1.2.3. Le semteendé
Le semteendé, encore
appelé, « la honte », la réserve, la
franchise, la pudeur se définit comme le fait d'être discret et de
respecter les règles de la bienséance. La réserve est
l'attitude de quelqu'un qui agit avec prudence, qui exige tout respect. Pour
Nassourou , le semteendéest une conscience prescrivant une
attitude, un comportement de réserve et de retenu avec le souci
d'éviter de commettre des actes et des conduites indignes, humiliation,
autrement dit, honteux. Les domaines susceptibles d'engendrer la honte,
concernent au premier chef, l'expression des instincts et des émotions,
tels les besoins physiologiques comme éviter de peter, d'uriner, de
déféquer le désir de nourrir l'appétit charnel. Cet
ensemble de disposition instinctive doit être maîtrisé,
dominé par le peul vivant société [...] dans le domaine de
l'expression des sentiments émotionnels, comme la joie, la peine,
l'amour, la colère, le semteende impose la retenue
également. (Nassourou, 2014 : 223).
Ce principe stipule que tout peul se doit d'avoir un
comportement de réserve, de retenue et un contrôle constant des
émotions. Le non-respect des règles ou des codes dictés
par les nobles dans ce groupe conduisent à la honte, à
l'humiliation, au déshonneur.Les sociétés peules sont fort
différentes les unes des autres. La capacité à ressentir
de la « honte » fait partie de l'éducation de l'enfant.
Fortement intériorisée, la honte n'est pas une question de
paraître mais une question d'être. Cette capacité consiste
à ne pas subir la « honte » et à ne pas l'infliger
à autrui, elle permet de renforcer la cohésion sociale.
Toutefois, son emploi dans Munyal. Les larmes de la patiencevise,
contrairement à son acception originelle, à assujettir la femme.
L'invocation de ce principe permet de maintenir la femme dans le silence, et
par ricochet sous la domination masculine. C'est le cas de Hindou, qui
malgré qu'elle soit victime de harcèlement, tait sa situation
sous prétexte du semteendé. Ainsi, voici sa
réaction lorsque sa jeune soeur lui conseille de mettre sa mère
au courant de ce problème : « -Tu en a parlé
à ta mère ? -Que veux-tu que je dise ? Ce n'est pas un
sujet qu'on évoque avec sa mère, tu le sais ! »
(MLP : 58).La situation est pareilledans Walaandé.
L'art de partager un mari. Nafisa, l'une des épouses
d'AlhadjiOumarou est mariée contre sa volonté. Ses parents
comptent sur les multiples biens matériel que leur donnerait leur gendre
(WAPM : 37). Or, il se trouve que la jeune fille est amoureuse
d'un autre homme. Elle se trouve dans l'obligation de consentir à ce
mariage forcé : « De même, elle ne pouvait
révéler à personne son secret. Elle essayait même de
ne pas y penser tant ce serait commode
d'oublier. »(WAPM : 37).
Il faut donc noter que le sentiment de honte, le
semteendé, incline les femmes, victimes, à se taire. Il
est d'autant plus fort dans la société peule que avouer certaines
« choses » est considéré comme une honte, un
déshonneur, et la victime peut être implicitement
« condamnée », stigmatisée, montrée du
doigt pour avoir « participé » à l'acte
réprouvé. La victimisation trouve là une des explications
possibles au sentiment de culpabilité toujours très
présent chez les femmes victimes du corpus. On comprend mieux pourquoi
la particularité des violences et partant, toutes les situations
dégradantes à l'égard de la femme dans les romans de
Djaïli sont tues, ne sont pas condamnées. Ceci focalise le regard
sur la luxure et le pêché, aggravant encore l'état
d'indignité de la victime, que le silence, le
semteendécontribuent à ancrer dans la mémoire de
la victime. La victime de violence et traitements dégradants dans la
société peule représentée dans le corpus est
prisonnière de son univers culturel. Elle fait d'ailleurs l'objet de
rejet de la part de la famille et de la société en
général.
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