La protection des logiciels en droit ivoirienpar Ariel Maixent KOUADIANE Université des Lagunes - Master 2 2024 |
B : Les actes matériels de contrefaçonLes actes matériels de contrefaçon nuisent directement au monopole d'exploitation accordé à l'auteur du logiciel. Sous ce prisme, constitue une contrefaçon toute atteinte faite au droit moral ou au droit patrimonial de l'auteur. Nous l'avons vu, les droits moraux comportent le droit à la paternité et au respect de l'oeuvre, le droit de divulgation, le droit de repentir ou de retrait et le droit d'accès. Tout acte qui porte atteinte à l'une de ces prérogatives est constitutif de contrefaçon. Cela dit, « dans le domaine du droit d'auteur, l'atteinte au droit moral concerne des hypothèses marginales »128(*). Par exemple, la divulgation d'un logiciel sans le consentement de l'auteur est un acte de contrefaçon. Ainsi, la mise sur le marché d'un programme, alors même que le créateur s'y oppose, caractérise la contrefaçon129(*). De même, la modification, l'altération, la suppression ou la dissimulation du nom de l'auteur du logiciel protégé ou de tout autre signe distinctif qu'il utilise pour désigner son oeuvre porte atteinte au droit de paternité de l'auteur et constitue un acte de contrefaçon. En ce sens, les juges retiennent que la modification du nom de l'auteur d'une oeuvre, sans autorisation, est un acte de contrefaçon130(*). S'agissant des droits patrimoniaux, la reproduction d'un logiciel peut constituer un acte de contrefaçon. L'appréciation de la reproduction revêtant un caractère technique, la juridiction saisie désigne généralement un expert chargé de comparer les logiciels. Ce dernier devra déterminer si les logiciels sont identiques, c'est-à-dire si l'un dérive de l'autre131(*) ; la reproduction devant s'apprécier en tenant compte des ressemblances et non des dissemblances existant entre les logiciels.132(*) De ce fait, la fixation, la numérisation, la mémorisation ou le stockage du logiciel sur tout support, en vue de rendre le logiciel accessible ou de le communiquer au public notamment sur les réseaux de communication électronique, constitue un acte de contrefaçon. Cela inclut, entre autres, le téléchargement illicite du logiciel sur internet133(*), la copie servile ou quasi servile du code source d'un programme d'ordinateur134(*) ainsi que l'installation concomitante du même exemplaire d'un logiciel sur plusieurs ordinateurs différents. En ce sens, l'utilisation d'un logiciel sur un ordinateur, sans en avoir acquis les licences d'utilisation, est également un acte de contrefaçon135(*). De même, la copie d'une partie du code source du logiciel constitue un acte de contrefaçon. La transformation du logiciel d'un logiciel peut être qualifiée de contrefaçon. Ainsi l'adaptation, l'arrangement ou la traduction non autorisée d'un logiciel peut caractériser la contrefaçon. C'est ce que rappelle la CJUE : « l'adaptation ou la transformation du code sous lequel une copie de programme d'ordinateur a été fournie constitue une atteinte aux droits exclusifs de l'auteur, sans aucune précision quant à l'origine, contractuelle ou autre, de cette atteinte.136(*) » La commercialisation d'un programme d'ordinateur peut être sanctionnée comme contrefaçon. En effet, les auteurs du logiciel disposent du droit exclusif d'en effectuer et d'en autoriser la distribution, la location ou le prêt à titre onéreux ou gratuit. De ce fait, la vente, la location ou le prêt d'un logiciel, sans le consentement de l'auteur, peut être qualifiée de contrefaçon, et ce même si les logiciels sont authentiques. C'est ainsi que la cour de Cassation française qualifie de contrefaçon la mise sur le marché français de logiciels authentiques, régulièrement importés du Canada, lorsque ceux-ci étaient exclusivement destinés au marché canadien137(*). De même lorsque l'auteur, après avoir céder ses droits d'auteurs, procède toujours à la vente en ligne du logiciel. Mais, dans ce cas de figure, le demandeur devra rapporter la preuve que les ventes illégales ont été réalisées après ladite cession. Le Tribunal de commerce a rejeté la demande en contrefaçon d'une société éditrice de logiciels, au motif que le demandeur avait fourni les copies d'écran d'un site internet non actualisé, lequel ne pouvait aucunement établir que les ventes étaient postérieures à la cession138(*).
- l'apposition frauduleuse, sur un logiciel quelconque, du nom d'un auteur qui ne l'a point réalisé ou bien de tout signe distinctif qu'il utilise pour désigner ses créations ; - L'importation, l'exportation, la vente et, plus généralement, la mise en circulation de logiciels contrefaits ; - La neutralisation des mesures techniques de protection installées sur le logiciel ; - La fourniture de moyens devant servir à la contrefaçon ; - Le fait de laisser reproduire dans son établissement un logiciel protégé par le droit d'auteur.
* 128B. SCHAMING, op. cit., p.276 * 129Les juges décident : « caractérise la contrefaçon par diffusion, prévue par l'article L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle, la mise sur le marché de l'art d'une oeuvre originale, même aBAndonnée par son auteur, lorsqu'elle est faite en violation du droit moral de divulgation qu'il détient sur celle-ci en vertu de l'article L. 121-2 de ce Code ». Crim., 13 déc. 1995, 93-85 * 130Crim., 24 sept. 1997, 95-81.954 * 131 TC Abidjan, 4e ch., 1er avr. 2014, n°243/2014 * 132CA Paris, 4? ch., 24 janvier 2007 in M. BUYDENS, L'application des droits de propriété intellectuelle : recueil de jurisprudence, p. 305 * 133Crim., 27 fév. 2018, 16-86.881 * 134TJ Marseille, 23 sept. 2021. [05/03/2024]. Lien * 135CA Lyon, 30 oct. 2008, 07/05916 * 136CJUE, 5ème ch., 18 déc. 2019. [05/03/2024]. Lien * 137Crim., 16 déc. 2003, 03-80 * 138 TC Abidjan, 19 juil. 2018, n°1400/2018 |
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