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La protection des logiciels en droit ivoirien


par Ariel Maixent KOUADIANE
Université des Lagunes - Master 2 2024
  

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Paragraphe 2 : Le droit d'auteur, frein au processus de création du logiciel

Un système optimal de protection des auteurs de logiciel exige, paradoxalement, que les droits des auteurs soient tempérés, et ce, afin de stimuler la créativité dans le monde informatique. Cela est d'autant plus vrai que les programmes d'ordinateurs sont rapidement surannés. C'est pourquoi les législations européennes prévoient certaines dérogations spécifiques au logiciel, en vue de ne point entraver les mécanismes de création de logiciels.

Malheureusement, la loi ivoirienne sur le droit d'auteur, en la matière, est éminemment laconique. Elle devient alors une pierre d'achoppement pour les développeurs de logiciels : d'une part, en raison de la durée de protection qui est excessive au regard de l'évolution du monde des logiciels (A) ; d'autre part, à cause du silence du droit ivoirien sur la question de l'interopérabilité (B).

A : Une durée excessive de protection des logiciels

« Le choix d'une durée de protection d'une création intellectuelle se situe entre : -une limite inférieure, en deçà de laquelle il n'est pas utile d'accorder une protection parce qu'elle ne permet pas de rentabiliser l'investissement nécessaire à la création ; -une limite supérieure, au-delà de laquelle il n'est plus nécessaire d'accorder une protection car elle excède la durée de vie technologique ou commerciale de la création.198(*) »

La loi ivoirienne 199(*)sur le droit d'auteur ne prévoit pas une durée de protection spécifique aux programmes d'ordinateur. De ce fait, ceux-ci suivent le même régime que toutes les autres oeuvres de l'esprit. Ainsi, conformément à l'article 47 de la loi ivoirienne 200(*)sur le droit d'auteur, les droits moraux sont perpétuels pendant que les droits patrimoniaux durent pendant la vie de l'auteur et les 70 ans suivant l'année de son décès201(*).

Cette durée est justifiée, s'agissant des créations littéraires et artistiques matérielles, dans la mesure où elle assure la protection des intérêts des auteurs, lesquelles, dans cette hypothèse, durent, par définition, toute leur vie202(*). D'ailleurs, Marc Lévy déclarait : « L'art naît du sentiment, c'est ce qui le rend intemporel ». En conséquence, puisque l'art est intemporel, sa protection l'est également.

Toutefois, la durée de protection des oeuvres de l'esprit est excessive et inadaptée aux programmes informatiques. En effet, elle est calquée sur celle des oeuvres matérielles, alors qu'elles ont des cycles d'évolution différents. Dans le domaine des technologies de l'information, l'innovation se produit à un rythme effréné. Et, le logiciel qui est révolutionnaire aujourd'hui peut devenir obsolète en quelques années seulement. Dès lors, la durée de protection prévue par le législateur ivoirien est « nettement disproportionnée par rapport à la durée de vie économique des logiciels 203(*)».

Une telle protection est inutile pour l'auteur. Mais elle constitue en plus une véritable barrière à l'entrée pour les nouveaux développeurs. Les petites entreprises et les startups, qui sont souvent à l'origine d'innovations disruptives, peuvent avoir du mal à rivaliser avec les grandes entreprises qui détiennent les droits exclusifs sur les logiciels depuis des décennies. Ainsi, ces logiciels pionniers constituent une entrave au développement de nouveaux logiciels d'autant qu'en retardant l'entrée des logiciels dans le domaine public, on ralentit le secteur informatique, car l'on oblige les développeurs à réinventer la roue plutôt que de réutiliser des codes d'anciens logiciels.

C'est donc pourquoi il nous paraît nécessaire de rééquilibrer la durée de protection en matière de programme d'ordinateur. Une période plus courte permettrait, tout en assurant le retour sur investissement des créateurs, de retirer un frein au développeur.

Cependant, une telle opération est loin d'être aisée. En fait, en vertu de l'article 7 de la convention de Berne, « la durée de la protection accordée par la présente Convention comprend la vie de l'auteur et cinquante ans après sa mort. » Or, aux termes de l'article 123 de la Constitution ivoirienne : « les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque traité ou accord, de son application par l'autre partie. » De fait, il apparaît impensable de prévoir une dérogation propre aux logiciels par le truchement d'une loi.

En l'état actuel du droit, l'unique palliatif serait de modifier la définition légale du logiciel, afin de le faire basculer la catégorie d'oeuvre des arts appliqués. Effectivement, « rien n'empêche de qualifier le logiciel d'oeuvre des arts appliqués, car chaque État a le droit d'adopter la définition légale qui lui convient pour chaque oeuvre.204(*) » Il suffirait de rajouter à la définition légale : les programmes d'ordinateurs sont considérés comme des oeuvres des arts appliqués. Ainsi, la durée de protection basculerait à 25 années, ce qui reste relativement superfétatoire, mais est nettement moindre que la durée normale de protection.

Ayant examiné la question du délai de protection, nous passons à présent à celle de l'interopérabilité.

* 198 B. SCHAMING, op. cit., p.101

* 199 Op. cit.

* 200 Ibid.

* 201 Article 22 Annexe 7 ABR : « Sauf dispositions contraires du présent chapitre, les droits patrimoniaux sur une oeuvre sont protégés pendant la vie de l'auteur et soixante-dix ans après sa mort. Les droits moraux sont illimités dans le temps. » ; Article 7 Convention de Berne : « La durée de la protection accordée par la présente Convention comprend la vie de l'auteur et cinquante ans après sa mort. »

* 202 B. SCHAMING, op. cit., p.102

* 203 I. BA, op. cit., p.36.

* 204 Loutfi, M.-H. (1989). Réflexions sur la protection juridique des logiciels. Bulletin du droit d'auteur, XXIII(4). p.21

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