La protection des logiciels en droit ivoirienpar Ariel Maixent KOUADIANE Université des Lagunes - Master 2 2024 |
Partie 1 : UNE PROTECTION EXPRESSE DES LOGICIELSOutre qu'il est dans les deux cas question d'écriture, il existe, en vérité, peu de ressemblance entre un tableur Excel et les Fleurs du Mal ; le premier ne sera jamais, au contraire du second, rattaché aux beaux-arts. Le logiciel se démarque des oeuvres littéraires et artistiques classiques par sa nature fonctionnelle et son aptitude à exécuter des tâches programmées, éclipsant ainsi leur caractère narratif et leur subjectivité. Dès lors, bien qu'étant une oeuvre de l'esprit, sa spécificité lui rendrait ardue l'application stricte du droit d'auteur classique. C'est pourquoi il a vite été indispensable d'adapter la propriété littéraire et artistique au logiciel. Cette volonté d'adaptation se ressent tant au niveau de l'accès du logiciel au monde de la propriété littéraire et artistique (Chapitre 1) qu'au niveau des droits reconnus aux auteurs (Chapitre 2). Chapitre 1 : L'accès du logiciel à la protection par le droit d'auteurLa loi ivoirienne32(*) sur le droit d'auteur qualifie expressément, à tort ou à raison33(*), le logiciel d'oeuvre écrite sur laquelle peut, tout naturellement, s'exercer le droit d'auteur. Le logiciel, comme nous le rappelions, n'est point réductible à son écriture. De par son aspect fonctionnel, il transcende pour ainsi dire la sphère littéraire. Alors, une question demeure : le droit d'auteur doit-il contenir l'entièreté de cette masse mixte ? Voilà posée la question de la détermination de l'assiette de protection du droit d'auteur en matière de programme d'ordinateur (Section 1). En outre, l'accès à cette protection requiert que le logiciel soit original (Section 2). Section 1 : La détermination de l'objet de protection du droit d'auteurÀ la vérité, il est difficile, à partir de la définition du vocable logiciel, d'indiquer les éléments protégés ou plus précisément le moment où le logiciel a obtenu un degré de formalisation suffisant pour être considéré comme oeuvre protégeable34(*). En effet, la technicité et le nombre d'étapes de création rendent difficile l'appréciation du degré de réalisation du programme d'ordinateur35(*). L'on doit alors en référer à l'accord ADPIC qui indique que les formes d'expression du logiciel sont le code source et le code objet. Toutefois, en pratique, un logiciel ne se réduit pas au code. L'on pense, par exemple, à l'interface du programme d'ordinateur. Cette dernière n'est pas indexée par l'accord ADPIC. Mais, il ne faut pas conclure pour autant qu'elle est non protégée. En revanche, elle ne sera pas envisagée comme partie intégrante du logiciel, mais plutôt comme une oeuvre indépendante de celui-ci. En résumé, certains éléments sont protégés en tant que forme d'expression (Paragraphe 1) du logiciel, et que d'autres sont protégés de façon autonome (Paragraphe 2). * 32 * 33M. VIVANT, J.-M. BRUGUIERE, op. cit., p.95. Ces auteurs trouvent ridicule le rattachement du logiciel à la catégorie des oeuvres littéraires, ce qu'ils traduisent dans cette formule ironique : « le logiciel se trouve ainsi placé quelque part entre Proust et Hemingway ». * 34C. D. DJOMGA, La contrefaçon des logiciels dans l'espace OAPI, Étude comparée de l'ABR révisé et des législations du Sénégal, du Gabon, de la Côte d'Ivoire et du Cameroun, Les Éditions ISIS, 2011, p.30. * 35Y. BISMUTH, Droit de l'informatique : éléments de droit à l'usage des informaticiens, L'Harmattan, 2011, p.75. |
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