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La répression de la criminalité transnationale organisée


par Méa David Romaric ASSALÉ
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan - Master Recherche en Droit Privé Option Professions Judiciaires 2023
  

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B. Les modes juridictionnels

Pour la résolution des conflits de juridictions, la convention de Palerme admet l'éventualité d'un recours à certains modes de résolution faisant entrer en ligne de compte des juridictions à valeur internationale appelés modes juridictionnels. Ces modes de règlement de différends se font par l'intervention d'un organe ayant le pouvoir de prendre une décision obligatoire, sentence arbitrale ou arrêt112(*). Ils présentent, en outre comme caractéristiques qui les distinguent des modes diplomatiques (voir supra), le fait qu'ils tranchent le différend juridique en appliquant le droit. Le règlement juridictionnel aboutit à une sentence juridiquement obligatoire pour les parties dont la violation engagerait la responsabilité de l'auteur de cette violation113(*).C'est ainsi que les législations internationales et nationales prévoient un recours aux juridictions sous deux angles. Le premier est consacré à l'arbitrage institutionnel interétatiqueet le second au règlement judiciaire par la saisine d'une juridiction supérieure114(*).

L'arbitrage est une mode ancien de règlement des différends internationaux qui par sa souplesse115(*) préserve la liberté des Etats. Selon le cas, il se présente sous différentes formes. Il est perçu autant dans les relations interétatiques que dans les relations entre acteurs de droit privé.

Dans le cadre des relations interétatiques, il constitue un mode de règlement juridictionnel des différends interétatiques et transnationaux par des arbitres, choisis par les parties, chargés de rendre une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée116(*). Dans le cadre de ces relations types, à moins de résulter d'un traité d'arbitrage ou d'une clause compromissoire antérieure au différend, la saisine de l'organe arbitral intervient par l'intermédiaire d'un compromis d'arbitrage. Ce compromis d'arbitrage correspond à un acte consensuel par lequel sont établies les modalités de fonctionnement de l'organe arbitral notamment la compétence des arbitres, l'organisation du tribunal, les règles de procédures et de fond qui devront être respectées et de désignation des arbitres.Le compromis d'arbitrage constitue la « charte constitutive » du tribunal arbitral ; il va à la fois fonder - mais aussi peut-être limiter - sa compétence. D'où la très grande importance de l'interprétation par les arbitres du compromis d'arbitrage117(*).

Prévue par l'alinéa 2 de l'article 35 de la convention de Palerme, principal instrument juridique mondial de la lutte contre la criminalité transnationale organisée, l'arbitrage est le premier mode juridictionnel admis en cas d'échec de la résolution au moyen de la négociation des différends qui pourraient opposer les Etats aux lendemains de l'établissement de la convention de Palerme en l'occurrence en cas de survenance d'un conflit de juridictions relatif à l'application de ladite convention. Dans ce cas-ci, il s'agit d'un arbitrage tenu sous l'égide d'une juridiction indépendante garantissant une égalité des pays vis-à-vis de leurs prérogatives réciproques. Cette forme d'arbitrage encore appelée arbitrage institutionnel est celle qui s'opère suite à la saisie d'une juridiction spécialisée en la matière ou d'une juridiction admettant une chambre spéciale qui y est dédiée à l'effet de proposer aux parties des arbitres. C'est notamment le cas de la Cour Permanente d'Arbitrage118(*) (CPA) qui est l'une des plus réputée dans le domaine arbitral au plan international.

En acceptant l'arbitrage, les Etats acceptent le risque de ne pas avoir gain de cause bien que la procédure soit non-exécutoire.

Comme l'énonce les dispositions de l'article 35 de la convention de Palerme si les Etats ne parviennent pas dans les six (6) mois à résoudre la situation conflictuelle au moyen de l'arbitrage, il leur est octroyé la possibilité de saisir la Cour Internationale de Justice (CIJ).

La saisine de la Cour Internationale de Justice (CIJ) constitue le second mode juridictionnel qui consiste au règlement judiciaire du conflit de juridictions. La Cour Internationale de Justice est l'organe judiciaire principal de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies119(*) et a entamé son activité en Avril 1946. Elle a pour mission de régler, conformément au droit international, les différends d'ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats et de donner des avis consultatifs sur les questions juridiques que peuvent poser les organes et les institutions spécialisées de l'Organisation des Nations Unies autorisés à le faire120(*). De là se distinguent ses deux fonctions à savoir la fonction consultative et la fonction contentieuse.Dans l'espèce du conflit de juridictions, c'est à la fonction contentieuse que les Etats se réfèrent pour le règlement du litige qui les oppose.

Composée de quinze (15) juges, qui sont élus pour un mandat de neuf (9) ans par l'assemblée générale et le conseil de sécurité des Nations Unies parmi les juges issus des pays membres du conseil de sécurité. Toutefois, il est admis qu'un Etat partie au litige et n'ayant pas de représentation dans le conseil de sécurité choisisse un juge ad hoc pour siéger dans une logique équité.Pour statuer, la cour est saisie par les Etats parties aux statuts121(*) soit en amont en respect d'une clause compromissoire ou en aval à la suite de l'échec des autres mode de règlement de différends à la suite de quoi elle est amenée à statuer en session plénière ou dans certains en formation de 3 ou 5 juges. Les arrêts rendus par la cour sont dit impartiaux et très motivés en s'appuyant sur les règles intervenant dans la matière qui leur est soumis et les principes du droit international

Par ailleurs, la Côte d'Ivoire dans ses textes admet la possibilité de recourir à une juridiction supérieure à l'effet de trancher un différend opposant des juridictions de même degré. En effet, cette mesure portant le nom de Règlements de Juges122(*) est codifiée selon les articles 662 à 666 du code de procédure pénale123(*) en matière pénale et l'article 119 du code de procédure civil124(*). Ainsi, transposition de ces dispositions dans l'ordre international reviendrait à saisir une juridiction supérieure internationale à l'effet de trancher le conflit de compétences juridictionnelles opposant les juridictions de plusieurs pays embrigadées dans la même affaire.

Au vu de ce qui précède, l'un des défis posés en matière criminalité transnationale organisée et intimement lié à son caractère transnational reste le chevauchement de compétences juridictionnelles qui intervient dès que le processus répressif de l'infraction transnationale doit être mis en oeuvre. Ce chevauchement est source de conflits aucunement bénéfiques pour la procédure de répression et les relations entre les Etats d'où la nécessité d'y apporter des solutions adéquates à valeur préventives ou curatives. Toutefois, des perspectives de solutions l'approches diplomatiques reste beaucoup plus avantageuse125(*) car renforçant l'idéal de coopération entre Etats.

En outre, le caractère transnational de la CTO loin de n'influer que sur la détermination de la juridiction suffisamment compétente pour diriger la procédure répressive impacte aussi la procédure elle-même notamment son adaptabilité à la menace actuelle et innovante que la CTO représente.

* 112 MARTIN-BIDOU Pascale, Les modes juridictionnels de règlement des différends internationaux dans Fiches de Droit International Public, Ellipses, 3e Edition, 2017, p. 196

* 113 Ibid.

* 114 Cf. Article 35 alinéa 2 de la convention des nations unies contre la criminalité transnationale organisée

* 115 L'Arbitrage est dit « souple » dans la mesure où il est marqué du sceau du consensualisme.

* 116GUNICHARD Serge, DEBARD Thierry, Lexique des termes juridiques, DALLOZ, 25e Edition, 2017, p. 181 (Version numérique)

* 117 CARREAU Dominique et MARELLA Fabrizio, Droit International, Editions A. Pedone, 11e Edition, 2012, p. 650

* 118 Créée par une convention en 1899, la Cour Permanente d'Arbitrage est une organisation intergouvernementale offrant à la communauté internationale un large éventail de prestations pour le règlement de différends notamment l'administration d'arbitrage.

* 119 Cf. Article 7 de la Charte des Nations Unies

* 120 La Cour | COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE disponible sur https://www.icj-cij.org/fr/cour consulté le 27 mai 2023 à 17 h 19 minutes

* 121 Les Etats membres de l'ONU sont automatiquement partie au statut de la cour international de justice. Cf. Article 7 de la Charte des Nations Unies.

* 122 Le règlement de juges désigne au regard du vocabulaire juridique l'Expression servant traditionnellement à désigner la procédure et la décision consécutive permettant de résoudre un conflit entre deux ou plusieurs juridictions entendant toutes connaître d'une affaire (conflit positif) ou, au contraire, refusant toutes d'en connaître (conflit négatif) ; expression, aujourd'hui abandonnée par le législateur pour désigner telle ou telle procédure particulière dans l'ensemble des modes de règlement des conflits de compétence.

* 123Loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 modifié par la loi n°2022-192 du 11 mars 2022 portant code de procédure pénale

* 124 Loi n°72-833 du 21 décembre 1972 portant code de procédure civile, commerciale et administrative modifiée par la loi n°97-517 du 04 septembre 1997, la loi n°2015-835 du 18 décembre 2015 portant ratification de l'ordonnance n°2015-364 du 20 mai 2015, la loi n°2019-988 du 27 novembre 2019 portant ratification de l'ordonnance n°2019-586 du 3 juillet 2019 et la loi n°2020-66 du 10 septembre 2020 portant ratification de l'ordonnance n°202-381 du 15 avril 2020

* 125 CAFLISCH Lucius, Documents de cours : Règlement pacifique des différends internationaux, Division de la codification du bureau des affaires juridiques des Nations Unies, La Haye, Pays-Bas, 2014 p.16

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