WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.2.2. La femme muselée

La relation homme/femme, en situation de vie conjugale et polygame, est caractérisée par le musèlement, qui passe pour la soumission. Cette dernière est déterminée par l'obéissance absolue de la femme à son mari. À ce propos, KembeMilolo affirme que « l'obéissance au mari est une tradition qui répond à la nature. C'est un penchant naturel de la femme de se mettre consciemment ou inconsciemment à la volonté de son mari » (KembeMilolo, 1985 : 178). Dans le contexte traditionnel africain, la soumission obéit à une perception particulière, car la soumission est considérée comme une des qualités les plus appréciées chez la femme.

La religion joue également un rôle important dans le processus de musèlement de la femme dans la société représentée à l'oeuvre. L'univers dans lequel se meuvent les personnages est fondamentalement musulman et la religion y exerce une grande influence. À cause du mariage et de la religion, les épouses se sentent attachées aux époux. Elles ne peuvent s'imaginer une vie sans eux. La dépendance est une construction. Les passages du Coran sont interprétés de telle sorte que les femmes sont astreintes à la résignation, à accepter leur souffrance et se terrer dans le mutisme. Ainsi, l'Oncle Hayatou, explique aux épouses d'Alhadji la délicatesse et les conséquences d'un divorce : « On ne s'amuse pas avec ça. Le divorce est la chose permise la plus détestée d'Allah. Un hadith nous apprend que le divorce ébranle le trône d'Allah.» (MLP : 146). Ainsi, à partir de cette interprétation du Coran, les épouses ne croient pas qu'elles puissent être heureuses étant divorcées. Elles sont prisonnières de leur amour et de leur attachement aux époux. Désormais, les personnages féminins ne peuvent se réaliser et s'épanouir que dans le mariage. Elles ne peuvent concevoir le bonheur hors du foyer conjugal. C'est pour cette raison qu'elles choisissent la résignation et accepte une vie polygamique et toutes les conséquences qui en découleraient. Elles se sentent forcées à cause des hommes, de la société et des traditions.

L'image de l'époux Djaïlien, est celle d'une personne qui saute sur la moindre occasion qui se pointe pour nuire à sa compagne, sinon le générer par lui-même. La femme résignée, n'attend ni secours, ni espoirs et se conforme juste à ce que tous attendent d'elle. En plus des violences et souffrances que subit la femme de la part de son époux, l'avidité du père autoritaire la submerge de « bonus » alors qu'elle est hors de sa concession :

Il entra comme un fou dans sa chambre, en ressortit avec un long fouet dont il me cingla les épaules. Les coups sifflaient sourdement dans l'air.L'angoisse qui m'étranglait depuis le matin se mua en une véritable terreur.Je cherchais un coin pour me prémunir un tant soit peu de ce déchaînementde violence car mon père ne se contrôlait plus... Quand mon père estima laPunition suffisante, il retourna sa rage vers ma mère ! Elle ne bougea pas, ne pleura pas et reçut stoïquement coup après coup, sans ciller. (MLP : 116)

Dans le dernier passage ci-dessus, nous notons la présence d'une double conjonction éthique et narratif, car l'auteure s'arrange à ressortir d'un côté la bravoure de la femme peule (mère d'Hindou en l'occurrence) et de l'autre, elle énonce ce fait dans un style syntagmatique précis. La rage paternelle qui s'abat sur la gent féminine est aussi grande qu'on se demande si son autorité a des bornes. Sinon, comment expliquer cette violence qu'il exerce sur sa fille qui est mariée ? Et de cette question, on peut comprendre cette confusion de rôle parce que l'époux de sa fille est son fils. Cet argument familial permet une garantie de la main mise paternel en tout lieu et en tout temps.Il est écoeurant de constater que, même entant adulte la femme peule est traitée comme un enfant, violentée devant toute la famille sans que quiconque ne lève le petit doigt, pire encore, on la « corrige » devant sa propre fille des banalités.

Il faut signaler que la soumission est une attitude adoptée par la plupart des femmes qui ont subi la polygamie surtout celles qui ont grandi dans un milieu traditionnel proprement dit. Bien sûr la première réaction contre la polygamie varie d'une femme à une autre. C'est une question purement personnelle. Autrement dit, cela dépend de la personnalité de la femme concernée. De toute façon la femme manifeste son mécontentement. Mais sous la pression des contraintes et les obligations qui sont d'une part, de la famille et de l'entourage et d'autre part, de la société en général, elle cède volontairement ou involontairement à cette situation tellement difficile. Il en est ainsi du cas de Ramla dans Munyal.Les larmes de la patience :

-Ton oncle Hayatou a accordé ta main à un autre.

-Tu n'épouseras plus Aminou. Ton père te le fait savoir.

-Alhadji Issa ! L'homme le plus important de la ville. Tu gagnes au change.

-Mais, Diddi, je ne le connais pas !

-Lui, il te connaît. Apparemment, il a beaucoup insisté pour t'épouser. Ton père en est très fier, tu sais ?

-Mais, j'aime Aminou ! C'est avec lui que je veux me marier.

-L'amour n'existe pas avant le mariage, Ramla. Il est temps que tu redescendes sur terre. On n'est pas chez les Blancs ici.[...] D'ailleurs, as-tu le choix ? Épargne-toi des soucis inutiles, ma fille. Épargne-moi aussi, car ne te leurre pas, la moindre de tes désobéissances retombera invariablement sur ma tête.

À travers cet échange, l'on remarque qu'il s'agit ici de la volonté de la mère d'imposer à sa fille le désir de la famille. L'intérêt général prime sur celui de la fille. Son opinion, encore moins ses sentiments ne sont considérés.

Il existe donc assez de raisons pour lesquelles la femme est soumise. Il parait évident de dire que, la formation que la femme reçoit, est la première raison par excellence. Elle vise à la museler complètement. Ainsi nous pouvons dire que ce choix est motivé par plusieurs facteurs : la formation de la femme, son âge et le milieu dans lequel elle grandit. Toutes les femmes du corpus, d'une manière ou une autre sont concernées par le mutisme ou le musèlement. Évidemment, plusieurs aspects interviennent dans ce problème : des aspects économiques, psychologiques, sociaux et religieux. Le problème le plus grave réside dans la dépendance morale et économique de la femme sur l'homme. C'est une dépendance soigneusement préparée car, la femme est interdite de toute activité. La seule activité à laquelle est astreinte, est cantonnée dans le foyer. C'est à cause de cette dépendance que la femme se trouve dans une situation très dramatique. Elle ne supporte ni la solitude ni la pauvreté. Du moment où elle n'exerce aucune activité génératrice de revenus, elle pense ne pouvoir vivre sans son conjoint. Ainsi, c'est lui qui assure sa protection et l'abrite. Même si sa situation dans le foyer est des plus déconcertantes, elle se résigne à l'accepter.

Avec l'entourage qui met la pression, adopter une réaction négative contre toute pratique dégradante à l'égard de la femme devient difficile pour elle. D'ailleurs, la société trouvera inconcevable qu'elle se rebelle contre la tradition. Même ses propres parents ne l'admettent pas. Ainsi : « En catimini, les femmes de la famille me parlaient du mariage comme d'un devoir auquel on ne pouvait échapper. Et si, par malheur, il m'arrivait encore d'évoquer l'amour, elles me traitaient de folle, me disaient que j'étais égoïste et puérile, que je manquais de coeur et n'avais pas le sens de la dignité. J'étais belle, ce n'était pas à moi de courir vers mon futur mari. C'était plutôt à lui de tout faire pour me mériter. » (MLP : 46).

Le mariage, polygamie, la volonté de la famille sont une institution sociale qui doit être respectée par tout le monde, que personne ne doit contester. Nous voyons comment Ramla n'ose plus rien dire à propos de son mariage, encore moins de la polygamie qu'elle s'apprête à vivre. Elle a peur d'être maudite par son père et sa mère et tous les membres de la famille. Quand elle proteste, sa mère lui adresse fermement la parole en approuvant le geste de son oncle Hayatou. Ainsi elle digère difficilement son mal et se soumet à la polygamie pour éviter la colère, la malédiction de ses parents.

En somme, il était question dans le chapitre deux de présenter les modes et les techniques d'assujettissement du personnage féminin. Il ressort de cette analyse que ces éléments de domination de la femme sont de plusieurs ordres. En commençant par l'éducation distincte entre la fille et le garçon dans la société peule. Une fois donnée en mariage, le plus souvent sans son approbation, elle peut être répudiée à tout moment. La jeune fille vit dans un mariage polygamique parsemé d'embuche et de souffrance. Elle est conditionnée par les normes sociales qu'elle doit respecter, sa famille et son père qu'elle doit honorer. Au final, le personnage féminin vit une situation de captivité qui lui impose un musèlement. Ce dernier est un facteur de dépersonnalisation de la femme qui fait d'elle un être abusé et meurtrie par la souffrance et la tristesse. Cet état de choses ne reste pas sans impact.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault