La protection des logiciels en droit ivoirienpar Ariel Maixent KOUADIANE Université des Lagunes - Master 2 2024 |
B : Les choix personnels du programmeurPour être propre à son auteur, le logiciel doit résulter des choix libres du programmeur au moment de la réalisation du logiciel. Cela signifie que l'originalité s'incarne dans un effort personnalisé du programmeur. L'effort personnalisé se fonde sur « apport raisonné88(*) » de l'auteur à son oeuvre. Mieux dit, il suffirait que l'oeuvre se singularise par des choix propres à l'auteur, même si ceux-ci sont motivés par la logique. En fait, un programme d'ordinateur, est fondamentalement question d'une suite d'instructions destinés à être décryptées par une machine en vue d'obtenir un résultat. À ce titre, l'auteur est soumis à une double contrainte : en premier lieu, permettre la compréhension des instructions par la machine ; en second lieu, faire produire par la machine le résultat souhaité89(*). Le programmeur est tenu de respecter les règles de programmation ainsi qu'une certaine logique dans son action. Mais, cet effort personnalisé doit aller au-delà de la simple mise en oeuvre d'une logique automatique et contraignante. En effet, l'auteur ne doit pas avoir été obligé de coder de telle façon. Réciproquement, n'importe qui, placé dans les mêmes conditions, ne doit pas pouvoir réaliser le même logiciel. Sur ce point, dans un arrêt rendu en 2018, les magistrats affirment que l'originalité ne peut être reconnue dans un logiciel qui a été conçu en se conformant aux exigences d'une circulaire administrative ; à cet effet, ils ont souligné que l'originalité ne peut exister si la créativité est bridée par les exigences et usages d'un secteur d'activité90(*). C'est dire que le programmeur doit effectuer des choix qui lui sont propres sans être enchaîné par une logique contraignante car, comme le précise le Tribunal d'Instance de Tokyo, « naturellement, les pensées logiques du programmeur sont nécessaires pour combiner les instructions 91(*)» que devra suivre le logiciel. Ainsi, le logiciel exprime ainsi l'individualité de l'auteur. Le juge devrait donc aussi examiner les divers choix de l'auteur au moment de la réalisation de son logiciel. Ceux-ci peuvent se manifester dans : - « un choix spécifique dans une combinaison de couleurs, de l'adoption d'une police de caractères92(*) ; - l'existence de transformations importantes opérées sur un logiciel antérieur qui ont nécessairement généré une valeur ajoutée en termes de travail intellectuel93(*) ; - le fait que le logiciel a été rédigé dans un langage informatique différent des logiciels précédemment créés, dès lors que ce langage a permis des configurations particulières, d'offres de simulations de prêts, d'une présentation de ses rubriques, d'un agencement de ses titres, d'une architecture de ses fenêtres ; - le fait de faire fonctionner avec un certain type de processeur, amélioration qui caractérise l'existence d'un apport intellectuel propre et d'un effort personnalisé94(*) ».95(*) * 88B. SCHAMING, op. cit., p.62 * 89B. SCHAMING, op. cit., p.60 * 90 CA, Douai, 1re ch., 2e sect., 5 Avril 2018 n° 16/04545 * 91Tribunal d'Instance de Tokyo (WA) n°10867 [1978], 6 décembre 1982, 482Hannei Times * 92 CA Paris, 4? ch., 04 févr. 2004 * 93 CA Versailles, 9? ch., 23 févr. 2005 * 94 Cass, 1?? civ., 22 mars 2011 * 95C. URMAN, Concepteurs de logiciels : savez-vous si votre création est originale ?, [5 févr. 2024]. Lien |
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