4.2. Voies de libération de la gent féminine
Les premières décennies de la
littérature africaine ont connu une occupation hégémonique
de l'univers littéraire par les écrivains hommes. C'est ainsi que
pendant cette période de temps qu'on peut qualifier de long, les
écrivains hommes s'étaient arrogés le droit de parler des
femmes en leurs termes phallocentriques et selon l'idéologie
patriarcale. À quelques exceptions près (en l'occurrence Ousmane
Sembène et Henri Lopès), les personnages féminins ont
toujours occupé des places secondaires dans les oeuvres des romanciers.
En tant que simples subalternes, leur présence se limitait à
faire valoir l'omniprésence et l'omnipotence du ou des héros. En
poésie, elles ne sont vues que de l'extérieur, et de
manière exagérée.
Magnifiées pour ne pas dire mythifiées ou
mystifiées dans leur rôle de mère, elles sont
chantées pour leur abnégation, candeur, douceur et plus
superficiellement encore, pour leur beauté. On peut se
référer ici au célèbre poème du
président Senghor : « Femme nue, femme noire ».La femme
africaine contemporaine a un statut singulier. De la fille non
scolarisée à la fille scolarisée, elle a su se servir de
son éducation livresque pour embarquer dans le navire des intellectuels.
Jadis, qui disait femme africaine disait besogneuse sans répit,
astreinte à des travaux accablants à l'instar des labeurs
champêtres et domestiques. Les années soixante-dix marquent
l'avènement d'un jour radieux pour ces femmes au destin
prédéterminé. La reconsidération du statut de la
femme ayant favorisé la libéralisation de sa parole, lui a permis
non seulement de parler de sa condition face aux injustices commises par le
système patriarcal à son égard, mais aussi de se poser
avec une certaine sagacité un regard critique sur les problèmes
économico-politique, pour pouvoir s'ériger en productrice de
civilisation.
Djaïli Amadou Amal par sa littérature, applique
à la lettre l'exhortation des femmes africaines à opérer
positivement des changements à leur endroit. Dans son essai sur
« la fonction politique des littératures
africaines », Mariama Bâ écrit : «c'est
à nous, femmes de prendre notre destin en main pour bouleverser l'ordre
établi à notre détriment et ne point le subir. Nous devons
user comme les hommes de cette arme qu'est l'écriture ». Par
l'expression « comme les hommes », Bâ invite ses
consoeurs à se mettre au même pied d'égalité que les
hommes. Cette égalité ne se situe que sur le plan intellectuel
afin de mieux parler de ses ressentiments. ». Allant dans ce sens,
Joseph Ndinda dira que « les premiers discours littéraires
féminins sont en réalité des contre-discours venant
invalider l'image de la femme qui surgit de la plume des écrivains
africains des périodes avant et immédiatement après les
indépendances » (Ndinda, 2000 : 28). Nul ne connaît
mieux la femme et les conditions dans lesquelles elle vit que la femme, donc,
nul ne peut mieux parler de la femme et de son existence que la femme.
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