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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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2.2.1. La femme battue et meurtrie, abusée et violée

Dans le corpus, l'on dénombre plusieurs cas de violence. La dimension infâme du drame est renforcée par le fait que tous ces actes ont été effectués sur des jeunes filles. Cette forme de violence démontre à quel point les filles sont victimes des atrocités au quotidien. D'un côté, elles peuvent subir la violence des époux, de l'autre côté, elles peuvent être victime de leurs parents. Parmi les cas de violence mentionnés dans le récit, il y en a deux qui dépassent l'entendement : celui d'une violence sur la jeune Hindou par son géniteur.

Il entre comme un fou dans sa chambre, en ressort avec un long fouet dont il me cingle les épaules. Les coups sifflent sourdement dans l'air. L'angoisse, qui m'étrangle depuis ce matin, se mue en une véritable terreur. Je cherche un coin pour me protéger de ce déchaînement de violence car mon père ne se contrôle plus. La lanière du fouet me lacère la peau, déchirant le pagne que je porte. Moubarak et mes oncles assistent impassibles à cette flagellation.(MLP : 116)

Le fait pour AlhadjiOumarou d'exercer la violence sur sa fille ne présence de la mère met le lecteur en face d'une infamie hors du commun. Le caractère carnavalesque d'un tel acte donne au lecteur l'impression de se retrouver dans une société hors la loi, une société de l'horreur où l'honneur cède place à l'infamie. Ce déchainement impressionne toutes les femmes de la concession d'Alhadji et laisse imaginer la manière sauvage dont tout contrevenant s'exposerait. Le fragment de texte suivant montre la maltraitance et la violence physique et psychologique infligé à la femme. Notamment celle exercée sur la mère de Hindou par son époux.

Quand mon père estime la punition suffisante, il retourne sa rage contre ma mère. Elle ne bouge pas, ne pleure pas et reçoit stoïquement les coups sans ciller. Seuls ses yeux, noyés de larmes, brillent plus fort qu'à l'accoutumée. Elle ne se protège pas. Elle demeure figée et toise mon père dans un air de défi à la mesure de la sourde colère qui l'anime au fond du coeur. Toute la concession retient son souffle. C'est alors que mon oncle Yougouda, sans quitter sa place, intervient : « Ça suffit ! Ne la frappe pas devant son enfant ! » Mon père, après un ultime coup de pied, jette son fouet et s'essuie le visage ruisselant de sueur, puis prend une gorgée d'eau. Toujours aussi furieux, il s'adresse à ma mère : « Tu n'es qu'une incapable ! Je te répudie. (MLP : 116-117).

À travers la symbolique de cet acte de violence et le fait qu'il soit exercé en public, l'auteur parvient à toucher l'imagination des autres épouses et à laisser dans leur mémoire les traces d'une violence inouïe qui a marqué la famille.

Par ailleurs, la dimension infâme du drame est renforcée par le fait que tout cet acte de violence est effectué sur sa propre fille. Cette forme de violence démontre à quel point les femmes sont doublement victimes des atrocités du patriarcat. D'un côté elles peuvent subir la violence de leurs époux, comme c'est le cas de Hindou qui est constamment battue par Moubarak, de l'autre côté, elles peuvent être victime de leur parents. Suite à sa tentative d'échapper à la violence conjugale, elle est rattrapée par son second bourreau qui la réduit elle aussi à un objet.

La domination de la femme se fait souvent à un niveau mental. Dans le milieu traditionnel, la femme dès le jeune âge est soumise à la formation. Mais cette préparation psychique constituée entre autres de l'observation stricte des règles de conduite en société et au sein de la famille prédispose souvent la femme à des activités sexuelles douloureuses. Dans le roman Munyal.Les larmes de la patienceraconte la scène suivante qui prélude à la prise du corps de la femme, sa sujétion. Cette scène annonce la défaite de cette dernière dans une agression violente de la part de son époux car, telle que l'auteur la décrit, Hindou présente un corps sans défense : « Il considéra le lit d'un air dégoûté et me tire vers le sol. Je tombe brutalement et me mets à crier. Il me bâillonne d'une main. « Il est très tôt. Les gens dorment encore. Tais-toi ! Tu as suffisamment fait de bruit hier soir. Je n'aurais jamais cru que tu pouvais être aussi poltronne. Ne dira-t-on pas que je t'ai tuée ? Cette fois, tu la fermes ! » Il abuse encore de moi. La douleur est si vive que je tombe dans une bienveillante inconscience. » (MLP : 166).

Cette agression physique de la femme avec pour but de vulnérabiliser la victime est un acte de domination ou de démonstration de force. Dans la description, ce viol appelle à l'horreur et à la répulsion. Il s'avère être un acte qui rend captive à tout jamais la femme, la rend victime. En effet, dans la violence de l'acte, Hindou ne connaît aucune satisfaction sexuelle. Moubarak, à travers ces actes de violence répétitif sur sa femme, cherche à satisfaire sa libido et évacuer sa colère. Et par ricochet, le viol de Hindou a enfoui en elle des douleurs, des peurs qui se réveillent à la vue de son époux. Dorénavant Hindou est obligée d'accepter cette vie de femme non épanouie, meurtrie. Elle éprouve de la répulsion envers son violeur, elle se sent écoeurée.

L'évolution des événements après la première nuit des noces qui correspond à son viol montre une femme dépersonnalisée et qui ne ressent plus aucun plaisir. Moubarak jouit d'un certain pouvoir sur celle-ci. Désormais, la vue de cet homme provoque une réouverture des souvenirs des blessures physiques et mentales qu'elle a subie, mais aussi et surtout la jeune femme ne peut plus lutter pour prendre son sort en main. Elle se conforme aux exigences du mariage. Ce viol marque l'aliénation sexuelle de Hindou et le début du déclin de ses efforts de réappropriation de son propre corps.

Elle voit désormais en Moubarak l'agresseur. Ce dernier soumet à chaque fois son épouse aux besoins de son corps. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. L'époux la poursuit et s'approprie le corps son. La pression est tellement grande sur elle qu'elle finit par s'en fuir. L'homme marque le corps de la femme par le mariage et il le contrôle. Les femm qui refusent de se plier à la domination sont souvent soumises à la violence masculine qui peut prendre plusieurs formes (sévisses corporelles, viol, répudiation, etc.).

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus