La répression de la criminalité transnationale organiséepar Méa David Romaric ASSALÉ Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan - Master Recherche en Droit Privé Option Professions Judiciaires 2023 |
B. Une invulnérabilité de principe des autorités étatiques impliquéesL'un des principes de l'Etat de droit est l'égalité de tous devant la loi et la justice. Cependant, le système ou le jeu des immunités se présente comme une dérogation à ce principe fondamental en ce qu'il constitue une cause d'impunité qui, tenant à la situation particulière de l'auteur de l'infraction au moment où il commet celle-ci, s'oppose définitivement à toute poursuite, alors que la situation créant ce privilège a pris fin264(*). En ce sens, certaines personnes ou/et autorités sont soumis à un régime particulier qui impose que celles-ci ne soient pas traduites en justice après avoir commis une infraction tel est le cas de membres gouvernementaux, membres du parlement et d'institutions internationales265(*) Dans le cas précis de la criminalité organisée, le système des immunités conforterait une invulnérabilité de ces imminentes autorités et entités privilégiées vis-à-vis des poursuites qui pourrait être diligentées contre elles dans le cadre de leur implication. Certes le système des immunités tend à protéger dans certains cas des personnalités influentes et des autorités étatiques mais il est de principe que « Nul n'est au-dessus de la loi ». En ce sens, il arrive que certains acteurs étatiques influents revêtus d'immunités ou d'une simple influence générale n'échappent pas au filet de la justice qui s'évertue au mieux à lutter contre l'impunité et les infractions graves comme celles entrant dans le champ de la criminalité transnationale organisée. Vu sur cet angle cette invulnérabilité des acteurs étatiques ne serait que de principe. Ceci se perçoit notamment par des sanctions disciplinaires et judiciaires contre des autorités impliquées à travers l'Afrique. En janvier 2013, en Gambie, un tribunal spécial a condamné l'ancien inspecteur général de police (IGP) et deux anciens chefs des forces armées gambiennes à des peines de prison de 10 ans pour trafic de drogue (cocaïne), sédition, crime économique, corruption et vol, entre autres. Tandis qu'en août 2013, le Président du Libéria a démis de ses fonctions le Sous-directeur des Opérations de l'Agences libérienne de Lutte contre la Drogue - M. Albert CHELLEY - pour « violation sérieuses des procédures et de l'éthique du Gouvernement », violations qui incluent le complot avec des trafiquants nigérians en vue de faire transiter de l'héroïne par le pays et l'entrave à l'arrestation de trafiquants266(*). En Avril 2022, en Côte d'Ivoire, il a été procédé au démantèlement d'un réseau de trafic de cocaïne entre l'Amérique du Sud, la Côte d'Ivoire et l'Europe impliquant des acteurs étrangers mais aussi des acteurs nationaux et des acteurs étatiques qui occupaient des poste d'influence au sein du pays267(*). Comme l'admet le rapport ENACT ainsi que les études diverses de la commission Ouest-africaine sur les drogues, du centre africain d'étude stratégique de certains auteurs notamment Michel LUNTUMBUE268(*), les acteurs étatiques occupent une place importante dans la prolifération des activités criminelles sur le continent africain et en particulier dans la zone subsaharienne en se plaçant souvent comme acteurs. * 264CORNU Gérard, Vocabulaire Juridique, PUF, 12e édition, janvier 2018, Paris, p. 2090 version numérique * 265 Ils sont respectivement revêtus de l'immunité gouvernementale, de l'immunité parlementaire et de l'immunité de juridiction. * 266 Commission Ouest-Africaine sur les Drogues, Pas Seulement une zone de transit : Drogues, Etat et société en Afrique de l'Ouest, WACD, Juin 2014, p. 24 * 267 Le Monde Afrique, «Trafic de Cocaïne : « la Côte d'Ivoire est devenue un oint de transit très important » », publié le 21 juin 2022 à 20h00, modifié le 21 juin 2022 à 20h01. [En ligne] consulté le 09 mai 2023 sur https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/06/21/trafic-de-cocaine-la-cote-d-ivoire-est-devenue-un-point-de-transit-tres-important_6131435_3212.html * 268 Michel LUNTUMBUE est un diplômé de sciences politiques et relations internationales et connu pour ses travaux portant sur l'amélioration de la sécurité humaine, la prévention des conflits et le renforcement de l'état de droit dans les pays d'Afrique centrale et occidentale. Il est, par ailleurs, chargé de recherche au Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la sécurité fondé à Bruxelles en 1979. |
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