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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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4.1.3. Une écriture du tragique

Le tragique est le caractère de ce qui est funeste, alarmant ou attaché à la tragédie. Un personnage tragique semble soumis au destin, à la fatalité; il est emporté par ses passions ou subit un conflit intérieur proche de la folie. Le registre tragique est proche du registre pathétique parce qu'ils suscitent l'un et l'autre la pitié, mais il s'en distingue par le caractère terrifiant des situations dans lesquelles se trouvent les personnages. Ainsi, dans un roman par exemple, un personnage dont le destin est irrémédiable, souvent funeste. Une autre caractéristique d'une « fin tragique » peut être la mort du personnage dans d'atroces souffrances.

Que ce soit l'une ou l'autre des situations expliquées ci-dessus, elles se retrouvent représentées dans les deux romans de Djaïli Amadou Amal. En effet, dans Munyal. Les larmes de la patience, le personnage de Hindou est victime de ses malheurs. Elle est d'une manière générale responsable de ceux-ci. D'après Paul Ricoeur, « dans la tragédie, le héros tombe en faute comme il tombe en existence ». De fait, le personnage/Héros tragique est rarement innocent. Même s'il l'est, il demeure coupable de vivre. Le tragique repose souvent sur une tension entre une norme (tradition) et une transgression (une faute). Pour le cas précis, la faute de Hindou provient de ce qu'elle veut s'affranchir de son époux, du mariage, de son foyer conjugal. Ce qui lui est imposé par sa famille et ses parents, dignes représentants des lois traditionnelles. Or, elle est sans cesse poussée par sa volonté de reconquérir sa liberté. Ce qui constitue donc la faute. Il y a donc tension entre ces deux pôles : se conformer ou s'affranchir. Son malheur vient de là.

Ainsi, se déchaînent contre le personnage une série d'évènements. Le premier élément qui pèse sur Hindou résulte d'un châtiment que Moubarak lui inflige en réparation ou en expiation d'une faute : « Espèce de petite peste ! Tu m'as mordu mais tu verras. Tu ne perds rien pour attendre. » En fait, selon les propos du personnage de Hindou, son cousin Moubarak aurait voulu abuser d'elle. Cette dernière, en se défendant, par un coup de hasard, l'a mordu. Cette « faute », considérée comme un affront par son cousin, scelle son destin. Elle subira les conséquences dans le mariage. Arrivée dans le foyer conjugal, Hindou en rajoute à sa faute : elle défie l'autorité familiale, car elle fugue, tentant de s'échapper aux violences répétées de son cousin époux. Pour elle, « le jour où j'ai déserté la maison conjugale, sans destination précise, je n'avais guère imaginé les conséquences de ma fugue ni pour moi et encore moins pour le reste de la famille. » (MLP : 132)

Le personnage a provoqué les foudres de la société et l'a défiée avec son comportement. Le père, irrité par ce comportement, est décidé à lui faire subir un sort funeste : « je vais te tuer ». À sa manière, il la punit. Elle va subir une violence inouïe, qu'elle ne reconnaissait pas à son géniteur. À présent, Diddi, la mère de Hindoua l'esprit plein de remords et de culpabilité, croyant que ce malheur est de sa faute et le fruit de son attitude envers sa fille.

L'expression du tragique dans les romans de Djaïli Amadou Amal recourt à une expression sobre, à même de retenir l'attention du lecteur sur la situation que vit le personnage féminin. C'est dire que le codage du rapport émotionnel est facilité par le recours à un style simplifié par l'auteure. Les mécanismes à l'oeuvre employés par l'écrivaine constituent un appât pour le lecteur par rapport à la souffrance, à la tragédie que vivent les personnages.La représentation des personnages impliqués dans la situation tragique (il y a ceux qui souffre; et ceux qui font souffrir) rendle récit captivant. La souffrance, qu'elle soit physique ou émotionnelle, augmente considérablement l'implication émotionnelle du lecteur. Ainsi, Walaandé. L'art de partager un mari foisonne de marques d'écriture de ceregistre que nous allons repérer et relever. À cause de l'état de Yasmine, les mariages furent repoussés. La jeune fille n'allait pas bien. [...] Hadja Aïssatou, les yeux rouges par manque de sommeil, égrenait sans cesse son chapelet. [...] Fayza, assise sur le lit de sa soeur, tenait sa main amaigrie et essuyait de temps à autre une larme discrète pour ne pas inquiéter la malade. Même Alhadji ne parvenait plus à cacher son inquiétude.  (WAPM : 120). Tous les personnages impliqués dans le récit, ressentent chacun à un degré variable, l'intensité de la situation tragique vers laquelle s'achemine la famille. À travers des expressions simples, elle prend de l'ampleur chez le lecteur. Il se sent concerné par la tragédie.

Une autre des structures de l'écriture tragique est le personnage ou héros tragique Barthes le définit comme : « l'enfermé qui ne peut sortir sans mourir » (Barthes, 1963 : 22). Dans Munyal. Les larmes de la patience, Yasmine est enfermée dans un espace tragique qui est clos (la concession de son père) et lorsqu'elle entreprend de quitter cet espace, c'est la mort qui la guette au détour. Ainsi, s'installe en elle une situation d'instabilité, de confrontation entre la volonté du père et ses propres choix. En outre l'instabilité et la division sont caractéristiques du héros tragique: il est un être instable et divisé, si bien que son amour et ses émotions sont instables : « il ne se débat pas entre le bien et le mal, il se débat c'est tout » (Barthes, 1963). Le héros tragique est proche d'un patient atteint par le dédoublement de la personnalité, en d'autre termes il est atteint par la scission du « je ». C'est pourquoi le monologue intérieur est si fréquent dans ces oeuvres tragiques. Car il est l'expression idéale de la division.

On revient à la mort tragique pour dire que le héros tragique cherche la mort et ce pour rompre une situation, et cette même volonté-même si elle ne se concrétise pas, elle est cependant considérée comme une mort. C'est la mort rupture qui peut être la conséquence d'une découverte d'une vérité tragique ou l'inacceptation d'une situation. Comme c'est le cas de Yasmine qui refuse son mariage. Dans toute oeuvre tragique la figure du père est omniprésente : le sort de tout personnage tragique, Hindou et Yasmine est étroitement lié à leurs pères. À ce propos et comme le souligne Barthes : « Il n'ya pas de tragédie où il ne soit réellement où virtuellement présent ». Les souffrances auxquelles les deux jeunes filles sont confrontées dans les romans ne sont que les résultats des fautes que leurs pères respectifs ont commises. Il faut aussi avouer que concernant les pères, le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils ne sont pas des pères idéaux. Ils sont violents. En outre, c'est sont eu qui ont rendu Yasmine et Hindou malheureuses pour toujours et ce en choisissant pour elles leurs époux, qu'elles n'aiment pas.

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