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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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1.2.4. L'éducation traditionnelle de la femme

L'image de l'épouse traditionnelle que souhaitent les hommes et la société dans les romans de Djaïli Amadou Amal revèle toujours des qualités favorables, des qualités admirées par les hommes. Elle est docile, soumise, travailleuse, courageuse et de plus, elle est ignorante des activités de son époux. Pour parvenir à cette stature de la femme, l'éducation qui correspond à cette image doit être inculquée dès le jeune âge. La jeune fille témoigne de l'éduction reçue dans l'extrait suivant : «  Je n'étais pas que la fille de mon père. J'étais celle de toute la famille. Et chacun de mes oncles pouvait disposer de moi comme de son enfant. Il était hors de question que je ne sois pas d'accord. J'étais leur fille. J'avais été élevée selon la tradition, initiée au respect strict que je devais à mes aînés. Mes parents savaient mieux que moi ce qu'il me fallait. » (MLP : 32)

Il est question dans cette éducation traditionnelle que la femme soit docile et obéissante pour que l'homme ait le pouvoir d'exercer son influence, son autorité sur elle. L'éducation qu'elle reçoit favorise le respect inconditionnel du mari. Elle doit être toujours disponible pour rendre des services sans même élever la voix. Son lot de femme est d'accepter, et de se taire, c'est ainsi qu'on le lui enseigne. Voilà une épouse décrite par l'Oncle Hayatou dans Munyal. Les larmes de la patience:

Soyez soumises à votre époux / Épargnez vos esprits de la diversion / Soyez pour lui une esclave et il vous sera captif / Soyez pour lui la terre et il sera votre ciel / Soyez pour lui un champ et il sera votre pluie / Soyez pour lui un lit et il sera votre case / Ne boudez pas / Ne méprisez pas un cadeau, ne le rendez pas / Ne soyez pas colériques / Ne soyez pas bavardes / Ne soyez pas dispersées / Ne suppliez pas, ne réclamez rien / Soyez pudiques / Soyez reconnaissantes / Soyez patientes. (MLP : 16)

À travers ces enseignements, il s'agit de préparer les jeunes filles avant qu'elles ne quittent le foyer des parents pour rejoindre celui de l'époux. L'idée ou la conception courante dit que la jeune fille est donnée à un homme. Elle est considérée dans certaines sociétés comme n'importe quel objet que l'homme possède pour toujours. Alors dès son arrivée au domicile conjugal elle doit justifier l'éducation à elle inculquée par ses parents à respectant les préceptes ci-dessus cités. Elle ne peut pas se comporter autrement parce que c'est la règle, les traditions, les valeurs héritées des parents.

Les femmes représentées dans Walaandé.L'art de partager un marisont un exemple soumission, grâce à l'éducation traditionnelle. Le fait que certaines soient des femmes modernes, femmes urbaines et instruites ne les épargne pas de ce mauvais sort. Cela montre que ce ne sont pas seulement les femmes illettrées qui subissent l'éducation traditionnelle. C'est vrai, comme nous le voyons, et d'une façon générale, la femme traditionnelle est dans tous les cas soumise par nature, à la volonté de l'homme; c'est-à-dire à l'autorité de l'homme qui est pour elle le père, le frère ou le mari, surtout le mari. Toutefois, cela ne veut pas forcément dire que toutes femmes modernes se révoltent contre l'ordre des hommes. Le cas de Sakina est illustratif. Il est convenable de découvrir la personnalité de cette dernière, pour comprendre le poids de l'éducation traditionnelle : elle est à la fois femme moderne et femme soumise. Donc pour juger son attitude dans son foyer, face à son époux, face à la polygamie, il importe de chercher à savoir quelles sont les raisons pour lesquelles elle se soumet.Sakina est la quatrième épouse d'AlhadjiOumarou. Elle est la seule épouse instruite. Elle est une synthèse de deux civilisations : la civilisation africaine et l'européenne. Sa formation traditionnelle est très évidente dans son comportement.

Des pratiques telles que l'accueil d'une foule qui vient pour adresser leurs salutations à Alhadji, les énormes repas à préparer à ceux-ci. Toutes ces pratiques sont dictées par les croyances et les rites religieux. De toute façon, nous pouvons dire que Sakina est une femme croyante qui jouit d'une foi respectable. Les prières et de la lecture du Coran en sont révélatrices de sa croyance. D'un autre côté, le personnage a reçu l'instruction scolaire. Donc nous constatons que ces deux types de formations laissent des traits remarquables sur le caractère du personnage, l'originalité et la modernité. Elle est une femme intelligente, pratique, dynamique et prudente. Dans toutes les étapes de son parcours dans le roman, elle montre une ouverture d'esprit. Dans un échange avec ses coépouses à propos de la santé de l'un de leur fils, elle démontre son intelligence : « -tu devrais amener cet enfant cher l'imam tous les matins pour qu'il lui fasse des incantations. C'est sûrement du mauvais oeil qu'il souffre. -Je pense plutôt que Aminou aura besoin d'une perfusion, fit Sakina sceptique. Il est déshydraté et c'est peut être... » (WAPM : 18)

Mais le destin lui cache une mauvaise surprise. Elle n'a pas la moindre pensée qu'un jour, elle vivra des situations troublantes. Et elle démontre ses capacités à supporter, à subir en silence, qui trouve une explication dans les faits suivants. Ils sont l'apanage de tous les personnages féminins.L'analyse de la situation des femmes dans le corpus laisse paraître qu'elles sont toutes soumises. Les romans abondent en exemples de ces femmes soumises à l'hégémonie de l'homme. Plusieurs aspects interviennent dans ce problème : des aspects économiques, psychologiques, sociaux et religieux.

Le problème le plus grave réside dans la dépendance morale et économique de la femme à l'homme. C'est à cause de cet état de subordination que la femme se trouve dans une situation de dépendance chronique. Elle ne supporte ni la solitude ni la pauvreté. Surtout pour celles qui ne travaillent. Tout est fait pour les assujettir. Elles sont éduquées de sorte qu'elles pensent ne pas survivre sans un conjoint. C'est ce dernier qui assure sa protection et l'abrite. Même si elle n'est pas heureuse avec le mari, sans lui, la situation serait encore pire surtout avec des enfants. En fait, ce traitement réservé à la femme est culturel : « Chez les peuls, les femmes savent que le domicile du mari n'est jamais un acquis. Ce n'est pas un chez soi et on peut y être répudié à tout moment. Alors elles se préparent en conséquence. » (WAPM : 142).

Avec l'entourage qui est très impliqué dans les affaires de mariage, c'est à dire, au-delà de l'union entre deux personnes, c'est un pacte en deux failles. Ainsi, adopter une réaction négative contre cette pratique ou ce que la femme vit dans son foyer sera vu comme un acte d'égoïsme. La société trouvera inconcevable qu'une femme se rebelle contre la tradition. Pour elle, la polygamie est une institution sociale qui doit être respectée par tout le monde, que personne ne doit contester. C'est ainsi que dans Munyal. Les larmes de la patience, les femmes n'osent pas quitter le ménage de leurs époux malgré tous les traitements qu'elles y subissent. Elles ont peur d'être rejetées par leurs parents et partant, tous les membres de la famille. Lorsqu'elles protestent, leurs entourages proposent le munyal, la patience :-Munyal ! Munyal... Munyalma fille !Combien de fois a-t-elle entendu ce mot ? Combien de personnes lui ont donné ce conseil ? Encore et toujours ! De la part de tous. Par toutes les circonstances douloureuses de sa vie. On le sait d'ailleurs, on ne conseille le fameux munyal comme remède souverain à tous les maux que dans les moments difficiles. (MLP : 6)

Toujours dans la logique de la sujétion de la femme, elle est très souvent dépouillée de tous ses biens : « Chez moi ! Chez mes parents. Oui c'est pathétique après trente ans de se rendre compte qu'on dit encore chez mes parents. Un seul mot pour lui à prononcer : je te répudie, et l'on se rend soudain compte que l'on n'a même pas un chez soi. On a beau construire ensemble, tout est à lui. Nous ne sommes rien, nous ne valons rien, nous n'avons rien. » (WAPM : 143). Ainsi elles digèrent difficilement leur mal et se soumettent à la polygamie et tous ses corollaires pour éviter la colère, la malédiction de leurs familles parents.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille