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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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1.2.1. Le pulaaku

À l'identité peule, on associe invariablement la notion de pulaaku, la foulanité. Lepulaaku, peut se traduire par « mode ou style de vie peul ». Elle incite à la maîtrise de soi et fonde la foulanité. Pour ces peuples nomades, se maîtriser c'est, d'abord dominer ses besoins physiques et matériels. Le code culturel des peuls, lepulaaku, est entendu comme l'essence de la civilisation peule dans sa pluralité. Ce sont les coutumes que la société peule préconise et qui représentent une partie importante de son identité comme société distincte des autres.

Le pulaaku décrit le comportement attendu d'un peul, et il lui est enseigné par sa famille dès son enfance. C'est une coutume qui exige avant tout la réserve, la retenue, la maîtrise de soi. Ce comportement codifié permet au peul d'être distingué des autres non-peuls. Le mot pulaakua toujours existé dans les moeurs des peuls qui la considèrent comme une morale de vie. Djaïli le définit d'ailleurs dans son lexique comme un « ensemble de règles qui définit la vie d'un peul. Le respect, la discrétion, la pudeur, l'orgueil, la patience entre autres. Lepulaaku oblige un peul à rester digne en toute circonstance. C'est en bref, l'art de vivre dans la noblesse. » (WAPM: 108).

Le pulaaku exige une conduite docile sans opposition surtout pour faire plaisir à l'homme et ne pas le blesser. Voilà pourquoi, une jeune fille peule digne de son nom doit parler et répondre aux gens avec respect afin que le nom de ses parents soit honoré. Lorsqu'un homme lui adresse la parole, elle doit baisser la tête et lui répondre positivement « A ma guise, j'aurais voulu lui crier : « Mais comment veux-tu que je t'aime ? je ne te connais pas. De plus, je ne veux même pas te connaître ». En fille sage maîtrisant sur le bout de doigts son pulaaku, je baissais timidement les yeux et répondais - Mais si ! bien sûr que je t'aime Mais je veux quand même attendre un peu. » (MLP : 33).

En plus, le pulaaku exige le respect de la masse surtout les hommes. Cela s'explique par le fait que lorsque les hommes sont attroupés, la fille ou femme qui passerait devant ses hommes devrait enlever ses chaussures avant de les traverser et baissés les yeux. En enfreignant les règles établies, elle serait mal vue par la société et ceci porterait atteinte à sa dignité ainsi qu'à toute sa famille. Une jeune fille bien éduquée doit toujours agir ainsi. C'est le cas de Ramla qui accepte la proposition d'Alhadji en l'épousant : « où est passé le pulaaku qu'on m'a toujours inculqué ? Un peul meurt comme un mouton en se taisant et non en bêlant comme une chèvre ! ». (MLP : 84). Ainsi donc, pour avoir une bonne cohésion sociale et une intégrité, il serait judicieux voire obligatoire de respecter ses normes établies.

En outre, chez l'homme peul, une parole donnée est inchangeable, elle doit être respectée malgré tout. Elle est irrévocable car ceci relève des normes du pulaaku. Du coup, les jeunes sont contraints d'accepter les choix et décisions pris par leurs parents sans hésitation notoire. Ceux-ci abandonnent leurs rêves pour faire plaisir aux parents. C'est le cas de Moustapha qui doit épouser sa cousine sans riposter. Cela montre que les normes sociales ne se soucient pas des sentiments des personnes, mais cherchent plutôt à préserver ses intérêts personnels. Moustapha et sa cousine sont victimes de cette exigence sociale : « Tu sais Moustapha, un homme doit toujours tenir à sa parole et une fois celle-ci donnée, on en devient prisonnier. Le respect des aînés est non seulement une règle de pulaaku, mais aussi une « sunna » du prophète Mohammed (paix et bénédiction d'Allah soient sur lui). Ton oncle t'a donné sa fille, et à moins de lui faire un affront énorme, il ne t'est pas possible de refuser. Notre famille ne badine pas avec l'honneur, ni avec la bienséance » (WAPM : 86-87)

Le pulaaku est l'élément essentiel de la tradition culturelle peule, invisiblement associé à l'islam, est décrit comme un rouleau compresseur pour la femme : « Alhamdulillah. Louange à Allah ! C'était une formule comme une autre. Remercier toujours Dieu même quand ça ne va pas. Dire que c'est mieux même quand ça a empiré. C'est le pulaaku. » (WAPM : 108). Cette norme crée un blocage à la femme qui l'empêche d'avouer sa souffrance. Voilà pourquoi, une jeune fille peule digne de ce nom doit toujours répondre avec respect quand un homme lui adresse la parole, même si cela va à l'encontre de ce qu'elle pense, elle est obligée de feindre pour pouvoir honorer ses parents : « A ma guise, j'aurais voulu lui crier : « Mais comment veux-tu que je t'aime ? je ne te connais pas. De plus je ne veux même pas te connaître ». En fille sage maîtrisant sur le bout de doigts son pulaaku, je baissais timidement les yeux et répondais - mais si ! bien sûr que je t'aime mais je veux quand même attendre un peu. ». (MLP : 33)

Toutefois il faut prendre conscience que la pulaaku est complexe : elle renferme les notions de savoir-vivre, de bonnes manières, d'intelligence, et la connaissance d'un héritage culturel et ancestral peul. Malgré la nature du discours peul sur sa propre culture, elle laisse entrevoir les processus de transformation et d'adaptation qui la façonnent et permet la cohésion sociale.En dehors de ces considérations, il y a certaines coutumes érigées en règle qui contribuent à l'injustice faite à la femme. À l'exemple de pratiques telles que le lévirat ou le sororat. Déjà dans l'Afrique traditionnelle, le simple fait d'imposer le frère du mari à la veuve constituait une altération de tous les droits de la femme. C'est une manière de lui faire savoir qu'elle n'a pas à aimer, mais plutôt se soumettre et taire ses sentiments aussi sincères qu'ils peuvent être.

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