WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La répression de la criminalité transnationale organisée


par Méa David Romaric ASSALÉ
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan - Master Recherche en Droit Privé Option Professions Judiciaires 2023
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 2 : pour la sécurisation des actifs et la protection du produit du crime

L'appât du gain reste et demeure la valeur fondamentale qui détermine les infractions de la criminalité transnationale organisée comme le reconnaissent les dispositions de la convention de Palerme. L'ensemble de l'organisation criminelle, son existence pour ainsi dire ne repose que sur l'objectif de générer le maximum de profit. Ce profit encore dénommé aux termes de la convention de Palerme « produit du crime » constitue l'actif du groupe criminel organisé, une sorte de gains ou de retour sur investissement cher aux yeux du groupement criminel. Au risque d'en être dépossédé, les groupes criminels organisés pensent des stratégies adéquates dans l'optique d'assurer la protection de ce patrimoine quitte à employer des moyens suffisamment ingénieux pour la sécurisation de cet actif. Ces moyens de protection du produit du crime se révèlent être financièrement et juridiquement avantageux pour les groupements criminels car permettant de limiter la traçabilité des mouvements financiers selon des modalités juridiques qui leur sont favorables et certaines techniques de dissimulation des finances illicites. Il s'agit notamment l'usage des systèmes financiers alternatifs comme le système des hawala (A) et l'ingestion du produit du crime dans les activités détournées (B).

A. L'utilisation de systèmes financiers informels : le Système des hawala

Les systèmes de transfert de fonds informels sont utilisés dans diverses régions du monde pour déplacer des capitaux au sein d'une économie ou d'un pays à l'autre en toute légalité parmi eux figurent les hawala qui comptent parmi les plus usités. L'hawala est l'appellation que prend ce système de transfert de fonds dans certaines régions du monde. Il faut cependant distinguer le système du terme hawala lui-même, qui signifie «transfert» ou «télégramme» dans le jargon bancaire arabe. Dans l'acception retenue ici, l'hawala désigne un réseau informel de transfert de fonds d'un lieu à un autre par le biais de courtiers, les hawaladars, quels que soient la nature de la transaction ou les pays impliqués.290(*)

Historiquement, les financements hawala sont un mode de transfert de fonds originellement apparus en Chine et sur le sous-continent indien en des temps reculés dans l'optique de protéger les marchands qui étaient trop souvent attaqué par des brigands sur la Route de la Soie291(*). L'hawala, « confiance » en arabe, est un système de transfert informel292(*) de fonds qui porte différents nom selon les régions où il est pratiqué : de fei'chien en Chine - littéralement « argent qui vole », à hundi en Inde en passant par padala aux philippines, hui kuan à Hong-Kong ou encore pheikwan en Thaïlande293(*). Il s'agissait depuis lors, d'une pratique courante dans le Golfe Arabo-persique et dans le sous-continent indien (zone à proximité de l'Inde) où il est dénommé Hundi dont la particularité reste la faible traçabilité des opérations et l'absence de flux financiers importants entre les frontières qui pourraient attirer l'attention.

À l'heure actuelle, elle est utilisée surtout par les membres des communautés expatriées294(*) en Europe, dans le golfe Persique ou en Amérique du Nord pour envoyer des fonds à leur famille restée sur le sous-continent indien, en Asie de l'Est, en Afrique, en Europe de l'Est, etc.Ainsi, de son usage traditionnel dont l'objet était la sécurisation des finances des commerçants utilisant la Route de la Soie, l'hawalaest progressivement devenu un moyen de transfert de fonds utilisé par les travailleurs émigrés pour envoyer à leur proches ou recevoir d'eux de l'argent avec des frais moindresà la différence «  des établissements occidentaux comme Western Union qui prennent des commissions beaucoup trop élevées. »295(*), et qui sont donc moins attrayant.

L'attrait de l'hawala s'explique par des facteurs économiques et culturels. Le système est moins onéreux, plus rapide, plus sûr car reposant sur la confiance mutuelle, plus pratique et moins bureaucratique que le secteur financier formel. Les hawaladars se rémunèrent en prélevant une commission ou en jouant sur la marge d'intermédiation. Les commissions qu'ils prélèvent sur ces opérations sont moins élevées que celles pratiquées par les banques ou d'autres institutions de transfert de capitaux, car leurs frais généraux sont réduits au minimum et les hawaladars, qui gèrent souvent d'autres petites entreprises, échappent aux coûts de la réglementation financière.296(*)

Le fonctionnement du système est relativement simple et aisé à comprendre. Il s'agit d'un système à transaction initiale et à transaction inverse. Dans ce système, un client au sein du pays A (CA) remet de l'espèce (argent) au courtier ou Hawaladar (HA) dans le même pays en échange d'un code d'identification. Ensuite, le client CA transmet le code d'identification à sa famille ou son parent vivant dans le pays B (CB) pendant que par un coup de fil, un fax ou un mail le Hawaladar du pays (HA) demande au Hawaladar présent dans le pays B (HB) de remettre de l'argent à la famille ou à la correspondance (CB) du client en échange du code d'identification. Cette opération est plutôt rapide et avoisine les 24 heures en termes d'exécution. Pour contrebalancer, l'opération est réalisée par la suite de façon inverse du pays B vers le pays A pour d'autres raisons, le plus souvent lorsqu'un parent décide d'envoyer de l'argent à son fils pour les études, par exemple.

En plus de servir dans le cadre de la sécurisation de finance ou du transfert de fonds à moindre coût, l'hawala a servi pendant quelques années à des causes humanitaires à l'effet de permettre à des familles séparées par des crises sécuritaires de ne point mourir de faim en leur permettant de recevoir de l'argent dans des pays « coupés en deux » par ces crises sécuritaires notamment en Syrie297(*).

D'origine purement informel et plutôt gratifiante permettant le transfert de fonds d'un pays à un autre, les hawala ont vu leur utilité pervertie à des fins illicites. En effet, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si cet instrument n'avait pas été pris en otage par quelques trafiquants de drogue, officiels corrompus, services secrets, blanchisseurs d'argent sale et autres terroristes298(*). Le particularisme du système hawalaa attiré les convoitises de groupements criminels en tout genre dans l'optique de faire circuler de manière illicite des fonds issus d'activité à la limite de la légalité et parfois d'activités constituant des infractions graves. En réalité, « si l'hawala est utilisée pour des transferts de fonds tout à fait légitimes, son caractère anonyme et ses formalités réduites au minimum en font un instrument privilégié pour ceux qui veulent détourner le système pour transférer des fonds destinés au financement d'activités illicites »299(*).

Un effort s'est engagé au plan international pour renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et chacun s'accorde à reconnaître qu'il faut, dans ce cadre, surveiller de plus près les systèmes informels de transfert de capitaux afin d'éviter leur dévoiement. Les autorités estiment que l'anonymat qu'offrent ces systèmes peut faciliter le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et qu'il faut trouver une solution à ce problème. Cependant, pour y répondre par une réglementation et une surveillance efficaces, elles doivent évaluer de façon réaliste l'environnement spécifique dans lequel ces systèmes informels fonctionnent afin de mieux les comprendre. La réglementation de ces systèmes n'en posera pas moins, dans bien des cas, des problèmes complexes. La diversité des systèmes juridiques et des contextes économiques nationaux rend toute approche uniforme impraticable sur le double plan technique et juridique. Dans certains pays, l'hawala est interdite : toute tentative visant à réguler ce système se trouvera, par conséquent, en porte-à-faux avec les lois et règlements en vigueur et sera interprétée par certains comme une légitimation des opérations de change parallèles et de la fuite des capitaux.

Ces systèmes informels gênent per ailleurs considérablement la surveillance de flux financiers et la lutte contre les pratiques financières illicites menées par des institutions comme le GAFI300(*) et entraverait la détection des flux illicites aux fins encore plus illicites.

En outre, la technique des transferts informels serait en l'occurrence un des modes de l'évasion fiscale. L'hawalane sert pas seulement à transférer des capitaux mais peut également s'avérer utile dans l'importation illégale de biens comme la contrebande de l'or.

De son lien étroit avec m'anonymat financier, l'hawala est un moyen devenu très prisé par les groupes criminels qui souhaitent « faire passer en douce » des fonds pour le financement de leurs activités illicites par-delà les frontières nationales et sert par ailleurs au blanchiment de capitaux et à la dissimulation d'avoirs illicites de même que certains autres stratégies de dissimulation de finances (B).

* 290EL-QORCHI Mohammed, «Hawala, How does this informal funds transfer system work, and should it be regulated», Finance & Development, a quarterly magazine of the IMF, volume 39, numéro 4,décembre 2002.

* 291 KUNTZ Christophe, Les systèmes informels de transfert de fonds: l'hydre des financements hawala, p. 1

* 292 Le système des Hawala est dit informel car il constitue un système de transfert de fonds qui ne passe pas par le canal des institutions financières classiques comme Christophe KUNTZ l'énonce dans son article intitulé : Les systèmes informels de transfert de fonds: l'hydre des financements hawala, p. 4

* 293EL-QORCHI Mohammed, «Hawala, How does this informal funds transfer system work, and should it be regulated», Finance & Development, a quarterly magazine of the IMF, volume 39, numéro 4,décembre 2002.

* 294 Financial Action Task Force (FATF), The role of hawala and other similar service providers in money laundering and terrorist financing, FATF/OECD, Paris, 2013, p. 13

* 295 KUNTZ Christophe, Les systèmes informels de transfert de fonds: l'hydre des financements hawala, p. 1

* 296EL-QORCHI Mohammed, Hawala, How does this informal funds transfer system work, and should it be regulated, Finance & Development, a quarterly magazine of the IMF, volume 39, numéro 4,décembre 2002.

* 297 UNFPA, UNFPA Cash Assistance to Support Individual Protection Needs: Northwest Syria, February 2021, p. 5

* 298 KUNTZ Christophe, Les systèmes informels de transfert de fonds: l'hydre des financements hawala, p. 1

* 299EL-QORCHI Mohammed, Hawala, How does this informal funds transfer system work, and should it be regulated, Finance & Development, a quarterly magazine of the IMF, volume 39, numéro 4,décembre 2002.

* 300 Le Groupe d'action financière GAFI est l'organisme mondial de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Il définit des normes internationales visant à prévenir ces activités illégales et les dommages qu'elles causent à la société.

précédent sommaire suivant






La Quadrature du Net

Ligue des droits de l'homme