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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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1.2.3. Le semteendé

Le semteendé, encore appelé, « la honte », la réserve, la franchise, la pudeur se définit comme le fait d'être discret et de respecter les règles de la bienséance. La réserve est l'attitude de quelqu'un qui agit avec prudence, qui exige tout respect. Pour Nassourou , le semteendéest une conscience prescrivant une attitude, un comportement de réserve et de retenu avec le souci d'éviter de commettre des actes et des conduites indignes, humiliation, autrement dit, honteux. Les domaines susceptibles d'engendrer la honte, concernent au premier chef, l'expression des instincts et des émotions, tels les besoins physiologiques comme éviter de peter, d'uriner, de déféquer le désir de nourrir l'appétit charnel. Cet ensemble de disposition instinctive doit être maîtrisé, dominé par le peul vivant société [...] dans le domaine de l'expression des sentiments émotionnels, comme la joie, la peine, l'amour, la colère, le semteende impose la retenue également. (Nassourou, 2014 : 223).

Ce principe stipule que tout peul se doit d'avoir un comportement de réserve, de retenue et un contrôle constant des émotions. Le non-respect des règles ou des codes dictés par les nobles dans ce groupe conduisent à la honte, à l'humiliation, au déshonneur.Les sociétés peules sont fort différentes les unes des autres. La capacité à ressentir de la « honte » fait partie de l'éducation de l'enfant. Fortement intériorisée, la honte n'est pas une question de paraître mais une question d'être. Cette capacité consiste à ne pas subir la « honte » et à ne pas l'infliger à autrui, elle permet de renforcer la cohésion sociale. Toutefois, son emploi dans Munyal. Les larmes de la patiencevise, contrairement à son acception originelle, à assujettir la femme. L'invocation de ce principe permet de maintenir la femme dans le silence, et par ricochet sous la domination masculine. C'est le cas de Hindou, qui malgré qu'elle soit victime de harcèlement, tait sa situation sous prétexte du semteendé. Ainsi, voici sa réaction lorsque sa jeune soeur lui conseille de mettre sa mère au courant de ce problème : « -Tu en a parlé à ta mère ? -Que veux-tu que je dise ? Ce n'est pas un sujet qu'on évoque avec sa mère, tu le sais ! » (MLP : 58).La situation est pareilledans Walaandé. L'art de partager un mari. Nafisa, l'une des épouses d'AlhadjiOumarou est mariée contre sa volonté. Ses parents comptent sur les multiples biens matériel que leur donnerait leur gendre (WAPM : 37). Or, il se trouve que la jeune fille est amoureuse d'un autre homme. Elle se trouve dans l'obligation de consentir à ce mariage forcé : « De même, elle ne pouvait révéler à personne son secret. Elle essayait même de ne pas y penser tant ce serait commode d'oublier. »(WAPM : 37).

Il faut donc noter que le sentiment de honte, le semteendé, incline les femmes, victimes, à se taire. Il est d'autant plus fort dans la société peule que avouer certaines « choses » est considéré comme une honte, un déshonneur, et la victime peut être implicitement « condamnée », stigmatisée, montrée du doigt pour avoir « participé » à l'acte réprouvé. La victimisation trouve là une des explications possibles au sentiment de culpabilité toujours très présent chez les femmes victimes du corpus. On comprend mieux pourquoi la particularité des violences et partant, toutes les situations dégradantes à l'égard de la femme dans les romans de Djaïli sont tues, ne sont pas condamnées. Ceci focalise le regard sur la luxure et le pêché, aggravant encore l'état d'indignité de la victime, que le silence, le semteendécontribuent à ancrer dans la mémoire de la victime. La victime de violence et traitements dégradants dans la société peule représentée dans le corpus est prisonnière de son univers culturel. Elle fait d'ailleurs l'objet de rejet de la part de la famille et de la société en général.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus