L'exigence d'information du public en droit public financier camerounaispar Donylson Brown Seudieu tchinda Université de Ngaoundéré - Master 2 recherche 2021 |
3 INTRODUCTION GENERALELes appels pour plus de libertés, de justice et de vérité ont été au coeur des revendicationsayant entrainéles vagues de démocratisation dans le monde et en particulier en Afrique. Ce faisant, plusieursEtats africains, ont vécu des mouvements en faveur de plus dedignité, de justice sociale ainsi que des gouvernements qui soient au service du peuple et obligés par des principes de transparence, de respect des droits et de reddition des comptes. Le droit à la liberté d'expression et sont indissociable corollaire, la liberté d'information, constitue des prérequis indispensablesà une gouvernance administrative et financière efficace. Ce droit se fonde sur l'article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme, qui garantità tous « le droit de chercher, de recevoir et de répandre les informations et les idées par quelques moyens que ce soit ». Sous ce rapport, l'information du publicdevientessentiellepour la bonne gouvernance, permettant ainsi d'évaluer la gestion démocratique et l'ouverture d'une sociétéà la participation des citoyens. Cet accèsà l'information leur permet d'évaluer les actions des institutions et gouvernement, constituant ainsi la base pour un débat équilibré. Dans ce sens, les finances publiques, définies comme le« nerf de l'Etat »1(*) se conçoivent comme les moyens par lesquels les réalisations de la vie dans la société sont possibles. Ellesconstituentl'ensemble de règleset principesclés du système sociétale d'un Etat. L'analyse des dispositionsd'un ensemble d'instruments internationaux 2(*) et en particulier celles du Code de bonnes pratiques en matière de transparence3(*) met en exergue le fait que la gestion financière doit aussi permettre la matérialisation de la transparence4(*). Mais cette transparence qui a pour fondementprincipal l'information du public, ne peut qu'êtrelégitimée par une volonté manifeste dulégislateur de produire des règles en la matière. C'est à cet effet que résulte la mise en place des structuresàcompétencesfinancières au sein de l'Etat, qui à travers l'information du publicsont susceptibles d'écarter l'administration publique de pratiques frauduleuses et permettre la participation du citoyenà la gestion de la cité. Car tous ceux qui étudient la gestion des finances publiques font le constat que c'est un domaine où l'on voit la vertu la plus intransigeante côtoyerles manipulations les moins orthodoxes5(*). Cette nécessité de transparence dans la gestion des financespubliquesapparaîtincontestablement comme l'impératif de partage de l'informationfinancière publique, qui résulte de la transposition ausecteur public des méthodes de gestion financière du secteur privé. Il s'agit ici d'un nouveau paradigme impulsé par la réforme de la gestion des finances publiquesqui a été amorcée par la loi du 26 décembre 20076(*) et qui s'est poursuivie àtraversles loisde 2018, portant respectivement Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun etRégime financier de l'Etat et des autresentitéspubliques, fruits des impératifs des directives de laCEMAC de 20117(*). Par ailleurs,l'attachement du Camerounà la réalisationd'une harmonisation de la gestiondes finances publiques dans la zone CEMAC là conduità une véritable transposition des directives du cadre harmonisédes finances publiques de cette communauté. La CEMACapparaît comme le véritablecadrede transparence et par conséquent de l'impératif d'accèsà l'information financière du public. Bien plus, ce cadre est le fondement de la réforme de la gestion des finances publiques bien qu'élaboré sous la pression des bailleurs de fondsinternationaux quiprônaient ainsi la bonne gouvernance financière.Il ressort d'une analyse globale le constat d'unerévolutionculturelle en matière de gestion des finances publiques dans laquelle l'obligation de performance et l'obligation de transparence sont de plus en plus consolidées. Plus encore, cet impératif d'information du public8(*) en matière de gestion desfinances publiques, du fait de la transposition des règles de base du management des organisationsà la gestion administrative,impose la responsabilitédes acteurs vis-à-vis du public ou mieux vis à vis du citoyen et de ses représentants. L'exigence de transparence apparaît donc comme un véritablebouleversementculturel pour les gestionnaires du secteurpublic. De ce fait,elle constitue un catalyseurde l'information enmatière definances publiques. C'est dire qu'il ne saurait avoir de transparence sans exigenced'information9(*). Dès lors, cette dernière aura pour objectifd'assainirlagestiondes financespubliques.Laréalisation de l'informationfinancière publique à travers le droit apparaît alors comme un mécanismeimportant dans un Etat ou la mal-gouvernance financière semblecourante dans chaque acte de la vie publique. Ainsi,étudier le principe d'information du public en droit public financier nécessite aupréalablela délimitationducadre de travail(I), laconstruction de l'objet(II) et l'éclaircissement des éléments de conduite(III) de cette étude. I- LE CADRE DE L'ETUDELe cadre d'étude constitue la délimitation globale du sujet. Il renvoie à la fois à son aspect conceptuel quienvisage la définition des notions clés du sujet (A), à la détermination de son cadre scientifique encore appelé cadre matériel(B) et, éventuellement, à la précision deson cadre spatio-temporel(C). A- Le cadre conceptuelLe cadre conceptuel de l'étudeconsiste àéclaircir les termes-clés qui sous-tendent l'intitulé du sujet. C'est un exercice de définition, et de délimitation dont l'importance ne se résume pas seulementà un besoin théorique10(*),mais aussi de pratique. Ilapparaîtcourant en science du droit que bon nombre de concepts et de notions n'ont pas de contenu claire ou univoque d'une discipline à une autre, ou encore au sein d'une mêmediscipline. C'est ce qui se manifeste implicitement dans les notionsd'exigence (1), d'information(2)de public (3) et de droit public financier (4)dans notre cadre d'étude. 1- L'exigenceUtilisée de manière récurrente dans le langage courant et juridique, la notion d'« exigence » tire ses origines du latin « exigentia » et du verbe « exiger »11(*). Cette notion se définit comme l'action d'exiger, de réclamer, de requérir. Elle est aussi appréhendée comme le synonyme de nécessité ou de contingence.12(*). Dans le cadre de cette étude, la notion d'exigence est appréhendée comme la créance c'est à dire l'obligation, la nécessité ou encore le devoir de donner, de ne pas donner, de faire ou de ne pas faire. * 1 Définition proposée par Jean BODIN en 1576 dans La République, cité par BUISSSON (J), Finance publique, Dalloz, 15e éd., 2012, p.3. * 2 Ces instruments sont entre autres la Convention des Nations Unis contre la corruption du 10 décembre 2003, la Convention sur la lutte contre la corruption d'Agent public étranger dans les transactions commerciales internationales de 1997et la Convention sur la prévention de la lutte contre la corruption adoptée par les Chefs d'Etats et de gouvernements de l'Union Africaine, le 12 juillet 2003. * 3 Adopté en 1998 sous le label de « standards internationaux de la bonne gouvernance », ce code a été suivi de l'élaboration par le FMI du manuel de transparence dans la présentation des données de finances publiques ainsi que le manuel de statistiques des finances publiques. * 4 Cf BAGAGNA (B), « Le principe de transparence dans les finances publiques des Etats membres de la CEMAC », RAFIP, n°2, 2017, p .186. * 5 SEGUIN (P), « les juridictions financières dans la modernisation de la gestion publique », RFDA,2007, p.440. * 6 « Loi n°2007/006 du 26 décembre 2007, portant régime financier de l'Etat ». * 7 En rapport avec les directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la CEMAC adoptes dans le sillage de la réforme de la gouvernance financière. * 8 L'information du public, qu'il s'agisse du parlement, du simple citoyen ou du contribuable, participe au respect de l'exigence de transparence dans la gouvernance tant prônée par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale au terme de la crise financière des années 1980. * 9 Cf chapitre 8 de la loi n° 2018/011 du 11 juillet 2018, portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun. * 10EISENMANN (CH), Cours de droit administratif, T.2, Paris, LGDJ-Lextenso,2014, p.799. * 11CORNU (G), Vocabulaire juridique, PUF,2018, « exigence », Pp.942-943. * 12 Ibid. |
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