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La protection des logiciels en droit ivoirien


par Ariel Maixent KOUADIANE
Université des Lagunes - Master 2 2024
  

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Section 2 : La mise à mal des développeurs de logiciels par le droit d'auteur

La loi ivoirienne 181(*)sur le droit d'auteur, à certains égards, fragilise les droits des auteurs de logiciels salariés (Paragraphe 1) et constitue un frein à l'innovation (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La fragilisation des droits du développeur salarié

Sous l'empire de l'ancienne loi ivoirienne (1996) sur le droit d'auteur, le contrat de travail en vertu duquel untel serait tenu de créer un logiciel ne bouleversait aucunement pas les règles de titularité. En fait, les auteurs d'un logiciel de commande ou d'un logiciel créé suivant contrat de travail conservaient en principe leurs droits patrimoniaux. C'est ainsi que dans un arrêt de 2014, le tribunal de commerce d'Abidjan avait retenu la qualité de coauteur d'un informaticien ayant concouru à la conception du logiciel EASY PHARMA sur la base d'un contrat de commande, au motif que, l'existence d'un contrat de travail ou de louage ne bouleversant aucunement les droits d'auteur, la rémunération perçue par l'informaticien ne pouvait avoir comme conséquence de lui faire perdre sa qualité d'auteur182(*).

Cependant, la loi ivoirienne de 2016 sur le droit d'auteur apporte un bouleversement majeur et désavantageux pour le programmeur salarié (B). Désormais, les droits patrimoniaux sur un logiciel créé en vertu d'un contrat de travail entrent de plein droit dans l'escarcelle de l'employeur (A).

A : La transmission automatique des droits patrimoniaux du programmeur salarié

La loi ivoirienne sur le droit d'auteur prévoit un régime dérogatoire, relativement à la titularité des droits économiques sur un logiciel créé dans le cadre d'un contrat de travail.

Dans un premier temps, il convient de rappeler que les auteurs restent titulaires de droits moraux sur le logiciel créé dans le cadre du contrat. En effet, comme nous le rappelions plus haut, ces derniers, étant attachés à la personnalité de l'auteur, sont par conséquent inaliénables. De fait, le contrat de travail ne peut avoir comme effet leur transfert au patron. On le constate, ce n'est pas ici que repose la dérogation, puisqu'il en va de même pour les autres oeuvres de l'esprit.

Le particularisme du régime des logiciels créés dans un cadre contractuel se trouve au niveau des droits patrimoniaux. En effet, la titularité des droits patrimoniaux, en vertu de l'article 42 de la loi ivoirienne 183(*)sur le droit d'auteur, est dévolue, sauf convention contraire, à l'auteur, s'agissant des oeuvres traditionnelles. Par conséquent, la pratique, s'agissant des oeuvres autres que les logiciels et base de données, consiste à stipuler des clauses de cession des droits patrimoniaux car à « défaut d'une telle clause prévoyant la cession des droits d'auteur 185(*)» l'auteur conserve les droits de propriété intellectuelle.

Cependant, le contraire est consacré, relativement au logiciel. C'est ainsi que l'article 43 de ladite loi dispose : « les droits patrimoniaux sur un programme d'ordinateur [...] créé par un auteur employé en exécution d'un contrat de travail [...] appartiennent à l'employeur [...], sauf convention contraire. » En d'autres termes, les droits patrimoniaux sur un logiciel créé par un salarié sont légalement dévolus à son employeur.

On peut déduire de cette disposition les deux conditions d'application de la dévolution légale des droits patrimoniaux des auteurs de logiciel salariés. La première, qui coule de source, est l'existence d'un contrat de travail valable et non suspendu186(*) au moment de la création du logiciel.

La seconde, plus absconse, exige que le logiciel ait été créé en exécution du contrat de travail. À notre sens, cette expression a deux implications. Au premier abord, le logiciel doit avoir été réalisé durant le temps de travail du salarié. Le temps de travail se saisit comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles187(*). Il s'agit, en clair, du temps pendant lequel le salarié agit effectivement selon les instructions de son patron, et ce, même s'il n'est pas présent sur son lieu habituel de travail et qu'il agit en dehors de ses heures de travail habituelles. Le critère déterminant est que le salarié agisse, pendant cette période, conformément aux directives du patron. En conséquence, un logiciel créé par un salarié sur son temps libre, ne saurait appartenir à l'employeur. Au second abord, la création de logiciel doit être une obligation du contrat de travail. En d'autres termes, le salarié doit être tenu par son contrat de travail de réaliser des programmes informatiques. En effet, l'article 43 n'a vocation à jouer que si le logiciel est créé en exécution d'un contrat du travail188(*). C'est dire que le travailleur doit avoir été recruté à titre de créateur de logiciels et que cela fait partie de ses missions habituelles. De telle sorte qu'un logiciel créé par un travailleur recruté à un autre titre, n'appartient pas à l'employeur189(*).

Une fois réunies les conditions susvisées, les droits patrimoniaux sur le logiciel sont automatiquement transférés à l'employeur. Dès lors, nul n'est besoin de rédiger un contrat spécifique à cet effet ou d'observer un formalisme particulier. Il est alors seul habilité à exploiter économiquement le programme. Une telle situation est véritablement désavantageuse pour l'auteur salarié.

* 181 Op. cit.

* 182 TC Abidjan, 4e ch., 1er avr. 2014, n°243/2014

* 183184 Op. cit.

* 185TC Abidjan, 7 nov. 2013, N°1561/2013, Lien

* 186 « La suspension des obligations de la relations de travail communément appelée suspension du contrat de travail altère voire met en veilleuse l'exécution des obligations principales incomBAnt aux parties notamment, l'accomplissement du travail pour le salarié et le versement d'un salaire pour l'employeur. H. ABISSA, Droit du travail, Les éditions ABC, 2ème édition, 2021, p.276.

* 187 H. ABISSA, Droit du travail, Les éditions ABC, 2ème édition, 2021, p.226.

* 188 Cela fait écho aux « inventions de mission » existant en droit des brevets.

* 189 Certains systèmes juridiques, notamment celui de la France, admettent que ledit transfert concerne aussi bien le travailleur recruté à titre de créateur de logiciels que le salarié emBAuché à un autre titre ; Voir en ce sens : R. DESY, La protection par le droit d'auteur des logiciels créés par des employés en droit comparé et international in Article de la revue juridique Thémis, Les Éditions Thémis, 1996, pp.43-44.

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