La protection des logiciels en droit ivoirienpar Ariel Maixent KOUADIANE Université des Lagunes - Master 2 2024 |
B : La nature défensive du droit d'auteurIl s'agit d'un corollaire de l'absence de formalités de dépôt. En effet, contrairement aux droits de propriété industrielle dont l'existence et le contenu sont garantis par l'autorité administrative, le droit d'auteur est confirmé par l'autorité judiciaire. En effet, seuls les juges ont pouvoir de décréter l'originalité ou l'absence d'originalité d'une oeuvre. De ce fait, « le créateur du logiciel n'aura de certitude sur la portée de ses droits qu'en cas de survenance de litige.161(*) » En d'autres termes, avant la consécration contentieuse du droit d'auteur, le programmeur exploite une oeuvre dont on ne sait, à vrai dire, si elle est protégée ou pas. Il peut donc exploiter un logiciel qui, en réalité, n'est pas protégé. Seul le succès de l'action en contrefaçon taira toutes incertitudes quant à la protection par le droit d'auteur. Malheureusement, un tel système soumet l'auteur de logiciel aux méandres de l'aléa judiciaire. Il est clair qu'un procès constitue un océan d'incertitudes et d'imprévus, car « l'on ne peut jamais préjuger de la décision qui sera rendue par le ou les magistrats, saisis de votre dossier, quand ces derniers statuent à juge unique ou en collégiale, comme c'est le cas pour la plupart des procédures »162(*). Ainsi, plane constamment sur les auteurs, et ce jusqu'à l'avènement d'une décision de justice définitive, la possibilité que leur création soit exclue du rayon de la propriété littéraire et artistique. Ce risque est d'autant plus renforcé que l'originalité, en ce qui concerne les programmes informatiques, est extrêmement difficile à prouver. À ce titre, le fait que le logiciel apporte une solution particulière à la gestion d'un problème n'établit pas son originalité163(*). Dans la même logique, la supposée créativité des algorithmes et des fonctionnalités d'un logiciel, ne suffit pas à établir l'originalité d'un programme d'ordinateur164(*). En outre, un rapport d'expert non contradictoire ne peut établir l'originalité d'un logiciel165(*). De plus, l'examen de la jurisprudence française donne de constater que cette notion est examinée avec sévérité par les juges. L'imputation de charge de la preuve de l'originalité aux auteurs de logiciel apparaît éminemment préjudiciable pour la sauvegarde de leurs droits. La protection de leurs intérêts rend donc nécessaire l'instauration par le législateur ivoirien d'une présomption d'originalité des créations logicielles, laquelle « sera attestée du fait de l'existence même du logiciel, preuve de l'activité de l'auteur.166(*)» Effectivement, il s'agit de la seule sécurité véritable : une présomption simple d'originalité qu'il appartiendrait au défendeur de combattre167(*) ; ce qui réduirait un tant soit peu le caractère imprévisible de la protection par le droit d'auteur. En définitive, nous avons démontré que le système du droit d'auteur accorde une protection à l'existence et à la portée incertaines, ce qui résulte de ce que le droit d'auteur est, par essence, non formaliste. Mais il ne faut pas occulter que son objet est également limité. * 161 I. BA, op. cit., p.36. * 162N. ARNAUD, La médiation, un moyen d'éviter l'aléa judiciaire, [21 mars 2024]. Lien * 163 Civ. 1, 17 oct. 2012, 11-21.641, Inédit * 164 Civ. 1, 14 nov. 2013, 12-20.687, Inédit * 165 CA, Douai, 1re ch., 2e sect., 5 Avril 2018 n° 16/04545 * 166 François Pellegrini. L'originalité des oeuvres logicielles. Revue internationale du droit d'auteur, 2017, 252, pp.31.Hal-01557673 * 167 P.-Y. GAUTIER, op. cit., p.52 |
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