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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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3.1.2. Les troubles psychologiques

Parlant de la littérature africaine féminine, le critique marocain Nadia Chafaï, note que les écrivaines « expriment les obsessions qui les taraudent. Elles dévoilent leur intimité; et pour dévoiler cette intimité, elles ne peuvent agir autrement que par la mise à nu de leur sentiment à travers la mobilisation d'un vocabulaire hautement expressif. Celui-ci traduit primordialement leur fêlure, leur délicatesse de coeur, leur passion, leur fragilité, leur émotion et leur vie affective. » (Chafaï, 2014 : 14). S'inscrivant dans cette logique de l'écriture de l'intimité de la femme, Djaïli Amadou Amal met en scène la vie des femmes confrontées à l'enfermement patriarcal.

L'analyse des textes a permis de rendre compte que le phénomène de la polygamie affecte presque tous les personnages. Comme noté plus haut, il est une arme entre les mains de la gent masculine au service de la sujétion de la femme. Pour mieux dompter une épouse, prendre une seconde épouse paraît, quoique implicitement évoqué dans le corpus, la solution idoine. Et les principes qui régissent cette pratique matrimoniale rendent la femme en éternelle victime. Au-delà de la victimisation de la gent féminine, il y'a des conséquences qui en découlent. Il s'agit du côté psychique de la polygamie et son influence sur les coépouses, sur leurs enfants; ce qui implique par la suite la communauté toute entière.

Dans Walaandé. L'art de partager un mari, on peut dire que la cohabitation des épouses a de durs effets sur les concernées : des pleurs, des cris de détresse et de désespoir hantent leurs vies. Ce sont là les mots et les sensations qui reviennent souvent dans la bouche de Djaïli, Hadja Aïssatou, ou Safira dans Munyal. Les larmes de la patience, vivant dans cette situation. La polygamie prive la maison de sa tranquillité et de sa stabilité en nourrissant les haines des épouses qui sont en compétition pour attirer les attentions de l'homme. « En effet, les femmes se côtoient sans cesse au point de se sentir piégées aussi bien par les murs hauts qui nous entourent que par les étoffes de plus en plus sombres et lourdes que mon oncle Moussa nous oblige à revêtir. Il n'y a pas un jour où elles ne s'agacent voire s'entredéchirent à force de tourner en rond comme des lionnes en cage. » (MLP : 105) Ces haines les conduisent au conflit surtout lorsque, sous la pression d'un désir ou d'un sentiment, l'homme se montre attiré par l'une d'elles aux dépens des autres, ce qui peut rendre ces dernières psychologiquement « complexées » vis-à-vis de la première.

Cette situation est visible dans la même oeuvre lorsque Safira, après le remariage de son époux, s'engager à mener des actions visant à reconquérir le coeur de son époux malgré les assurances à lui données par ce dernier. Pour elle, rien ne pourra l'arrêter, quitte à faire perdre la raison ou la vie à la nouvelle élue, sa principale rivale. Elle ne tolère pas qu'après une semaine de noces, son époux ait pu changer de comportement aussi vite. En fait, lorsqu'Alhadji a convolé en deuxième noces, il a passé une semaine de lune de miel, conformément à la loi coranique. Toutefois, après ce délai, il décide d'effectuer un voyage sur Yaoundé (MLP : 147) et en compagnie de la nouvelle épouse. Ce qui prolonge les sept jours légalement dus. Ainsi, la première épouse s'est sentie lésée, méprisée, touchée dans son amour propre. Pour elle, il est inadmissible, qu'après près de deux décennies de mariage, son époux la traite de cette façon. Ainsi, malgré les conseils de son amie, elle reste décisive :

Je ne veux pas patienter, dis-je très irritée. Ne me parlez plus jamais de munyal. Je ne patienterai pas jusqu'à ce que son caprice finisse, comme tu dis. Je n'ai pas de temps pour attendre je ne sais quel hypothétique moment. Je veux qu'elle parte immédiatement. Je veux que tu fasses un karfaentre eux, que ce mauvais sort les sépare, qu'ils se déchirent à Yaoundé. Je veux qu'il regrette ce mariage. Je suis prête à perdre tout ce que je possède pour cela. Je dois retrouver ma dignité ! (MLP : 147)

À partir de cet extrait, l'on se rend compte de ce que Safira est devenue psychologiquement instable, au point d'attenter à la vie de son époux et de sa coépouse. Safira s'est complètement métamorphosée. Son amie ne manque pas de le lui rappeler : « Tu me fais peur Safira ! Comment as-tu pu changer ainsi seulement en une semaine ? » (MLP : 147)

Face aux diverses pressions qui l'incriminent, il arrive que la femme peule perde tout ce qui est logique, du fait de l'autorité absurde et dérangeante de la suprématie masculine. Elle commence (parlant de la femme peule engagée) tout d'abord par exprimer son désintéressement à ce qui l'embrasse, cherche secours et finis par exploser à bout de force. L'attitude du personnage Hindou dans l'oeuvre Munyalen dit plus : « Je ne veux plus patienter, criai-je, éclatant en sanglot. J'en ai marre ! Je suis fatiguée d'endurer, et j'ai essayé de supporter comme je le pouvais.Je ne veux plus entendre munyal encore. Ne me dite plus jamais munyal ! Plus jamais ce mot ! »(MLP : 168).

Ces paroles fiévreuses du personnage montrent son degré de lassitude face à des normes unilatérales. Ayant assez supporté, patienté, elle décide de proscrire ce mot de son vocabulaire et se refuse de l'entendre, elle a enduré autant qu'elle le pouvait, s'en est fini car elle est engagée et déterminée à finaliser sa décision. L'emprisonnement dont elle est victime de son jeune âge, à l'âge l'adulte la bouleverse totalement, en la plongeant dans un état psychotique chronique dont elle finit par succomber. Hindou explique les causes de sa « folie » comme suit : « On dit que je suis folle... ! Combien de temps suis-je restée dans la chambre, surveillée vain et de ne pas pouvoir respirer... vouloir crier et ne pas pouvoir ouvrir la bouche : vouloir pleurer et ne plus avoir les larmes : vouloir dormir et ne plus jamais se réveiller. »

La présence d'un vocabulaire de modalisation traduit l'effet textuel faisant par du désir interne du personnage féminin dans notre univers textuel. Le verbe vouloir, exprimant la volonté, l'intention et l'envie est capitale pour chaque être décisionnaire. Le verbe pouvoir pour sa part renvoie à la possibilité de faire quelque chose, être capable, en mesure de (en raison des qualités de la personne ou de la chose, ou en raison des moyens offerts par les circonstances). La mise en parallèle de ces verbes d'action est assez significative en ce sens qu'ils illustrent une envie (du personnage) qui n'aboutit pas. À ce propos, hindou donne succinctement les raisons de sa psychose et cite ses bourreaux :

On a commencé à m'attacher. Il parait que je cherche à fuir. Ce n'est pas vrai. Je cherche juste à respirer. Pourquoi m'empêche-t-on de respirer ? Pourquoi m'empêche-t-on de voir la lumière du soleil ? Pourquoi me prive-t-on d'air ?Je ne suis pas folle ! Si j'entends des voix, ce n'est pas celle du djinn. C'est juste la voix de mon père ! La voix de mon époux, de mon oncle ! La voix des hommes de ma famille ! Je ne suis pas folle ! Si je me déshabille, c'est pour mieux respirer tout l'oxygène de la terre.[...]Je ne suis pas folle ! (MLP :169).

La teneur sémantique (ensemble des significations diverses se rapportant à un ou plusieurs mots, en fonction de la situation d'énonciation.) du fragment précédent donne une idée assez précise sur l'immense barrière qui sépare « la prétendue malade » aux restes du groupe qui trouvent une raison autre que la véritable.

La victimisation renvoie à la notion de pouvoir et de contrôle d'un individu sur un autre, à une volonté d'emprise. Pour augmenter son pouvoir et son contrôle sur les femmes, les hommes ont recours à plusieurs modalités de fonctionnement : la coercition et les menaces : menacer de lui faire du mal et le mettre à exécution, intimidations, menacer de la confronter à ses peurs (jurer sur le coran) (MLP : 161). Au sein des familles polygamiques représentées dans le corpus, la violence est un mode opératoire évoluant sur plusieurs années, et a un fort impact psychique.

À partir du moment où la femme en général et celle vivant dans un foyer polygamique est victime de la phallocratie, il n'existe pour elle de possibilité de choix, de décision ou même de riposte face à ce qui leur arrive. Elle subit l'imposition du mode de vie impacte la vie des femmes. C'est ce qui arrive à Djaïli. Face à l'annonce brutale du remariage de son époux, elle se métamorphose et change de personnalité. Ainsi, « De dépit, elle avait développé un vrai art de la mesquinerie. [...] Elle était devenue triste, irritable et agressive. Elle commença à porter sur son visage, de plus en plus dur, la mutation effrayante de son caractère. » (WAPM : 49).

Le statut carcéral de la femme de suite de la rigidité des principes traditionnels et de la religion la pousse à adopter un comportement qui frise les troubles psychologiques. Il s'agit de sa réaction face aux conditions sociales précaires à lui imposées par l'homme. Ce dernier, tel que présenté dans le corpus n'admet aucune concession par pur orgueil. Conséquemment, la gent féminine se retrouve victime une fois de plus. Ce qui conduit à empester l'univers romanesque d'une sensation funeste.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon