1.2.1. Le pulaaku
À l'identité peule, on associe invariablement la
notion de pulaaku, la foulanité. Lepulaaku, peut se
traduire par « mode ou style de vie peul ». Elle incite à la
maîtrise de soi et fonde la foulanité. Pour ces peuples nomades,
se maîtriser c'est, d'abord dominer ses besoins physiques et
matériels. Le code culturel des peuls, lepulaaku, est entendu
comme l'essence de la civilisation peule dans sa pluralité. Ce sont les
coutumes que la société peule préconise et qui
représentent une partie importante de son identité comme
société distincte des autres.
Le pulaaku décrit le comportement attendu d'un
peul, et il lui est enseigné par sa famille dès son enfance.
C'est une coutume qui exige avant tout la réserve, la retenue, la
maîtrise de soi. Ce comportement codifié permet au peul
d'être distingué des autres non-peuls. Le mot pulaakua
toujours existé dans les moeurs des peuls qui la considèrent
comme une morale de vie. Djaïli le définit d'ailleurs dans son
lexique comme un « ensemble de règles qui définit la
vie d'un peul. Le respect, la discrétion, la pudeur, l'orgueil, la
patience entre autres. Lepulaaku oblige un peul à rester digne
en toute circonstance. C'est en bref, l'art de vivre dans la
noblesse. » (WAPM: 108).
Le pulaaku exige une conduite docile sans opposition
surtout pour faire plaisir à l'homme et ne pas le blesser. Voilà
pourquoi, une jeune fille peule digne de son nom doit parler et répondre
aux gens avec respect afin que le nom de ses parents soit honoré.
Lorsqu'un homme lui adresse la parole, elle doit baisser la tête et lui
répondre positivement « A ma guise, j'aurais voulu lui
crier : « Mais comment veux-tu que je t'aime ? je ne te
connais pas. De plus, je ne veux même pas te connaître ».
En fille sage maîtrisant sur le bout de doigts son pulaaku, je
baissais timidement les yeux et répondais - Mais si ! bien
sûr que je t'aime Mais je veux quand même attendre un
peu. » (MLP : 33).
En plus, le pulaaku exige le respect de la masse
surtout les hommes. Cela s'explique par le fait que lorsque les hommes sont
attroupés, la fille ou femme qui passerait devant ses hommes devrait
enlever ses chaussures avant de les traverser et baissés les yeux. En
enfreignant les règles établies, elle serait mal vue par la
société et ceci porterait atteinte à sa dignité
ainsi qu'à toute sa famille. Une jeune fille bien éduquée
doit toujours agir ainsi. C'est le cas de Ramla qui accepte la proposition
d'Alhadji en l'épousant : « où est passé le
pulaaku qu'on m'a toujours inculqué ? Un peul meurt comme
un mouton en se taisant et non en bêlant comme une
chèvre ! ». (MLP : 84). Ainsi donc, pour
avoir une bonne cohésion sociale et une intégrité, il
serait judicieux voire obligatoire de respecter ses normes établies.
En outre, chez l'homme peul, une parole donnée est
inchangeable, elle doit être respectée malgré tout. Elle
est irrévocable car ceci relève des normes du pulaaku. Du coup,
les jeunes sont contraints d'accepter les choix et décisions pris par
leurs parents sans hésitation notoire. Ceux-ci abandonnent leurs
rêves pour faire plaisir aux parents. C'est le cas de Moustapha qui doit
épouser sa cousine sans riposter. Cela montre que les normes sociales ne
se soucient pas des sentiments des personnes, mais cherchent plutôt
à préserver ses intérêts personnels. Moustapha et sa
cousine sont victimes de cette exigence sociale : « Tu sais
Moustapha, un homme doit toujours tenir à sa parole et une fois celle-ci
donnée, on en devient prisonnier. Le respect des aînés est
non seulement une règle de pulaaku, mais aussi une
« sunna » du prophète Mohammed (paix et
bénédiction d'Allah soient sur lui). Ton oncle t'a donné
sa fille, et à moins de lui faire un affront énorme, il ne t'est
pas possible de refuser. Notre famille ne badine pas avec l'honneur, ni avec la
bienséance » (WAPM : 86-87)
Le pulaaku est l'élément essentiel de
la tradition culturelle peule, invisiblement associé à l'islam,
est décrit comme un rouleau compresseur pour la
femme : « Alhamdulillah. Louange à Allah !
C'était une formule comme une autre. Remercier toujours Dieu même
quand ça ne va pas. Dire que c'est mieux même quand ça a
empiré. C'est le pulaaku. » (WAPM :
108). Cette norme crée un blocage à la femme qui l'empêche
d'avouer sa souffrance. Voilà pourquoi, une jeune fille peule digne de
ce nom doit toujours répondre avec respect quand un homme lui adresse la
parole, même si cela va à l'encontre de ce qu'elle pense, elle est
obligée de feindre pour pouvoir honorer ses parents : « A
ma guise, j'aurais voulu lui crier : « Mais comment veux-tu que
je t'aime ? je ne te connais pas. De plus je ne veux même pas te
connaître ». En fille sage maîtrisant sur le bout de
doigts son pulaaku, je baissais timidement les yeux et
répondais - mais si ! bien sûr que je t'aime mais je veux
quand même attendre un peu. ». (MLP : 33)
Toutefois il faut prendre conscience que la pulaaku
est complexe : elle renferme les notions de savoir-vivre, de bonnes
manières, d'intelligence, et la connaissance d'un héritage
culturel et ancestral peul. Malgré la nature du discours peul sur sa
propre culture, elle laisse entrevoir les processus de transformation et
d'adaptation qui la façonnent et permet la cohésion sociale.En
dehors de ces considérations, il y a certaines coutumes
érigées en règle qui contribuent à l'injustice
faite à la femme. À l'exemple de pratiques telles que le
lévirat ou le sororat. Déjà dans l'Afrique traditionnelle,
le simple fait d'imposer le frère du mari à la veuve constituait
une altération de tous les droits de la femme. C'est une manière
de lui faire savoir qu'elle n'a pas à aimer, mais plutôt se
soumettre et taire ses sentiments aussi sincères qu'ils peuvent
être.
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