La protection des logiciels en droit ivoirienpar Ariel Maixent KOUADIANE Université des Lagunes - Master 2 2024 |
Avant tout, le créateur d'un logiciel a le droit exclusif de décider de la divulgation de son oeuvre et d'en définir les modalités. L'auteur conserve donc la faculté de maintenir son programme dans la sphère privée. En effet, il ne peut être contraint, légalement, judiciairement ou contractuellement, le mettre à disposition du public. En effet, vu qu'il n'existe pas, contrairement en droit des brevets100(*), de contrats forcés en matière de propriété littéraire et artistique, l'auteur d'un logiciel ne peut être obligé d'accorder une licence d'exploitation à un tiers, et ce, même s'il décide de maintenir sa création dans le monde occulte. De plus, quand bien même il conviendrait de la publier, l'auteur reste maître des modalités de la divulgation. En fait, « le droit de communiquer l'oeuvre au public (aspect positif) confère à l'auteur le pouvoir de décider lui-même si, quand et comment son oeuvre peut être divulguée.101(*) » La jurisprudence accorde une valeur puissante à ce droit. C'est ainsi qu'un auteur, lié par un contrat de commande, « ne peut pas être obligé de livrer l'oeuvre ou qu'il ne saurait être condamné, sous astreinte, à remettre l'oeuvre réalisée à son cocontractant102(*). » Par contre, violant ses obligations résultant du contrat, il pourra être condamné à payer des dommages-intérêts. En outre, l'auteur d'un logiciel, même postérieurement à la publication de son oeuvre, jouit d'un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire. Il est important de noter que la particule « ou », ici employée, ne signifie pas que les termes « retrait » et « repentir » sont synonymes. Au contraire, leur sens diffère : d'une part, le retrait est une mesure radicale qui autorise l'auteur à mettre fin à l'exploitation de son oeuvre, vulgairement à la retirer du marché ; d'autre part, le droit de repentir permet juste à l'auteur, insatisfait de l'état actuel de son logiciel, de modifier celui-ci après la cession. À n'en point douter, le droit de repentir ou de retrait représente l'envers du droit de divulgation reconnu à l'auteur, car il garde l'oeuvre divulguée sous la maîtrise de ce dernier. Mais une telle prérogative est susceptible de nuire aux intérêts de l'ayant cause de l'auteur, surtout au vu de la valeur économique et commerciale des logiciels. C'est pourquoi les législations européennes ont simplement choisi de dénier spécifiquement aux programmes d'ordinateur le droit de retrait ou de repentir. Les pays de l'OAPI en général et la Côte d'Ivoire en particulier ont, au contraire, opté pour la voie de l'atténuation, laquelle vaut aussi bien pour les oeuvres classiques que pour le logiciel. C'est ainsi que l'auteur ne peut exercer ce droit qu'à charge d'indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer. Cette indemnisation préalable constitue un contrepoids sérieux au droit de repentir et de retrait, raison pour laquelle, en pratique, le droit de retrait ou de repentir est rarement utilisé. * 100Le Titre IX de l'annexe 1 de l'ABR prévoit un régime de licences non volontaires permettant à un exploitant d'obtenir par voie judiciaire l'autorisation d'exploiter une invention objet d'un brevet. * 101E. DESHOULIERES, op. cit., p.24. * 102C. CARON, op. cit., p.200. |
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