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La répression de la criminalité transnationale organisée


par Méa David Romaric ASSALÉ
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan - Master Recherche en Droit Privé Option Professions Judiciaires 2023
  

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Paragraphe 2 : La possible implication des autorités étatiques

Si tant est à dire que la criminalité transnationale organisée persiste en dépit des différents mécanismes législatifs, juridictionnels et institutionnels mis en place pour sa prévention et en particulier pour sa répression251(*), cette persistance serait explicitement due à des facteurs insuffisamment pris en compte dans la balance répressive. De ces facteurs, l'hypothétique implication des autorités étatiques et d'acteurs influents n'est nullement à exclure. Il ressort d'investigations et de rapports internationaux que la participation des autorités et de personnes influentes confèrerait renforcement des capacités organisationnelles des groupes criminels organisés et en faciliterait la prolifération.

C'est ainsi que l'on pourrait soupçonner les autorités étatiques d'être impliquées dans la prolifération et la subsistance de la criminalité transnationale organisée (A). Par ailleurs, ces autorités semblent être, de manière générale, invulnérables (B) en raison de l'influence dont elles disposent.

A. Une suspicion diversement confirmée

La bonne moralité rend difficile de concevoir que les représentants ou des membres influents d'un groupe quelconque soit à la base de son déclin ou de difficultés que ce groupe rencontrerait en raison du fait que leur mission première est d'oeuvrer en faveur de l'intérêt du groupe en mettant à son service l'ensemble de leurs aptitudes et des pouvoirs dont ils disposent. Cette mission d'importance capitale varie selon la taille, la vision et les objectifs du groupe considéré.

Cependant, le constat fait sur l'espèce de la criminalité transnationale organisée sur Etats Africains et en particulier Ouest-africain est tout autre252(*). En effet, les acteurs étatiques et autorités influentes ont été reconnus impliqués à bien de reprises dans la prolifération et la persistance des activités illicites qualifiées d'infractions graves au sens de la convention des nations unies contre la criminalité transnationale organisée à un tel point qu'ils sont considérés au même titre que les groupes criminels organisés comme acteurs de la criminalité organisée253(*).

La notion d'« acteur de la criminalité organisée », en se référant aux dispositions du projet ENACT254(*), définit toute personne physique ou morale intervenant dans l'élaboration, la facilitation, la réalisation et la dissimulation des infractions jugées graves dans l'optique de tirer un avantage pécuniaire ou un quelconque avantage matériel. Ainsi, tout individu ou entité morale qui s'entremet dans la réalisation, la préparation, la dissimulation ou la facilitation d'une activité criminelle organisée en est acteur à part entière. Dès lors, l'implication des autorités étatiques peut transparaître à différents niveaux allant d'une simple complicité par la facilitation des activités criminelles à l'action concrète en tant qu'instigateur ou participant.

Ce qui se perçoit notamment en se référant au support tapuscrit du séminaire destiné à la formation des responsables africains en matière de lutte contre la criminalité transnationale organisée255(*) qui énonce que : « la criminalité transnationale organisée est souvent facilitée par des crimes « passerelles » ou « habilitants » comme (...) la complicité de certains responsables gouvernementaux de haut niveau. »256(*), il est permis de déceler que la complicité des autorités étatiques notamment de responsables gouvernementaux dans la facilitation de la prolifération de la criminalité transnationale organisée n'est plus à débattre comme le confirme le rapport de l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime sur la criminalité transnationale organisée en Afrique de l'Ouest257(*). Participant à ces déductions l'Union Africaine au travers de l'un de ces éminents groupes de réflexions note que : « la corruption chez certains responsables africains de haut niveau est un facteur de la criminalité transnationale organisée. » 258(*) démontrant encore le poids que représente la participation des autorités étatiques et influentes sur la survivance de cette criminalité organisée endémique.

Aussi, dans l'un de ces rapports indépendants, la Commission Ouest-Africaine sur les Drogues fait état d'une conséquence notoire de cette alliance néfaste entre autorités étatiques et crime organisé lorsqu'elle énonce que : « les mesures d'interceptions des actions illégales sont entravées par les capacités limitées des services mais aussi des relations entre criminels et autorités étatiques »259(*) qui s'y confondent. Selon cette affirmation, l'implication des autorités étatiques dans le crime organisé se révèle être une entrave au bon fonctionnement des initiatives de répression menée à l'encontre des activités illicites et de leur commanditaires.

Par ailleurs, dans le paysage criminel à travers l'Afrique, les principaux vecteurs de la criminalité organisée sont les acteurs étatiques, qui favorisent des économies illicites sur tout le continent, voire y prennent part. Il a été observé que des acteurs de tous les échelons du pouvoir facilitent ou sont directement impliqués dans le crime organisé d'autant plus qu'aux niveaux inférieurs, la petite corruption fait des ravages260(*). Le cas de la Guinée-Bissau est un exemple des plus probants en ce qu'elle est impliquée depuis vingt ans dans le commerce de cocaïne à la fois en raison de sa localisation stratégique et de ses liens politiques et militaires avec ce commerce261(*). De plus, une implication gouvernementale y est constatée dans l'exploitation forestière262(*). En outre, sous d'autre auspice notamment au Sénégal, une combinaison de groupes armés, d'acteurs étatiques et d'entreprises étrangères déciment les forêts dans la région de la Casamance et autour de celle-ci263(*).

Des analyses portées sur la question de la criminalité transnationale organisée en Afrique et plus particulièrement en Afrique de l'Ouest, il est permis de déduire que les autorités étatiques participent activement à la prolifération et à la subsistance des groupes criminels organisés et de leurs activités dans lesquels ils sont souvent fortement impliqués. Vu l'influence et l'imminence des acteurs étatiques, il est à s'interroger sur la question de l'effectivité de leur sanction eu égard à leur implication dans le processus de prolifération des groupes criminels organisés et de leurs activités. L'effectivité de leur sanction ne serait-elle pas limitée sur la base de l'influence, des pouvoirs et de certaines immunités dont ils pourraient disposer leur permettant ainsi d'échapper à la justiceen leur conférant de facto une sorte d'invulnérabilité de principe (B)?

* 251 Voir infra (Chapitre 2 - Section 2 - Paragraphe 2)

* 252 Commission Ouest-Africaine sur les Drogues, Pas Seulement une zone de transit : Drogues, Etat et société en Afrique de l'Ouest, WACD, Juin 2014, p. 22

* 253ISS, Indice du crime organisé en Afrique 2021 : Evolution de la criminalité dans le contexte de la Covid-19, Rapport ENACT, Novembre 2021, p. 136

* 254 Le projet ENACT, ou Enhancing Africa's response to transnational organised crime, est une initiative mise en oeuvre par l'Institut d'Etude de Sécurité (ISS) en partenariat avec INTERPOL et l'initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC) qui vise à réduire l'impact de la criminalité transnationale organisée sur le développement, la gouvernance, la sécurité et l'état de droit en Afrique.

* 255Centre d'Etudes Stratégiques de l'Afrique, Séminaire sur la lutte contre la criminalité transnationale organisée, Niamey, du 13 au 17 janvier 2020

* 256, Ibid., p. 13

* 257 ONUDC, Criminalité transnationale organisée en Afrique de l'Ouest : Une Evaluation des Menaces, Vienne, Février 2013, p. 19

* 258 AU/ECA Conference of Ministers of Finance, Planning, and Economic Development, « Report of the High Level Panel on Illicit Financial Flows from Africa », disponible sur https://www.uneca.org/sites/default/files/PublicationFiles/iff_main_report_26feb_en.pdf, p. 43.

* 259 Commission Ouest-Africaine sur les Drogues, Pas Seulement une zone de transit : Drogues, Etat et société en Afrique de l'Ouest, WACD, Juin 2014, p. 8

* 260 ENACT, Indice du crime organisé en Afrique 2021 : Evolution de la criminalité dans le contexte de la Covid-19, Rapport ENACT, Novembre 2021, p. 121

* 261SHAW Mark & GOMES A., Breaking the vicious cycle: Cocaine politics in Guinea-Bissau, The Global Initiative Against Transnational Organized Crime, mai 2020, disponible sur www.globalinitiative.net/wp-content/uploads/2020/05/Guinea-Bissau_Policy-Brief_Final2.pdf.

* 262BIRD Lucia & A., Gomes, Deep-rooted interests: Licensing illicit logging in Guinea-Bissau, The Global Initiative Against Transnational Organized Crime, mai 2021, disponible sur www.globalinitiative.net/wp-content/uploads/2021/05/Deep-rooted-interestsLicensing-illicit-logging-in-Guinea-Bissau-GITOC.pdf.

* 263KANE, La destruction silencieuse des dernières forêts du Sénégal, ENACT Africa, 10 janvier 2019, disponible sur www.enactafrica.org/enact-observer/la-destruction-silencieuse-des-dernieres-foretsdu-senegal.

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