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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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1.1.3. L'interprétation subjective des versets coraniques

Les romans de Djaïli, esquissent le portrait des femmes dont la soif de liberté se heurte à la réprobation de la société et de leur entourage incarnépar les préceptes de la religion (tabous persistants à l'encontre de l'émancipation féminine, parents lésés réclamant et exerçant l'autorité qui leur appartenait traditionnellement de droit), mais ils expriment également le face-à-face de ces femmes avec elles-mêmes et avec leurs désirs. Du point de vue de l'auteur de l'ouvrage La condition de la femme dans l'islam, Mansour Fahmy affirme : « L'islam, comme on le sait, a trouvé naissance dans une société patriarcale. L'autorité du père, qui avait sa source dans la coutume et qui était plus au moins adoucie par les liens familiaux, fait transmise, dès l'avènement de la nouvelle religion, à une puissance inflexible : la divinité » (Fahmy, 2021 : 96).

La religion, l'Islam, est omniprésente dans les deux textes du corpus. Elle se déploie à travers le Coran, ses versets. Leur interprétation n'est pas toujours objectivement faite, même par les érudits. L'argumentaire souvent déployé varie peu en amplitude et en solidité. En effet, les personnages du roman, des croyants musulmans, considèrent que la femme est dans l'obligation de subir les caprices de son époux, la femme est fondamentalement inférieure à l'homme et de ce fait devrait voir en celui-ci l'incarnation d'Allah, au point de « se prosterner devant son époux » (WAPM : 63) si cela était permis. Ainsi, les protagonistes masculins, soutiennent avec force détails que la soumission est avant tout une prescription religieuse, voire un commandement divin. Que ce soit l'Imam de la mosquée ou les frères d'AlhadjiOumarou dans Walandé. L'art de partager un mari, ces personnages semblent profondément convaincus que cette « prescription » doit être appliquée dans la famille et se perpétuer, par toutes les quatre épouses de Oumarou et ses filles parce qu'elle est une exigence du culte islamique et doit être obligatoirement pratiquée afin d'être digne musulman. Pour soutenir cette thèse, ils citent d'abord un premier argument selon lequel le « le devoir conjugal ! On me cite hadith du Prophète : « Malheur à une femme qui met en colère son mari, et heureuse est la femme dont l'époux est content ! ». Je ferais mieux d'apprendre tout de suite à satisfaire mon époux. » (MLP : 77). Il s'agit en réalité d'une portion du texte sacré détaché de son contexte : « C'est un droit divin, me souffle un jour une femme érudite. Il est écrit dans le Coran qu'un homme a la légitimité de punir et de battre son épouse si elle est insoumise. Mais il est tout de même interdit qu'il s'acharne sur son visage, ajoute-t-elle, scandalisée par mon oeil au beurre noir. » (MLP : 104).

Bien souvent tiraillées entre leur libre choix et le respect dû à la famille, confrontée à une liberté nouvelle et pourtant astreintes, par la force de la pression sociale, de leur condition, les personnages féminins n'entrevoient aucune solution viable qui leur garantirait, sinon le bonheur, un semblant d'apaisement et de tranquillité d'esprit. Illustrant parfaitement ce dilemme, Walandé. L'art de partager un mari dépeint, le désespoir de la jeune Yasmine, soumise à une pression familiale trop forte. Pour son père, il est impératif de l'envoyer en mariage, quoique cela coûte : « Regarde comment se comportent les jeunes filles et dis-moi s'il est possible pour un croyant d'accepter cela. C'est une chance que je puisse caser toutes mes filles. » (WAPM : 95). Garante de la morale, l'Islam permet aux hommes de confiner leurs filles et épouses, préférant les voir sombrer dans le désespoir que rompre le bouleversement de sa vie au lieu faire face à la situation que vise la gent féminine : s'émanciper. À la lecture du roman, « libérer » sa fille ou son épouse, est une chose impensable, tant il est vrai qu'en bon musulman honorable, il lui est préférable de voir mourir sa fille, que d'être plongée dans le déshonneur. Yasmine, décède des suites des traitements, de l'emprisonnement et de la pression que lui fait subir son père, au nom des préceptes de l'Islam.

Dans ces récits, une mise en lumière sur la situation de la femme face à la religion est faite. Tout d'abord celle de la morale qui pèse sur la gent féminine à l'évolution palpable mais lente et imparfaite. Une femme victime de la religion qui, dans l'ombre, n'a d'autre choix que de souffrir de la situation. La colère de la jeune femme à l'encontre des préceptes religieux, qui ne lui permettent pas de vivre comme femme, d'un côté, la femme pleine de piété filiale sacrifiant sa félicité à son devoir familial et social pendant son enfance, de l'autre, la femme individualiste libre poursuivant son propre bonheur comme femme. Consciente de se trouver dans une période de l'histoire qui fait jonction entre deux mondes, l'ancien au cadre rigide et le moderne ouvrant de nouvelles perspectives d'épanouissement personnel, elle accuse une société encore trop rétrograde d'être la cause de son malheur :

Nous n'appartenons à personne. Ni à notre mari, ni à nos parents, ni à nos enfants. En réalité, tout ce que les hommes nous racontent sur l'Islam est faux. Le prophète Mohammed a été le premier défenseur des femmes. Par exemple, ton consentement au mariage est obligatoire. On doit te demander ton avis. Ensuite, ton mari n'a pas le droit de t'insulter, ou de te menacer, ou même de te battre. Il doit te traiter avec respect et tendresse... (WAPM : 63)

Toutefois, les femmes apparaissent divisées face à cette situation. Celles qui incarnent l'éducation traditionnelle ne comprennent pas les désirs d'émancipation cette dernière. Pourtant, l'hypothétique émancipation que la jeune femme envisage à travers l'instruction et la compréhension des versets coraniques constituent une solution pour s'échapper du giron des hommes et vivre la féminité au grand jour.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille