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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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1.2.2. Le munyal

Selon les normes comportementales peules régies par le munyal, la retenue, les attitudes gestuelles féminines doivent manifester un sentiment de réserve ou de retenue, le munyal. Ce dernier consiste en un contrôle verbal et gestuel des émotions ressenties lors des interactions, selon les statuts des individus et leurs liens de parenté. Dans les représentations sociales, les femmes, à l'inverse des hommes sont pensées comme étant impulsives et ne contrôlant pas leurs affects. Posséder du munyal ou « posséder sa tête » comme disent les femmes signifie qu'elles ont appris à se contrôler. Pour les techniques du corps, cette expression se réfère à une réserve donnée aux expressions du visage et à l'absence de gestes qui trahiraient l'émotion ressentie. Le munyal apparaît comme une qualité, qui particularise le genre féminin. Les hommes ne possèdent pas de munyal, car leur attitude corporelle témoigne d'une assurance et d'un sentiment de fierté.

Malgré que les femmes dans Munyal Les larmes de la patience soient conscientes de l'oppression et de l'asservissement dont elles sont à la fois objets et victimes innocentes de la part d'une société patriarcale et fondamentalement phallocratique, elles n'ont pas la possibilité de s'en défaire. Bien plus, leurs efforts de résister, donc de survivre et affronter la réalité, à armes inégales, ne dussent-elles courir le risque d'en perdre l'âme, leur identité propre sont battus en brèche par les règles régissant le foyer polygamique. Ce faisant, elles apprennent à supporter, le munyal, face aux nombreux écueils qui jonchent l'existence d'une femme doublement affectée par leur statut et la tradition dans l'environnement social réputé hostile pour elles. Dans l'extrait suivant, la patience s'apparente à une préparation psychologique de la femme face aux difficultés : « Daada-saaré, tu seras aussi le souffre-douleur de la maison. Tu conserveras ta place de daada-saaré, même s'il en épouse dix autres. Alors, un seul mot, munyal, patience ! Car tout relève ici de ta responsabilité. Tu es le pilier de la maison. À toi de faire des efforts, d'être endurante et conciliante. Pour cela, tu devras intégrer à jamais la maîtrise de soi, le munyal. Toi, Safira, la daada-saaré, jiddere-saaré, la mère, la maîtresse du foyer et le souffre-douleur de la maison ! Munyal, munyal... »(MLP : 22)

En effet, la patience est un terme fétiche qui permet aux hommes de pousser la femme à accepter les différentes situations dégradantes dans le foyer. Ce comportement culturel est insidieusement inculqué à la femme. Elle est préparée à la docilité. Elle est tout le temps victime et est prédisposée à l'acceptation. Les mots dans cet enseignement sont choisis. Elle est flattée par son statut de première femme. Pourtant, les difficultés qu'elle doit supporter du fait de sa position sont disproportionnées. Il lui est enseigné entre autre la maîtrise de soi, la responsabilité. Tout se rapporte à elle. De ce fait, elle se sent responsable dans toutes les situations dans la famille, bonnes ou mauvaises. Il ressort de l'analyse ci-dessus que la patience est enseignée à la femme, surtout la première épouse Comme le dit l'auteure des romans, avec la patience, on peut réaliser des choses incroyables. Ceci se matérialise à travers l'extrait suivant :

Munyal ! Munyal... Munyal ma fille ! Combien de fois a-t-elle entendu ce mot ? Combien de personnes lui ont donné ce conseil ? Encore et toujours ! De la part de tous. Par toutes les circonstances douloureuses de sa vie. On le doit d'ailleurs, on ne conseille le fameux Munyal comme remède souverain à tous les maux que dans les moments difficiles. On le sait c'est dans la douleur qu'on dit à une personne : « supporte ! » ... Toute vie est faite de patience dit-on : « Avec de la patience, on peut vider un étang à l'aide d'un chameau » ! On peut aussi boire un puits de bouillie avec une aiguille ! (MLP: 7).

Notons encore que le munyal est une norme sociale qu'on inculque à la jeune fille dès le bas âge pour la préparer à la vie future dans la société peule. Une jeune fille doit s'armer de patience pour que son mariage perdure, une fois marié. Elle doit user de la patience car le Munyalest le remède à tout problème que cela soit dans un couple ou dans la vie sociale. C'est le premier conseil qu'on donne à toute jeune fille qui va en mariage et à toute personne éprouvée. Il est d'une importance capitale, même notre créateur apprécie ceux qui sont patients. «  Munyal ma fille ! Intègre déjà cela dans ta vie future. Inscris-le dans ton coeur, répète-le dans ton esprit ! Munyal ma fille, telle est la seule valeur du mariage de notre religion, de nos coutumes, du pulaaku, Munyal ma fille car c'est dans la douleur qu'on te le conseille. Alors tu ne dois jamais l'oublier ! » ... « Munyal ma fille car la patience est une vertu. Dieu aime les patients, avait précisé son oncle. Tu es à présent une grande fille. Tu es désormais mariée et dois respect et considération à ton époux. (MLP : 10-11).L'extrait représente les conseils que les oncles et tantes donnent à leurs nièces le jour du mariage.

Une lecture plus poussée du même roman permet de se rendre compte que c'est un enseignement qui se déroule toute la vie de la femme. Elle y est préparée dès sa jeunesse et la veille du mariage. Dans l'extrait suivant,AlhadjiOumarou prépare ses filles à accepter leur situation quoiqu'il en coûte : « Patience, mes filles ! Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. Telle est la vraie valeur de notre religion, de nos coutumes, du pulaaku. Intégrez-la dans votre vie future. Inscrivez-la dans votre coeur, répétez-la dans votre esprit ! Munyal, vous ne devrez jamais l'oublier ! » fait mon père d'une voix grave. » (MLP :52) Cette prescription, sous le couvert du précepte de munyalest sensé régir la vie de la jeune fille. Elle doit s'y conformer, l'intérioriser, la faire sienne. Pour renforcer la force de précepte, le parent y adjoint un argument de force, celui de la religiosité de cette prescription.

La femme et fille peule doit s'armer de patience face à n'importe quelle situation de la vie. Pour une femme mariée, la patience est un impératif afin de pouvoir partagé son mari avec d'autres femmes. C'est le cas de la quatrième femme d'Alhadji. (Sakina). Malgré son éducation, doit subir les mêmes traitements que ses autres coépouses sans exception. Pourtant, elle a fait des études et espérait que son mari la traiterait différemment dans son foyer polygamique. Sakina réalisa qu'elle ne pouvait rien faire face à cette réalité du mariage, elle ne peut que se résigner et faire semblant d'être heureuse pour dissiper le regard social. Ceci s'illustre à travers le passage suivant :

 Sakina avait pris conscience désormais qu'elle vivait dans un ménage polygamique. Qu'elle partageait le même homme avec plusieurs femmes qu'elle voyait tous les jours. Des femmes avec lesquelles elle vivait, mangeait, parlait, discutait, plaisantait de fois. Des femmes qui partageaient le même lit que l'homme auquel elle était liée par l'amour. Elle suivait juste le mouvement, se laissait vivre sans espoir, sans projets. Elle attendait juste ! Elle attendait son Walaandé. Elle attendait que son Waalandé s'achève. Elle attendait elle ne sait quoi. Mais elle attendait quand même. (WAPM: 24).

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite