même, mais uniquement sur les signes qui l'identifient. En toute bonne logique, le droit exclusif d'utiliser la marque de logiciel a comme corollaire celui d'en empêcher l'utilisation par un tiers. À ce propos, le titulaire de la marque dispose de deux actions : l'opposition à l'enregistrement et l'action en contrefaçon. L'opposition est adressée à l'OAPI, dans un délai de 6 mois à compter de la publication du certificat d'enregistrement, et permet au titulaire de faire radier l'enregistrement d'une marque identique ou similaire à la sienne. Le titulaire a aussi qualité pour exercer l'action en contrefaçon de marque. Elle permet de sanctionner judiciairement les agissements portant atteinte aux droits du titulaire de la marque de logiciel. Ces agissements peuvent se résumer à quatre pratiques : la reproduction, l'imitation et l'apposition de la marque d'autrui ainsi que la contrefaçon par usage. La contrefaçon par reproduction est la copie identique ou quasi-identique de la marque afin de désigner des produits ou services similaires à ceux désigné dans le certificat d'enregistrement de la marque. En clair, il y contrefaçon par reproduction d'une marque « lorsqu'un signe reproduit, sans modification, ni ajout, tous les éléments constituant la marque, ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen241(*) ». Dans un arrêt de 2009, le Tribunal de Grande Instance de Paris déclarait qu'en « (...) installant les logiciels Excel, Outlook, Powerpoint, Word et Access appartenant à la société Microsoft Corporation sans son autorisation et faisant apparaître sur l`écran de l`ordinateur le signe Microsoft, la société Sarl Inos Innovation Nouvelle Des Ordinateurs et Systèmes a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque "MICROSOFT"242(*) ». La contrefaçon par imitation suppose de choisir « un signe proche d'une marque protégée pour identifier des produits identiques ou similaires à celle-ci de telle sorte qu'il en résulte un risque de confusion du public243(*). » Au contraire de la reproduction, l'imitation est un signe qui rappelle la marque authentique, sans pour autant lui être identique. Le tribunal de Grande instance de Paris « a condamné Microsoft pour contrefaçon de marque et a ordonné la cessation de l'exploitation de la dénomination "la boussole du net" sur le site internet encarta.msn.fr ainsi que dans les CD-Rom de l'encyclopédie Encarta. En effet, une autre marque "netboussole" correspondant à un logiciel appartenant à la société Samaris avait été déposée antérieurement244(*). » La contrefaçon par apposition consiste en l'utilisation frauduleuse par un tiers d'une marque authentique afin de désigner ses produits ou les objets de son commerce. Dans cette hypothèse, la marque n'est pas reproduite ou imitée par le contrefacteur. Elle est authentique, mais apposée sur un produit autre que celui émanant du titulaire de la marque ou sans l'autorisation de ce dernier. L'on peut prendre comme illustration l'apposition d'une marque de logiciel sur une copie contrefaisante ou sur un logiciel différent de celui commercialisé par le titulaire de la marque. La contrefaçon par usage est l'utilisation, à des fins commerciales, d'une marque frauduleusement apposée, reproduite ou imitée. Elle concerne au-delà de la marque produite ou imitée, tout usage non autorisé d'une marque authentique. En ce sens, la Cour d'appel de Paris a condamné l'association 112 Academy à payer des dommages et intérêts à titre de contrefaçon de marque, motif pris de ce que : « --?fait usage de la marque 'Rescue code' sur son site internet, dont le nom de domaine est 'www.112rescuecode.webs.com', ainsi que sur sa page Facebook, intitulée www.facebook.com/112academy, --?utilise également l'appellation 'Rescue code' pour distribuer son propre produit, à savoir le bracelet muni d'un QR code contenant les informations sur l'état de santé de son porteur.245(*) » Par ailleurs, la contrefaçon de marque peut s'ajouter à la contrefaçon du logiciel lui-même, augmentant de ce fait le montant de l'indemnisation. Et, outre le paiement de dommages-intérêts, la juridiction ordonne généralement la cessation de l'exploitation illicite de la marque. * 239 Op. cit. * 240 I. M. KOUM DISSAKE, op. cit., p.51 * 241 CJUE, aff. 91/100, LTJ Diffusion c/Sadas VertBAudet * 242 I. M. KOUM DISSAKE, op. cit., p.64 * 243 N. BEN ALI, La lutte contre la contrefaçon des marques au Maroc; quelle perspective?, mémoire, Université Sidi Mohammed Ben Abdellah, 2008, p.18. * 244 I. M. KOUM DISSAKE, op. cit., p.65 * 245 CA Nancy, 5e ch., 10 janv. 2018, n° 16/02550. [08/02/2024]. Lien |
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