B/ FONDEMENTS JURIDIQUES DU SAUVETAGE MARITIME EN DROIT
FRANÇAIS
Le sauvetage maritime est étroitement lié
à l'obligation de secours en mer, une règle applicable aux
activités humaines en mer qui sont elles-mêmes soumises à
l'ensemble des règles relatives à l'utilisation des espaces
maritimes par les sujets du droit international, au premier rang desquels
figurent les États. La CMB définit les différents espaces
maritimes et leur délimitation, mais détermine également
le régime juridique qui leur est applicable, c'est-à-dire les
droits et devoirs des États dans ces espaces. Les États
souverains ayant progressivement cherché à étendre leur
emprise sur des zones de plus en plus éloignées de leurs
côtes, la mer se trouve ainsi au centre d'enjeux géopolitiques.
À l'origine coutumières, ces règles ont été
progressivement codifiées, notamment dans des conventions
internationales et aussi à l'échelle nationale, qui
définissent précisément le cadre juridique dans lequel
doit s'inscrire l'obligation de secours en mer menée dans les mers et
les océans.
B.1 OBLIGATION DE SECOURS EN MER
Dimension juridique internationale / Dimension
juridique nationale / Responsabilités du
sauveteur
Dimension juridique internationale
L'obligation de prêter assistance est une obligation
essentielle du droit maritime. Ce dernier consistait autrefois en un ensemble
de règles coutumières, la `lex maritima'. Il existe
plusieurs conventions internationales qui régissent le sauvetage en mer
et qui rappellent l'obligation de porter secours. Sur le plan international,
l'obligation de secours en mer a connu une évolution juridique car elle
pèse sur les capitaines de navires mais aussi sur l'Etat côtier et
l'Etat du pavillon d'un navire. La première convention internationale
réellement importante date du 23 septembre 1910, entrée en
vigueur le 1er mars 1913 et ratifiée par 83 pays. Signée à
Bruxelles, elle a unifié certaines règles en matière
d'assistance et de sauvetage maritimes.
« Prêter assistance à toute personne,
même ennemie, trouvée en mer en danger de se perdre
» Article 11 de la Convention de Bruxelles
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Cette obligation a depuis été retranscrite dans
l'article 12 de la Convention de Genève sur la haute mer du 29
avril 1958, puis reprise dans la CMB. La Convention de Montego Bay
s'inscrit dans la continuité de ce que prévoyait la
Convention de Bruxelles de 1910. Par exemple, la CMB prévoit
que les Etats côtiers doivent participer au sauvetage par la
création d'un service spécialisé et également
collaborer en la matière avec les Etats voisins. Cette disposition est
corroborée en novembre 1974 par la Convention SOLAS qui précise
aux termes de la règle 7 du chapitre V que les Etats ont l'obligation de
prendre des mesures dans leurs zones de responsabilité. Prévoyant
ainsi un service de sauvetage disposant de moyens de communication, de
détection, ainsi que du matériel. Il restait alors à
définir ces moyens et les uniformiser à l'échelle
internationale.
C'est ainsi que la Convention internationale sur la recherche
et le sauvetage maritime consacrée spécifiquement aux
opérations de secours en mer, fut adoptée par l'OMI le 27 avril
1979 à Hambourg en 1979 et entrée en vigueur le 22 juin 1985.
Cette Convention SAR, modifiée en 2004, regroupe 111 États
Parties et dispose que les Etats doivent fournir une assistance à toute
personne en mer, puis oblige les États à assurer les premiers
soins médicaux aux naufragés ainsi que les mettre dans un lieu
sûr, en précisant que ni la nationalité, ni les
circonstances dans lesquelles cette personne a été trouvée
en mer, ne doivent être prises en compte au moment du sauvetage. Son
objectif est de permettre non seulement une coopération et une
coordination de l'action des États en matière de secours en mer
mais aussi de favoriser la coopération entre les organisations de
recherche et de sauvetage du monde entier et entre tous ceux qui participent
à des opérations de recherche et de sauvetage en mer. Les
amendements de 2004 à l'Annexe de la Convention ont consacré une
obligation de débarquement en lieu sûr. En adhérant
à la Convention, les États acceptent de définir un espace
géographique de recherche et de sauvetage appelé zone SAR et de
mettre en place un ou plusieurs Centres de Coordination et de Sauvetage, les
MRCC qui sont en France les CROSS.
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Sur le plan pratique, la convention SAR a donc permis de :
- Mettre en place un cadre international d'organisation des
opérations de recherche et de sauvetage des personnes en
détresse
- Créer des MRCC connectés au
système mondial de détresse et de sécurité en
mer
La Convention SAR organise également les zones de
sauvetage, point de départ de la mise en jeu de la responsabilité
des États, en exigeant que les opérations de recherche et de
sauvetage soient menées par le pays dont dépendent les eaux
territoriales où l'embarcation en détresse est
repérée, ou qui assure la responsabilité de la
région de recherche et de sauvegarde dans laquelle l'assistance doit
être prêtée.
Par ailleurs, la Convention internationale pour la
Sauvegarde de la Vie Humaine en Mer (SOLAS) est adoptée par l'OMI
le 1er novembre 1974 et entre en vigueur le 25 mai 1980. Il rassemble 121 Etats
parties. L'idée de l'élaboration d'une convention internationale
relative à la sécurité des navires en mer naît suite
au drame du Titanic en 1912. Elle impose d'importantes obligations aux
États en matière de recherche et de sauvetage. Ils s'engagent
notamment à veiller sur les côtes et à fournir les
renseignements concernant les moyens de sauvetage dont ils disposent. La
Convention SOLAS impose aussi à tout navire d'avoir à bord le
personnel, en nombre et en niveau de qualification, afin de garantir la
sécurité du navire et des personnes à bord. Cette
réglementation impose également des obligations de veille
nécessaire pour effectuer toutes les manoeuvres qui peuvent être
demandées pour déplacer un navire éventuellement
menacé par un sinistre à quai ou autre navire à
proximité. Elle précise que les équipages doivent
être organisés et formés pour être en capacité
de faire face aux différents types de sinistres et mettre en oeuvre de
manière concertée et collective les différents
équipements et installations du navire. Les capitaines doivent alors
s'assurer que cette formation a bien été dispensée
auprès des équipages et réaliser les instructions et les
exercices nécessaires.
L'Obligation des capitaines de navire de se porter à
toute vitesse au secours des personnes se trouvant en détresse en mer
est contenue dans le chapitre V, Règle 33 : « le capitaine d'un
navire en mer qui est en mesure de prêter assistance et qui
reçoit, de quelque source que ce soit, une information indiquant que des
personnes se trouvent en détresse en mer, est tenu de se porter à
toute vitesse à leur secours, si possible en les informant ou en
informant le service de recherche et de sauvetage ». Cette
obligation
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qui incombe au capitaine d'un navire est aussi contenue dans
la CMB qui rappelle dans l'article 98, le devoir de secourir quiconque est
trouvé en péril en mer et ce même article impose que les
Etats côtiers facilitent la création et le fonctionnement d'un
service permanent de recherche et de sauvetage.
Le droit international n'impose pas l'obligation de
débarquer promptement dans le port le plus proche mais de
débarquer promptement dans un lieu sûr. L'obligation principale
d'un État signataire de la convention SAR est de trouver rapidement un
lieu sûr de débarquement (Cf.50)
puisqu'au chapitre 3 § 3.1.9, il est précisé
que « La Partie responsable de la région de recherche et de
sauvetage dans laquelle une assistance est prêtée assume au
premier chef la responsabilité de veiller à ce que cette
coordination et cette coopération soient assurées, afin que les
survivants secourus soient débarqués du navire qui les a
recueillis et conduits en lieu sûr, compte tenu de la situation
particulière et des directives élaborées par
l'Organisation. Dans ces cas, les Parties intéressées doivent
prendre les dispositions nécessaires pour que ce débarquement ait
lieu dans les meilleurs délais raisonnablement possibles ».
L'obligation de coopération et d'assistance de tous les
États se retrouve chapitre 3 § 3.1.9, il s'agit d'un principe de
solidarité avec un autre État signataire : « Les Parties
doivent assurer la coordination et la coopération nécessaires
pour que les capitaines de navires qui prêtent assistance en embarquant
des personnes en détresse en mer soient dégagés de leurs
obligations et s'écartent le moins possible de la route prévue,
sans que le fait de les dégager de ces obligations ne compromette
davantage la sauvegarde de la vie humaine en mer ».
Enfin, les obligations de secours en mer sont également
contenues dans le Règlement de l'Union européenne n°
656/2014 du 15 mai 2014 qui s'applique à tous les États membres
de l'Union européenne. Le Règlement de l'Union Européenne
concerne les mesures de contrôle des frontières des États
ainsi que l'assistance les obligeant à secourir des personnes en
détresse quelle que soient leur statut ou leur nationalité,
conformément au droit international.
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Dimension juridique nationale
Le sauvetage en mer relève en France de l'action de
l'Etat en mer est donc géré par le secrétariat
général de la mer (SGMer) qui gère le rapport militaire
à la mer et diffère du secrétariat d'État de la mer
qui s'occupe des différentes délégations ou directions en
lien avec la mer, la fonction publique d'Etat ou territoriale mais pas
militaire (Cf.34). Le SGMer est créé
par le Décret n° 95-1232 du 22 novembre 1995. Sous
l'autorité du premier ministre, il constitue l'élément
essentiel de la coordination de la politique maritime de la France.
Le sauvetage maritime est réglementé par
différents codes juridiques en France, tels que :
- Le Code de la sécurité intérieure qui
contient des dispositions concernant les missions des services de secours, y
compris les opérations de sauvetage maritime,
- Le Code général des collectivités
territoriales, notamment les articles L1424 et R1424,
- Le Code des transports qui comprend des dispositions
spécifiques relatives à la sécurité en mer, aux
secours et aux sauvetages maritimes et notamment le Livre V du Code des
transports (sa partie réglementaire). Ce texte réglementaire
précise les conditions d'organisation des opérations de sauvetage
en mer, notamment en ce qui concerne les moyens techniques, les
compétences requises et les responsabilités des différents
acteurs.
- Le Code de la sécurité intérieure et
ses articles L711-1, L721, L722-1 et L723.
Ces codes établissent les règles et les
responsabilités des acteurs impliqués dans les opérations
de sauvetage en mer. Toutefois, il existe d'autres sources en droit interne,
parmi les textes nationaux de référence, le sauvetage maritime
est constitué en application :
- De la Loi n°2004-811 du 13 août 2004 de
modernisation de la sécurité civile,
- Du Décret n°90-850 du 25 septembre 1990
modifié portant dispositions commues à l'ensemble des
sapeurs-pompiers professionnels,
- Du Décret n° 2004-112 du 6 février 2004,
relatif à l'organisation de l'action de l'Etat en mer,
- Du Décret n° 2022-557 du 14 avril 2022 modifiant
diverses dispositions relatives aux sapeurs-pompiers,
- De l'Arrêté du 22 août 2019 relatif aux
formations des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.
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Enfin, les instructions et circulaires émises par les
autorités compétentes sont également des textes nationaux
de référence. Les autorités maritimes françaises,
telles que la préfecture maritime, peuvent émettre des
instructions et des circulaires pour encadrer les opérations de
sauvetage en mer et en préciser les modalités pratiques.
Responsabilités du
sauveteur
Avant l'apparition et le développement des technologies
modernes, il était dangereux de porter secours en mer. Il était
difficile de déterminer avec précision la vitesse d'un bateau, de
prévoir la force des vents, de repérer un plateau rocheux ou une
victime en mer etc. Les sauveteurs devaient faire preuve d'audace et se fonder
sur les rares connaissances communes ou sur les quelques outils disponibles
(jumelles, bouée, grappin). Par conséquent, les obligations qui
incombaient aux sauveteurs ne relevaient pas d'un cadre juridique
précis.
Au fil des années, des ajustements législatifs
ont été apportés pour améliorer la coordination des
opérations de sauvetage en mer et renforcer la sécurité
maritime. L'évolution juridique des modes de sauvetage maritimes en
France s'est manifestée par exemple, par des réglementations plus
spécifiques mises en place concernant l'utilisation des moyens
techniques, les qualifications des sauveteurs et la coopération entre
les différents services impliqués. Toute intervention
opérationnelle des spécialistes en sauvetage aquatique fait
désormais l'objet d'une autorisation du CROSS, le cas
échéant, qui en valide les limites (durée, lieu, mission).
La mission et ses limites, fixées par le CROSS, peuvent être
refusées par le nageur-sauveteur aquatique ou le responsable d'une
embarcation si les conditions de sécurité ne sont pas remplies
et/ou si le cadre réglementaire n'est pas respecté. Le sauveteur
à la nage, comme le sauveteur embarqué garde son libre arbitre en
toute circonstance pour refuser son engagement, tout refus d'engagement devant
être justifié par une mise en danger. Lors de son engagement, le
sauveteur aquatique apprécie en tout temps la faisabilité de sa
mission. Le cas échéant, il peut écourter sa mission ou y
mettre fin en cas de difficultés particulières. Pour les missions
effectuées dans les eaux maritimes, sous l'autorité du CROSS, le
chef de bord sauveteur côtier demeure le responsable technique de la
mission et reste la seule habilité à juger de la
sécurité des actions qui relèvent de son autorité.
Il peut, à tout moment, décliner la mission qui lui a
été confiée par le CROSS
(Cf.49). L'obligation de secours en mer est une
obligation de moyens. Telle que consacrée à l'article 98 de la
CMB, il apparaît que
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l'obligation de prêter assistance aux personnes en
détresse en mer n'est pas absolue. D'une part, elle est limitée
lors de l'opération de sauvetage, par le risque auquel pourraient
être exposés un navire, l'équipage ou les passagers ou par
la mise en danger manifeste d'un sauveteur à bord d'un navire de
secours. D'autre part, ladite opération ne doit être
effectuée par le capitaine d'un navire que « pour autant que
cela lui est possible ». À ce titre, l'obligation de secours
peut être définie comme une obligation de moyens. Mais c'est
également une obligation de diligence due : les instruments de l'OMI
prévoient en effet que les États doivent prendre toutes les
mesures requises pour qu'une assistance soit fournie aux personnes en
péril en mer et doivent coordonner les opérations de
sauvetage.
En somme, sur le plan juridique, la responsabilité d'un
sauveteur en France peut être engagée et un même fait peut
relever à la fois d'une juridiction civile et d'une juridiction
pénale. Par définition, toute personne qui cause un
préjudice à autrui est, en principe, tenue d'indemniser la
victime. Toutefois, la victime ne pourra obtenir une indemnité
qu'à la triple condition d'apporter la preuve du préjudice subi,
d'apporter la preuve de la faute du sauveteur et de prouver le lien de
causalité (de cause à effet) entre cette faute et son
préjudice. En cas de préjudice occasionné lors d'une
intervention, du fait de l'obligation de moyen, c'est au plaignant que revient
la charge de la preuve car elle incombe à la partie adverse pour engager
la responsabilité du sauveteur. Les préjudices occasionnés
ne sont justifiables que par la nécessité opérationnelle.
Le dommage doit cependant être certain, direct et personnel et
également porter atteinte à la santé (préjudice
corporel) ou éventuellement un bateau (préjudice
matériel). Quant à la faute, elle doit consister pour l'auteur du
dommage, à avoir fait ce qui est interdit ou bien à n'avoir pas
fait son devoir.
Par exemple : Un accident a lieu sur des rochers parce-que le
sauveteur n'a pas fait preuve de prévention. Il n'a pas répondu
à son devoir de conseil. Autre exemple : Le sauveteur blesse un baigneur
lors d'un départ de plage pour une intervention. La faute peut toutefois
résulter d'un cas de force majeure, d'un cas fortuit ce qui
exonère le sauveteur de toute responsabilité. Depuis un
arrêt du Conseil d'Etat datant du 29 avril 1998 dit COMMUNE DE HANNAPES,
le Conseil d'Etat retient la responsabilité de la commune pour faute
simple, en cas de défaillance d'un service de secours. La
responsabilité de la puissance publique peut être engagée
sur le terrain de la faute simple, l'engagement de la responsabilité de
l'administration était autrefois subordonné à l'existence
d'une faute lourde. En
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l'espèce, le Conseil d'Etat a estimé que
« dès lors qu'il n'est pas établi qu'une
défaillance est imputable à un cas fortuit, ce retard est
constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de
la commune ». Si la faute résulte d'une négligence de
la victime, cela exonère également le sauveteur de toute
responsabilité. C'est le cas pour une baignade en dehors des zones de
surveillance ou lorsque la flamme rouge est hissée.
Il convient enfin de préciser que lorsque la loi
pénale le prévoit, il y a délit en cas d'imprudence, de
négligence ou de mise en danger délibérée de la
personne d'autrui.
Enfin, le sauveteur en mer peut être tenu responsable
individuellement pour une faute de service ou une faute personnelle d'une
excessive gravité et sa faute sera sanctionnée si elle est
détachable de son service, sinon c'est la responsabilité de son
organisme qui peut être engagée (son association, son SDIS, sa
hiérarchie etc.). Le sauveteur est juridiquement un
préposé et son autorité d'emploi est le commettant. A ce
titre, il existe un lien de préposition et donc un rapport de
subordination entre le commettant et le préposé, la
responsabilité du fait d'autrui pouvant alors être engagée
(Cf.51).
B.2 LA CONCENTRATION DES ORGANISMES DE SAUVETAGE EN
FRANCE La fonction garde-côtes en réponse au
chevauchement des domaines de compétence
Le chevauchement des compétences des sauveteurs en mer
peut se produire lorsque plusieurs organisations ou groupes interviennent dans
des opérations de sauvetage en mer, ce qui peut parfois entraîner
des conflits ou des confusions dans la coordination des efforts.
Dans certains départements, il peut y avoir plusieurs
organisations de sauvetage en mer, telles que les marins douaniers, la marine,
les services de pompiers marins, les organisations non gouvernementales et les
bénévoles. Le chevauchement des compétences peut survenir
lorsque plusieurs de ces groupes répondent à la même
situation d'urgence. Lorsque plusieurs équipes de sauvetage
interviennent, il est crucial de bien coordonner leurs efforts pour
éviter la confusion et garantir une réponse efficace. Les
procédures de communication et de coopération doivent être
bien établies pour gérer ce chevauchement potentiel.
Les opérations de sauvetage en mer peuvent
nécessiter des ressources limitées, telles que des bateaux, des
hélicoptères et des équipes de secours. Le chevauchement
des compétences peut se produire si plusieurs groupes demandent les
mêmes ressources pour différentes missions.
La meilleure façon de gérer le chevauchement des
compétences est de mettre en place des mécanismes solides de
coordination et de collaboration entre les différentes organisations et
groupes de sauvetage en mer. Cela peut inclure des protocoles de communication,
des accords de partage des ressources et une planification préalable
pour déterminer qui prend en charge quelle zone ou quel type d'incident.
Se pose alors la question d'une harmonisation des techniques.
Des tentatives d'harmonisation, à l'échelle
internationale, des méthodes de récupération des victimes
furent plusieurs fois prises. Depuis 1924, la tradition s'était
établie de réunir tous les quatre ans, une conférence
internationale à laquelle participaient toutes les
sociétés (remplacées par les associations) et tous les
services de sauvetage maritime du monde. A ces conférences
étaient confrontées les méthodes de sauvetage, la
qualité du matériel, les résultats obtenus « le
tout pour le plus grand bien des marins exposés au péril de la
mer. Laissant de côté tout orgueil national, toute
susceptibilité, chacun mettait au service des autres, ses
expériences, n'ayant en vue que le bien commun. »
(Cf.52)
A l'échelle nationale, il n'existe pas d'harmonisation
des techniques de sauvetage en mer. Les différents organismes (SNSM,
Gendarmerie maritime, marins-pompiers, FFSS etc.) disposent de
référentiels différents et ces référentiels
résultent souvent de retour d'expériences ou de techniques
astucieuses, utilisées localement ou testées parfois à
l'étranger. Cette absence d'unicité dans les techniques
s'explique par des particularismes locaux (par exemple, les méthodes de
récupération de victimes sur une côte rocheuse
diffèrent de celles utilisées sur une plage à fort courant
régulier) et par des budgets variables en fonction des organismes (si
les milieux associatifs dépendent des cotisations de leurs
adhérents, des dons et des fonds récupérés lors de
la surveillance d'un évènement festif ou sportif, à
l'inverse les sauveteurs institutionnels disposent d'un budget d'Etat
annuel).
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L'harmonisation des techniques de sauvetage en mer vise
à standardiser et à coordonner les méthodes et les
procédures utilisées pour secourir les personnes en danger en
milieu aquatique. Cette harmonisation est essentielle pour garantir une
réponse efficace et cohérente aux situations d'urgence en mer,
qu'il s'agisse de sauvetages maritimes, de secours aux naufragés ou de
réponses à des catastrophes naturelles. L'harmonisation des
techniques de sauvetage en mer contribue à améliorer
l'efficacité des opérations, à sauver des vies et à
minimiser les risques pour les équipes de secours. Elle est
particulièrement importante dans un contexte maritime agité
où les situations d'urgence peuvent nécessiter une réponse
rapide et coordonnée.
L'harmonisation peut englober plusieurs aspects :
- Normes et directives : Établir des normes, des
directives et des protocoles communs pour les opérations de sauvetage en
mer, en tenant compte des meilleures pratiques et des réglementations
internationales,
- Formation : Offrir une formation standardisée aux
équipes de sauvetage afin de garantir qu'elles possèdent les
compétences et les connaissances nécessaires pour intervenir de
manière sûre et efficace,
- Équipement : Normaliser les types d'équipement
de sauvetage utilisés, qu'il s'agisse de gilets de sauvetage, de la
couleur des embarcations de secours, du matériel de communication ou
d'autres outils essentiels.
- Communication : Établir des protocoles de
communication communs pour assurer une coordination fluide entre les
équipes de sauvetage, les autorités maritimes et d'autres acteurs
impliqués.
- Coordination internationale : Favoriser la collaboration
entre les pays et les organisations internationales pour partager les
meilleures pratiques et coordonner les opérations de sauvetage en mer
à grande échelle.
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Cependant, si l'harmonisation des techniques n'est pas
réalisable car présenterait un décalage trop important, la
création d'un seul organisme, sous le contrôle des CROSS, qui
aurait en charge le sauvetage en mer et d'une manière
générale l'ensemble des actions de l'Etat en mer serait
préférable afin d'éviter, soit une dispersion des
intervenants sur un même accident, soit un chevauchement des
compétences sur une même zone. Il arrive en effet que plusieurs
acteurs du sauvetage en mer soient mobilisés pour une seule
intervention, ce qui donne lieu par exemple à une action conjointe des
pompiers, de la gendarmerie et de la SNSM et donc mobilise plusieurs sauveteurs
sur un seul endroit. Autre exemple, il existe des postes mixtes de surveillance
de baignade dans lesquels des policiers (CRS) partagent leurs tâches avec
des sauveteurs saisonniers recrutés périodiquement mais ces
derniers ne disposent pas de pouvoir de police sur la plage. Pour
répondre à ces problèmes, l'idée d'une
création d'un seul organisme qui regrouperait aussi bien la surveillance
des plages ainsi que toutes les interventions en mer : lutte contre les
trafics, sécurité des côtes etc. (en dehors de celles
réservées au domaine militaire de la marine nationale) et qui
porterait le nom de garde-côtes serait envisageable.
Les termes de « garde-côtes » sont
attribués en France aux douaniers puisque la dimension douanière
de l'action de l'Etat en mer comprend aussi le sauvetage L'action
douanière a en effet, plusieurs fonctions dont la sauvegarde des
personnes et des biens en mer (Cf.36).
Historiquement, les douaniers furent d'ailleurs les premiers surveillants de
baignade serpentant le long du littoral, pour la surveillance des côtes
maritimes. Ils furent mis en place dès le XVIIème siècle,
puis ils furent récupérés pour les usages de la Douane
afin de surveiller les trafics de contrebande
(Cf.53). Les douaniers y patrouillaient à pied
ou y tendaient des embuscades pour les contrevenants, jour et nuit, et
devenaient de fait des sauveteurs en poste mobile. L'action douanière a
connu une considérable évolution juridique avec les
Décrets n°2004-112 du 6 février 2004 et n° 2005-1514 du
6 décembre 2005 relatifs à l'organisation de l'action de
l'État en mer en métropole et outre-mer qui marquèrent une
étape essentielle de l'organisation de la politique maritime
française, complétée par le Décret n° 2010-834
du 22 juillet 2010 qui organise la fonction garde-côtes. Les
garde-côtes de la douane française obéissent donc à
la convention SAR et doivent entreprendre des opérations de sauvetage,
puisqu'il y a une obligation pour l'État côtier de s'assurer
qu'une assistance soit fournie aux personnes en détresse en mer, selon
le chapitre 2 paragraphe 2.1.1 de la convention SAR : « les Parties
veillent à ce que les dispositions nécessaires soient prises pour
que les services requis de recherche et de sauvetage soient fournis aux
personnes en détresse en mer au large de leurs côtes ».
Cette obligation de sauvetage s'accompagne
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d'une obligation de coordination des opérations de
sauvetage (Cf.36), y compris le débarquement
donc tous les États ont l'obligation de coordonner leurs
opérations SAR avec les États voisins ce qui implique une
coopération des garde-côtes d'autres pays. Cependant, tous les
pays ne possèdent pas de corps de garde-côtes, selon les pays, les
garde-côtes peuvent être un corps militaire ou civil et certaines
de leurs missions peuvent également être
déléguées à des agences privées. Les
missions de police et de sécurité sont alors réparties
entre plusieurs administrations et organisations ou associations
privées.
Les garde-côtes douaniers sont amenés à
devoir évaluer la situation de détresse d'une embarcation car la
Convention SAR se limite à donner une définition aux notions
`phase de détresse' et `personne en détresse'
sans déterminer à partir de quel moment un navire ou une
personne se trouve dans une situation de détresse. Il revient donc aux
Etats (à ses agents) de déterminer à partir de quand
commence ou s'achève cette situation. De plus, selon la
Résolution MSC.167 (78) des directives sur le traitement des personnes
secourues en mer (Cf.54), l'obligation de
déposer les naufragés dans un lieu sûr correspond à
un emplacement où les opérations de sauvetage sont censées
prendre fin et où :
- La vie et la sécurité des personnes ne sont plus
menacées,
- Il est possible de subvenir à leurs besoins fondamentaux
(abris, soins médicaux, vivres),
- Le transport des personnes sauvées vers leur destination
suivante ou finale peut s'organiser.
Ces dispositions s'imposent aux opérateurs du sauvetage
en mer et plus particulièrement à la douane garde-côte qui
opère régulièrement entre les eaux territoriales et les
eaux internationales.
L'idée d'une création d'une garde-côte
autonome à côté des autres organismes se manifeste
progressivement avec une série de mesures concrètes. Parmi elles,
celle d'avoir retiré la fonction garde-côtes à la Marine
nationale et aux préfets maritimes, et d'avoir recréé un
nouveau service civil placé sous l'autorité du Premier ministre
et mise en oeuvre par le secrétaire général de la Mer en
2010. En France, 8 entités participent à la fonction
garde-côtes dont la Marine nationale, la Gendarmerie maritime et la
Gendarmerie nationale, les Affaires maritimes, les douanes, la
Sécurité Civile et la Direction Générale des
Outre-Mer. La fonction garde-côtes matérialise les moyens dont
l'État dispose pour assurer l'ensemble des missions de son action en mer
(Cf.34).
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Un corps de garde-côtes est responsable au niveau
national de l'action civile de l'État en mer. Il est chargé de
missions de police maritime (lutte contre les trafics illégaux en mer,
police de la navigation), de sécurité civile en mer (recherche et
sauvetage et lutte contre les pollutions marines) et, dans certains pays, des
aides à la navigation (balisage, service de brise-glace, etc.). D'une
manière générale, il est responsable de l'application des
lois de l'État dans les zones maritimes sous sa juridiction, ainsi que
des règlements internationaux sur la totalité des mers et
océans du globe.
La référence est souvent faite au modèle
américain de garde-côtes, l'USCG qui est un organisme
fédéral américain dédié au rôle de
surveillance, de protection, et de sauvetage des personnes en détresse
dans les territoriales américaines. Il est le représentant de
l'action de l'Etat en mer (Cf.55), l'USCG applique la
loi en mer et les règlements maritimes, assure le rôle de police
de la navigation et des pêches, lutte contre les trafics illicites,
gère la protection de l'environnement maritime et le sauvetage en mer et
dispose, entre autres, d'unités armées. L'USCG est donc un
organisme militaire, placé depuis 2003, sous l'autorité du
Département de la Sécurité Intérieure et en cas de
conflit armé, il est susceptible de passer sous la direction de l'U.S.
Navy.
Les missions de l'USCG, qui sont au nombre de cinq, couvrent
un vaste domaine (sauvetage maritime, sûreté maritime et
protection des frontières, entretien du balisage, défense
nationale et lutte contre les pollutions). La réforme de la fonction de
« garde-côtes » sur le modèle des États-Unis doit
faciliter un pilotage plus performant d'une organisation qui a fait ses preuves
en mer.
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