La répression de la criminalité transnationale organiséepar Méa David Romaric ASSALÉ Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan - Master Recherche en Droit Privé Option Professions Judiciaires 2023 |
B. Le recours jurisprudentiel excessifClé de voute du droit pénal419(*), le principe de légalité applicable en droit pénal exige que les crimes soient définis très précisément. Pour favoriser cette précision et encadrer au maximum le processus d'application du droit par le juge - ceci afin d'éviter des dérives dangereuses comme la définition d'un crime par analogie - les infractions se décomposent en éléments constitutifs. La qualification d'un comportement comme crime nécessite de faire preuve de la réunion de l'ensemble des éléments constitutifs de ce crime420(*) en fonction desquels le juge s'exécute. En ce sens, il est de principe que la loi pénale soit d'interprétation stricte421(*). Toutefois, bien que « le juge doit être l'esclave de la loi »422(*), il est amené à faire recours à son propre jugement à l'effet d'interpréter au mieux la loi et lui donner la connotation adaptée à la situation en présence. C'est notamment le cas face à la menace que représente la criminalité transnationale organisée où le juge est contraint de faire usage de son pouvoir normatif qui est, en principe, requis en cas de lacune ou d'imprécision de la loi pour apprécier la teneur de l'implication des membres criminels organisés ou de la peine à infliger. En s'appuyant sur les dispositions de la convention de Palerme, chaque doit prendre des mesures permettant à ses autorités d'agir en matière de prévention, de détection et de répression des infractions et aussi leur indépendance d'action423(*). Ainsi, la situation de la criminalité transnationale organisée requiert de modulation des mesures juridictionnelles à l'effet de proposer une réponse idoine en matière de répression. Dans cette logique, le juge se voit contraint d'adapter leur décision en fonction de la situation en présence d'autant plus que dans certains pays comme la Côte d'Ivoire où le régime de la répression de la criminalité transnationale organisée n'est pas spécifiquement ou insuffisamment établi. En effet, face à l'incorporation de la participation à un groupe criminel organisé à l'infraction d'association de malfaiteurs jointe aux infractions connexes incluant un élément d'extranéité, le juge est tenu à chaque fois qu'il est confronté à une situation de CTO de trancher au cas par cas considération prise des infractions connexes, au nombre de personnes impliquées et à la portée de leur action bien que la détermination concrète de la peine relève initialement de la loi424(*). Cette situation confortée par une imprécision de la loi pénale en la matière tendrait à conférer au juge des pouvoirs suffisamment étendus qui, bien que bénéfique à une adaptation de la sanction des infractions de la CTO au cas par cas, donnerait un caractère principal au pouvoir normatif ou jurisprudentiel du juge qui se présenterait comme contraire à l'essence de la matière pénal et notamment à ses valeurs fondatrices. Dès lors, quitte au législateur d'établir des textes s'adaptant au mieux à la nécessité d'un équilibre rationnel entre la répression de la CTO et les pouvoirs reconnus au juge. * 419KOLB Patrick et LETURMY Laurence,Cours de Droit Pénal Général, Gualino, 5e Ed, 2019-2020., p. 39 * 420 DE FROUVILLE Olivier, Droit Internationale Pénale, Editions A. Pedone, Mars 2012, p. 81 * 421 Cf. article 15 du code pénal ivoirien * 422 CABANIS André, Mélanges en hommage à André Cabanis, Presse de l'Université Toulouse 1 Capitole, 2021, p. 460 * 423 Cf. article 9 alinéa 2 de la convention des nations unies contre la criminalité transnationale organisée * 424 LEMIEUX Charlotte, Jurisprudence et sécurité publique : une perspective civiliste, 29 R.D.U.S., 1998-99, p. 228 |
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