La répression de la criminalité transnationale organiséepar Méa David Romaric ASSALÉ Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan - Master Recherche en Droit Privé Option Professions Judiciaires 2023 |
Paragraphe 2 : Les infractions secondairesLes infractions secondaires peuvent être définies comme des actes qui sont commis pour faciliter ou couvrir une infraction principale de la criminalité transnationale organisée. Ces infractions ont une grande importance car elles permettent aux groupes criminels de mener à bien leurs activités illégales en évitant la détection et en échappant à la justice. Les infractions secondaires incluant la corruption (A) et le blanchiment d'argent (B) se confondent occasionnellement aux moyens d'action des groupes criminels organisés372(*). A. La corruptionComportement pénalement incriminé par lequel sont sollicités, agréés ou reçus des offres, promesses, dons ou présents, à des fins d'accomplissement ou d'abstention d'un acte, d'obtention de faveurs ou d'avantages particuliers373(*), la corruption est l'une des infractions majeures de la criminalité transnationale organisée bien qu'elle soit reléguée à la seconde catégorie des infractions liées au crime organisé. Cet état de fait est motivé en ce que son exercice est subordonné à l'accomplissement des infractions dites principales qui génèrent par leur réalisation des profits immédiats. A la différence de ces dernières, la corruption permet de dissimuler et de couvrir les activités illicites principales. Catégorisée selon deux aspects à savoir sa forme active et sa forme passive374(*), elle engage sur un même champ deux acteurs que sont le corrupteur qui est celui qui émet l'avantage quelconque en récompense de l'action ou de l'abstention et le corrompu375(*) qui est celui qui réalise l'action ou s'abstient de la réaliser pour bénéficier d'un quelconque avantage, qui selon leur implication dans celle-ci détermine sa forme. Elle permet d'établir un lien entre un professionnel et un acteur d'infraction. Dans la corruption passive, il est question du corrompu qui se laisse corrompre par le corrupteur. Tandis que dans la corruption active, le corrompu sollicite sa corruption par le corrupteur à l'effet de fermer les yeux sur le groupement criminel et son activité ou d'accomplir des actes ou actions en faveur du groupe criminel organisé si l'on s'en tient au cas des groupes criminel organisés. La menace que représente la corruption est tributaire de sa gravité qui n'est plus à démontrer dans la mesure où elle intervient dans la prolifération et la dissimulation des groupements criminels organisés et des activités illicites qu'ils mènent. En effet, les groupes criminels organisés utilisent fréquemment la corruption dans le cadre de leurs activités. Ils ont recours aux pots-de-vin et à d'autres actes de corruption pour créer ou exploiter des possibilités d'activités criminelles et empêcher les systèmes de justice pénale et d'autres structures de détection et de répression de gêner leurs opérations. La corruption réduit les risques, accroît les profits criminels et est moins susceptible d'engendrer la même attention et la même punition que d'autres tentatives d'influencer les agents publics par l'intimidation ou la violence376(*). Illustrant au mieux ces propos, la commission de En plus d'être mondialement reconnue comme une
infraction grave car facilitant la commission de multiples autres infractions
tant au plan national qu'au plan international notamment par la convention de
Palerme377(*)
renforcée par la convention des Nations unies contre la
corruption378(*), la
corruption fragilise la sécurité aux frontières des Etats
mais aussi la gouvernance de ceux-ci. En effet, la jonction entre les
comportements criminels et la corruption qui accompagnent le circuit des
certaines activités criminelles comme le trafic de la cocaïne
constituent une menace évidente pour la gouvernance et la
stabilité des institutions de nombreux Aussi, il est de mise que la porosité des frontières soit renforcée par la forte corruptibilité des autorités assurant la sécurité de celles-ci. On en veut pour preuve les conclusions de MOUALYE Zeïni qui déplore comme obstacle à la lutte contre la criminalité transnationale organisée la « criminalisation » des forces de l'ordre présents aux frontières des Etats ouest-africains devenus fortement corruptibles380(*). Selon lui, le transbordement de la criminalité organisée a été favorisé par la corruption des agents des forces de l'ordre censés garantir la sécurité des frontières ce qui se pose contre une entrave réelle au processus de lutte contre la criminalité transnationale organisée ; une lutte placée sous fond de prévention, de détection et de répression de la criminalité organisée. Par ailleurs, sur le point de la dissimulation des activités criminelles et des infractions qui y sont contenues, Dimitri VLASSIS mentionne dans son article intitulé « Currentproblems in the combat of transnational organized crime » que les infractions de la criminalité transnationale organisée sont difficiles détecter et à contrôler du fait de la corruption et de l'abus de pouvoir381(*). Ainsi, la corruption des acteurs étatiques, en particulier, rend difficile la détection des infractions liées à la criminalité transnationale organisée et permet au crime organisé de prospérer. Sur la question de la facilitation des activités criminelles, il a été démontrer à la lecteur des conclusions du rapport ENACT de INTERPOL que la corruption permet de faciliter la commission des infractions liées au crime organisé au plan régional notamment en Guinée-Bissau ou en Casamance (Sénégal) où c'est avec le concours des autorités étatiques que les forêts nationales sont décimées par une exploitation illégale du bois et surtout d'espèces rares avec le concours de certaines autorités étatiques382(*). En plus de quoi d'autres exemples sont perceptibles notamment au travers l'affaire Albert CHELLEY au Libéria où le Sous-directeur des Opérations de l'Agence libérienne a été reconnu comme facilitateur du transit de drogue venant du Nigéria383(*). De plus, les organisations criminelles ont souvent des liens avec des fonctionnaires corrompus, ce qui leur permet de bénéficier d'une certaine protection et de poursuivre leurs activités criminelles en toute impunité. La corruption rend difficile la poursuite en justice des membres de l'organisation et la confiscation de leurs actifs illégaux comme le confirme la commission ouest-africaine sur les drogues en citant que « les mesures d'interceptions des actions illégales sont entravées par (...) des relations entre criminels et autorités étatiques »384(*). De ce fait, les groupes criminels se servent de la corruption dans l'optique de se soustraire à la détection et à la répression de leurs activités illicites. Ces différentes analyses permettent valablement de mettre en lumière les répercussions négatives qu'a la corruption sur la bonne marche du processus de répression des infractions que revêtent les activités criminelles menées en groupement organisé aux travers des frontières. Si la coopération reste l'option la plus adéquate en plus du renforcement du système juridique répressif en la matière tant au plan national qu'international, les groupes criminel de tarissent pas de réflexions à l'effet de passer entre les mailles du filet en pensant à d'autres infractions évolutives secondaires à leurs activités principales impliquant une multitude d'acteurs telles que le blanchiment de capitaux et ses variantes (B). * 372 Voir supra (Cf. Seconde Partie : Chapitre 1 : Section 2) * 373 GUNICHARD Serge, DEBARD Thierry, Lexique des termes juridiques, DALLOZ, 25e Edition, 2017, p. 617 * 374 Cf. Article 8 paragraphe 1 de la Convention des Nations Unies contre la Criminalité transnationale organisée * 375 Le corrompu peut, selon le cas, être un agent public ou privé pouvant intervenir dans le cadre de la facilitation de la commission des infractions ou dans le processus de prévention, de détection ou de répression des infractions considérées. La convention de Palerme, après les débats qu'a suscités l'incrimination de la corruption s'est axée sur la corruption des agents publics comme l'énonce les dispositions de l'article * 376ONUDC, Application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des Protocoles s'y rapportant : outils d'évaluation des besoins, Nations Unies, Vienne, 2017, p. 14 * 377 ONUDC, Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et protocoles s'y rapportant, Vienne, 2004 * 378 ONUDC, Convention des Nations Unies contre la Corruption, Vienne, 2004 * 379LUNTUMBUE Michel, Criminalité transfrontalière en Afrique de l'Ouest : cadre et limites des stratégies régionales de lutte. Note d'Analyse du GRIP, 9 octobre 2012, Bruxelles, p. 4 * 380 MOULAYE Zeïni, La problématique de la criminalité transnationale et le contrôle démocratique du secteur de la sécurité, FRIEDRICH EBERT STIFTUNG, Février 2014, p. 20 * 381 VLASSIS Dimitris, Current problems in the combat of transnational organized crime, in 108th International Seminar visiting experts' papers, RESOURCE MATERIAL SERIES No 54, United Nations, 2000, p. 68 * 382 ENACT, Indice du crime organisé en Afrique 2021 : Evolution de la criminalité dans le contexte de la Covid-19, Rapport ENACT, Novembre 2021, p. 55 ; BIRD Lucia et A., Gomes, Deep-rooted interests: Licensing illicit logging in Guinea-Bissau, The Global Initiative Against Transnational Organized Crime, mai 2021 * 383 Commission Ouest-Africaine sur les Drogues, Pas Seulement une zone de transit : Drogues, Etat et société en Afrique de l'Ouest, WACD, Juin 2014, p. 24 * 384 Commission Ouest-Africaine sur les Drogues, Pas Seulement une zone de transit : Drogues, Etat et société en Afrique de l'Ouest, WACD, Juin 2014, p. 8 |
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