En somme, ce chapitre nous a permis, à partir des
exploitations des indices textuels, d'entrer dans le cosmos idéologique
de notre auteur. Le résultat de l'analyse textuelle montre que Djaili
Amadou Amal est une écrivaine féministe. Cependant, elle ne se
contente pas seulement de présenter la condition féminine. Elle
attire l'attention de la gent féminine africaine en
générale et peule en particulier sur un fait. Il revient à
la femme en générale de forger son propre destin pour se
libérer de la domination masculine si elle estime être sous leur
emprise. Comme les épouses d'AlhadjiOumarou, les femmes doivent agir
ensemble en synergie pour opérer le changement auxquels elles aspirent.
Ce changement viendra de la femme elle-même.
Conclusion générale
L'écriture de la victimisation de la femme dans deux
romans de Djaïli Amadou Amal a été explorée tout au
long de cette recherche. La femme africaine en général et celle
représentée dans le corpus vit une situation d'inconfort. Elle
est oppressée de toute part, à la fois par la famille,
l'époux, la belle famille. Bien plus, les lois régissant le
fonctionnement de la société ou de la famille/foyer ne sont pas
en sa faveur. Elle nage dans un tourbillon de règles qui la maintienne
en état de captivité. L'objectif était donc de faire voir
la situation de sujétion de la gent féminine en ce qui concerne
son statut, son rôle et ses conditions de vie dans la
société représentée dans l'univers romanesque. En
outre, l'état de personnage victime devrait être analysé
afin de ressortir les sources, ou les faits qui sont le soubassement du statut
de dominée de la femme. Étant donné que des
prédispositions sont établies pour la domination, les personnages
hommes emploient des moyens mis à leur disposition pour
l'effectivité de la subordination. Cette analyse s'est attelée
à comprendre ces procédés usités dans le but de
maintenir la gent féminine sous le joug de l'homme. Ce qui n'est pas
sans conséquence pour elle. Dans son statut de sujet, la femme subit un
certain nombre de pratiques qui arrivent à la métamorphoser
à la fois psychologiquement et physiquement. L'aspect idéologique
de l'écriture de Djaïli n'est pas passé inaperçu. Il
a fait partie de l'objectif de cette analyse.
Le cadre théorique dans lequel s'inscrit cette
recherche est la Sociocritique telle que théorisée par Claude
Duchet. En effet, le recours à la sociocritique était
indispensable tout au long du travail, parce qu'elle nous permet de mettre en
évidence les différents aspects de tradition dans les
écritures romanesques francophones que seule l'analyse littéraire
ne peut pas élucider. Cette méthode d'analyse propose une lecture
sociohistorique du texte. Selon lui, l'approche sociocritique tente de
construire « une poétique de la société,
inséparable d'une lecture de l'idéologique dans sa
spécificité textuelle » (Duchet, 1971 : 6). En fait, la
méthode sociocritique a permis de s'intéresser à ce que le
texte signifie, et aussi à ce qu'il transcrit, c'est-à-dire
à ses modalités d'intégrer l'histoire au niveau du contenu
aussi bien que la forme. Aussi elle s'est avérée efficace et
importante pour l'analyse du corpus pour plusieurs raisons ainsi : L'auteure
s'est fortement inspirée de la société et de ses faits et
pratiques projetés dans la peinture du monde de fiction. De plus, il a
été important d'utiliser la méthode sociocritique, car les
heurts de la supériorité de l'homme à la femme retombent
sur un échantillon des individus faisant partie de la
société d'où tous les gens en sont sensibles. Ensuite, la
domination masculine dans les sociétés africaines,
c'est-à-dire la patriarchie, semble être source d'inspiration pour
l'auteure. Ainsi, l'on a étudié l'organisation sociale, politique
et économique, tant au niveau des normes que des pratiques en rapport
avec la victimisation de la femme.
L'on s'est attelé dans le premier chapitre à
étudier les sources de la victimisation dans les deux oeuvres du corpus.
En effet, l'imaginaire du peuple représenté dans l'univers
littéraire est l'élément duquel la subordination de la
femme à l'homme est tramée. S'appuyant sur les croyances et les
principes religieux, en l'occurrence l'Islam, les personnages homme font une
interprétation subjective de ces éléments. Ils en
détournent les sens afin de se placer au-dessus de la gent
féminine. Certains préjugés calqués sur l'image de
la femme que se représentent les peuples font partie des arguments
avancés pour pérenniser la maltraitance. Aussi, la femme, du
moment où elle n'a pas droit à la parole, elle ne
bénéficie pas non plus de la scolarisation. L'absence de
l'éducation scolaire chez la jeune femme ne lui permet pas de
réclamer ses droits, encore moins de comprendre les fourberies de
l'homme qui n'ont pour seul justificatif que l'affirmation de sa
masculinité. Pour ce qui est des traditions, la société
peule, source de création pour l'auteur, s'exprime à travers le
corpus par des principes liés au patriarcat. La femme se doit de se
conformer à ces règles qui sont extériorisés par le
pulaaku. Ce principe qui repose sur la patience et la retenu. Ainsi,
face aux vicissitudes de la vie au foyer, il est imposé à la
femme de patienter, de faire preuve de retenu.
Pour ce qui est des moyens employés par les personnages
hommes pour assujettir la femme, ils sont entre autre le mariage forcé,
la répudiation, l'éducation discriminatoire, la
dépersonnalisation de la femme, la femme muselée. Ainsi, toute
femme qui s'écarte des principes du pulaaku ou qui tenterait de
se soustraire de l'autorité masculine se voit mariée ou
répudiée sans qu'elle n'ait à justifier son attitude.
Au-delà, elle est violentée et violée sous prétexte
qu'elle appartient, selon l'islam ou la tradition peule à l'homme.La
victimisation n'est pas sans conséquence pour les personnages qui
prennent part au forfait. Lorsque le patriarcat s'abat avec toute sa rigueur
sur la gent féminine, elle manifeste des troubles psychologiques, la
famille se disloque, le personnage peut même perdre la vie.
L'écriture de Djaïli Amadou Amal, à travers
ses deux romans étudiés, a une forte teneur idéologique.
En effet, engagée pour la cause de la femme du sahel, sa production
littéraire permet une prise de conscience à la fois des hommes et
des femmes. À cet effet, le parcours des personnages jonchés de
changements d'attitudes et de regrets permet aux lecteurs de prendre conscience
de la situation précaire de la femme. L'auteure véhicule des
messages à travers les situations que traversent les femmes et les
hommes. D'aucuns regrettent les actes de violence posés à
l'égard de la femme, d'autres se révoltent contre le
système en place et les hommes.
La recherche a révélé que la domination
de l'homme se perpétue. Le patriarcat et la religion donnent la
liberté à l'homme de dominer et d'opprimer la femme. Par le biais
du sacrée coutume et tradition, l'homme réussi à faire
accepter à la femme la mentalité d'infériorité. Par
conséquent, la femme, celle représentée dans les deux
romans, par rapport à l'homme, est placée à
l'arrière-plan de la société. Elle accepte d'accomplir des
rôles qui lui sont attribués par la société : une
épouse, une procréatrice, une mère, une éducatrice
de la formation précoce et un modèle de femme. Elle n'a pas de
droits à être écoutée et reconnue. Elle n'a le droit
de prendre des décisions dans sa famille et chez le mari même pour
les affaires du mariage qui la concernent. Au cours de l'époque
coloniale, le statut de la plupart des femmes africaines restait encore
inférieur et n'a guère changé de meilleur, en dépit
de l'introduction des valeurs occidentales dans la société
africaine.
Au fil du récit, certains personnages féminins
ont acquis de l'expérience et sont excédées par les
agissements des hommes. Ce qui a soulevé chez elles la prise de
conscience de leur situation d'opprimées. N'acceptant pas d'être
opprimée et exploitée, la femme a eu recours à la
révolte pour se libérer du système traditionnel et
patriarcal. De nos analyses, il est clair qu'il y a plusieurs formes de
révolte par lesquelles les femmes démontrent leur
mécontentement de toutes formes de l'oppression contre les hommes. La
révolte se manifeste par le biais de rejet, de refus, de
réaction, de discours insolent, de mauvais comportement, de libre emploi
du corps incluant, pour ne mentionner que ceux-là. Toutes ces formes de
révolte sont bien articulées par notre auteure dont les oeuvres
ont été explorées dans notre travail. Suite à la
révolte, la femme évolue, de la femme ménagère,
docile, soumise et passive à celle émancipée. Les
personnages femmes ont découvert que leur aliénation par l'homme
passe par l'emploi de la tradition et la religion comme mécanismes de
l'aliénation. Elles ont compris que le phénomène du
mariage comme un système où la femme n'a pas le droit de
décision car, elle est contrainte à épouser un homme pour
qui le sentiment le plus intime n'est jamais apparu pour parler d'amour.
L'imposition d'époux à la femme (mariage forcé) par les
familles les réduit au champ minimal de la liberté d'expression
dont l'idéal aurait voulu qu'elle puisse donner son assentiment tout
comme l'homme. La femme voit alors ce qui peut être le droit à son
égard s'envoler comme si de rien n'était.
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