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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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4.2.2. Conscientisation des hommes et des femmes

Djaïli Amadou Amal est l'une des écrivaines qui jouent un rôle important dans l'émancipation de la femme africaine. On peut déduire à travers ses oeuvres que l'école est un moyen indispensable pour susciter la prise de conscience. Les femmes instruites mettent toujours en cause leur état et refusent la place à laquelle la société les relègue. Dans Walaandé. L'art de partager un mari, Sakina prouve à ses coépouses que les différentes interprétations du coran données par les hommes sont fausses. Elles visent à les conforter dans leurs positions dominantes au sein de la famille tout simplement. Les jeunes enfants des différentes familles représentés dans le corpus, des collégiens, se rebellent contre la décision prise unilatéralement par leurs parents de les marier, ceci est dû au mépris de leurs ambitions.

Djaïli Amadou Amal se sert également de sa plume pour créer des héroïnes qui, à travers les évènements prennent conscience de leur état et finissent par se révolter. Par exemple dans le roman ci-dessus cité, Hadja Aïssatouqui a toujours été taciturne et soumise durant ses deux décennies de mariage est devenue une révoltée par la force des souffrances et des mépris. Ses propos démontrent clairement sa prise de conscience et elle se révolte : « Cette fois, tu vas m'écouter, car j'en ai marre de tes bêtises. J'ai toujours tout supporté en silence. Tes mariages, tes répudiations, tes ordres. Tu détruis tout sur ton passage, tu te prends pour Allah ? » (WAPM : 141).

Les femmes dans Munyal. Les larmes de la patience font montre d'une prise de conscience assez claire de l'injustice, du manque d'équité et de la violence que charrient la polygamie et le masochisme masculin, tels qu'elles les vivent dans leurs foyers et autour d'elles. Il faut dire tout que cette prise de conscience s'est notamment manifestée par un acte qui récuse la tradition en même temps que la morale religieuse :

Je ne dis rien mais je soulevai juste mon corsage dénudant mon dos, dévoilant les grandes ecchymoses que l'on pouvait encore voir. Avec le temps, elles avaient pris une couleur plus foncée, ce qui arracha à ma mère un cri de stupeur.

-« Oh ! Hindou, avec quoi t'a-t-il fait ça ? Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?

- Qu'as-tu fait à Moubarak pour qu'il abatte sur toi une telle fureur ? fit froidement ma tante. Qu'Allah nous préserve. Franchement, toi et ton époux, vous vous valez. Pas la peine d'entrer dans vos histoires.

- Je ne veux plus patienter, criai-je, éclatant en sanglots. J'en ai assez. Je suis fatiguée d'endurer, j'ai essayé de supporter mais ce n'est plus possible. Je ne veux plus entendre patience encore. Ne me dites plus jamais munyal ! Plus jamais ce mot !

-Tu en as trop supporté, Hindou. Plus que ce que tu aurais dû peut-être, ajouta ma mère, me réconfortant alors que je sanglotais de plus belle.

-Tu expliqueras cela à ton époux, Amraou ! »conclut sèchement GoggoNenné en se tournant vers ma mère. (MLP : 115)

En effet, après s'être mariée, la jeune Hindou subit des violences conjugales. Malheureusement elle ne trouve de soutien ni de la part de la belle-famille encore moins de ses parents. Elle décide d'engager une lutte suicidaire pour sa libération. Elle fugue de son foyer conjugal. Or, jusque-là, ses parents n'ont pas pris conscient de la gravité de la situation de leur fille. Cette dernière décide de dévoiler finalement les marques de violence sur son corps. Ce qui enclenche une prise de conscience. Sa mère est d'autant plus révoltée qu'elle est entre contradiction flagrante avec les principes moraux de silence et de soumission qui sont censés être à son quotidien. Tel est le cadre dans lequel a pris corps sa prise de conscience sur la condition de vie conjugale de sa fille; tel est également le creuset dans lequel se sont forgées, sa révolte contenue, velléitaire contre l'oppression et l'asservissement de sa fille par la structure polygamique ainsi que sa détermination à combattre les abus de cette pratique, par tous les moyens dont elle peut disposer. Aussi n'a-t-elle pas craint, dans le légitime souci d'assumer pleinement son humanité, de subir la colère d'un père en courroux, en contestant ouvertement la violence dont fait preuve son gendre Moubarack à l'égard de Hindou. Le brutal soufflet reçu du père, blessé dans son amour propre de mâle omnipotent, contrarié dans ses prises de position pour la première fois, mais aussi dans son orgueil de maître absolu du domicile, humilié, voire bafoué par une contestation « féminine » à l'interne, loin de la réduire au silence et à la résignation, l'a davantage enhardie et galvanisée dans son désir de poursuivre la lutte pour plus de justice sociale et d'équité en faveur de sa fille.

La prise de conscience se réalise également du côté des personnages masculins. À la fois individuelle et collective, les hommes se rendent à l'évidence de leur faute et rectifie le tir. Ils comprennent désormais leur entière responsabilité dans la souffrance endurée par les femmes dans l'univers familial.

Toi aussi, je suis au courant de ton comportement. Fais attention à toi, Moubarak ! Ça ne te servira à rien de te comporter comme un voyou. On a appris que tu maltraites ton épouse, que tu te drogues et que tu bois. Ce n'est pas sensé. Au-delà du fait qu'elle est ton épouse, c'est quand même ta cousine, et tu lui dois protection. Que ce soit la dernière fois que j'apprends que tu l'as frappée. Quand on épouse une inconnue, on lui doit des égards. Quand on épouse un membre de sa famille, on lui en doit deux fois plus. Tu veux diviser la famille ou quoi ? Tu n'es pas innocent dans ce qui s'est passé. (MLP : 118)

Comme nous pouvons le constater dans cet extrait, les hommes prennent la défense de la gent féminine. Bien que profondément ancrés dans le patriarcat, ils avouent timidement leur responsabilité. Désormais, la jeune Hindou peut compter sur le soutien parental, face à son époux.

Notons aussi que la louange et la valorisation des femmes martyres occupe une place importante. Aissatou a sacrifié son mariage pour libérer ses coépouses et par ricochet, toutes les femmes qui, comme elles vivent dans l'étau de la polygamie. Yasmine a sacrifié sa vie pour libérer ses frères et soeur, et par la même occasion la nouvelle génèration de la communauté peule qui se trouve coincée entre les griffes de la tradition ; et qui les empêche de prendre l'envol, de s'assumer en tant qu élément du monde. C'est grâce à la mort de Yasmine que Mustapha, Fayza et Amadou octroient la capacité d'être eux même.

Somme toute, il faut retenir qu'en l'état actuel de la société représentée dans les deux romans, avec une forte prédominance du mode de vie traditionnelle, il n'est pas aisé pour la gent féminine de trouver une solution toute faite aux problèmes liés au patriarcat, bref la tradition. Dans les deux textes, les personnages féminins visent une société qui soit un modèle d'équilibre dynamique entre les solides valeurs traditionnelles qui ont fait leurs preuves et l'adaptation judicieuse aux réalités actuelles. La réalisation d'un tel objectif passe par une véritable reconversion des mentalités obtenue à travers des efforts significatifs de mis en scène des personnages et d'éducation de toute la société et des femmes en particulier.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway