2.2.1. La femme battue et
meurtrie, abusée et violée
Dans le corpus, l'on dénombre plusieurs cas de
violence. La dimension infâme du drame est renforcée par le fait
que tous ces actes ont été effectués sur des jeunes
filles. Cette forme de violence démontre à quel point les filles
sont victimes des atrocités au quotidien. D'un côté, elles
peuvent subir la violence des époux, de l'autre côté, elles
peuvent être victime de leurs parents. Parmi les cas de violence
mentionnés dans le récit, il y en a deux qui dépassent
l'entendement : celui d'une violence sur la jeune Hindou par son
géniteur.
Il entre comme un fou dans sa chambre, en ressort avec un long
fouet dont il me cingle les épaules. Les coups sifflent sourdement dans
l'air. L'angoisse, qui m'étrangle depuis ce matin, se mue en une
véritable terreur. Je cherche un coin pour me protéger de ce
déchaînement de violence car mon père ne se contrôle
plus. La lanière du fouet me lacère la peau, déchirant le
pagne que je porte. Moubarak et mes oncles assistent impassibles à cette
flagellation.(MLP : 116)
Le fait pour AlhadjiOumarou d'exercer la violence sur sa fille
ne présence de la mère met le lecteur en face d'une infamie hors
du commun. Le caractère carnavalesque d'un tel acte donne au lecteur
l'impression de se retrouver dans une société hors la loi, une
société de l'horreur où l'honneur cède place
à l'infamie. Ce déchainement impressionne toutes les femmes de la
concession d'Alhadji et laisse imaginer la manière sauvage dont tout
contrevenant s'exposerait. Le fragment de texte suivant montre la maltraitance
et la violence physique et psychologique infligé à la femme.
Notamment celle exercée sur la mère de Hindou par son
époux.
Quand mon père estime la punition suffisante, il
retourne sa rage contre ma mère. Elle ne bouge pas, ne pleure pas et
reçoit stoïquement les coups sans ciller. Seuls ses yeux,
noyés de larmes, brillent plus fort qu'à l'accoutumée.
Elle ne se protège pas. Elle demeure figée et toise mon
père dans un air de défi à la mesure de la sourde
colère qui l'anime au fond du coeur. Toute la concession retient son
souffle. C'est alors que mon oncle Yougouda, sans quitter sa place, intervient
: « Ça suffit ! Ne la frappe pas devant son enfant ! » Mon
père, après un ultime coup de pied, jette son fouet et s'essuie
le visage ruisselant de sueur, puis prend une gorgée d'eau. Toujours
aussi furieux, il s'adresse à ma mère : « Tu n'es qu'une
incapable ! Je te répudie. (MLP : 116-117).
À travers la symbolique de cet acte de violence et le
fait qu'il soit exercé en public, l'auteur parvient à toucher
l'imagination des autres épouses et à laisser dans leur
mémoire les traces d'une violence inouïe qui a marqué la
famille.
Par ailleurs, la dimension infâme du drame est
renforcée par le fait que tout cet acte de violence est effectué
sur sa propre fille. Cette forme de violence démontre à quel
point les femmes sont doublement victimes des atrocités du patriarcat.
D'un côté elles peuvent subir la violence de leurs époux,
comme c'est le cas de Hindou qui est constamment battue par Moubarak, de
l'autre côté, elles peuvent être victime de leur parents.
Suite à sa tentative d'échapper à la violence conjugale,
elle est rattrapée par son second bourreau qui la réduit elle
aussi à un objet.
La domination de la femme se fait souvent à un niveau
mental. Dans le milieu traditionnel, la femme dès le jeune âge est
soumise à la formation. Mais cette préparation psychique
constituée entre autres de l'observation stricte des règles de
conduite en société et au sein de la famille prédispose
souvent la femme à des activités sexuelles douloureuses. Dans le
roman Munyal.Les larmes de la patienceraconte la scène suivante
qui prélude à la prise du corps de la femme, sa sujétion.
Cette scène annonce la défaite de cette dernière dans une
agression violente de la part de son époux car, telle que l'auteur la
décrit, Hindou présente un corps sans défense :
« Il considéra le lit d'un air dégoûté et
me tire vers le sol. Je tombe brutalement et me mets à crier. Il me
bâillonne d'une main. « Il est très tôt. Les gens
dorment encore. Tais-toi ! Tu as suffisamment fait de bruit hier soir. Je
n'aurais jamais cru que tu pouvais être aussi poltronne. Ne dira-t-on pas
que je t'ai tuée ? Cette fois, tu la fermes ! » Il abuse encore de
moi. La douleur est si vive que je tombe dans une bienveillante
inconscience. » (MLP : 166).
Cette agression physique de la femme avec pour but de
vulnérabiliser la victime est un acte de domination ou de
démonstration de force. Dans la description, ce viol appelle à
l'horreur et à la répulsion. Il s'avère être un acte
qui rend captive à tout jamais la femme, la rend victime. En effet, dans
la violence de l'acte, Hindou ne connaît aucune satisfaction sexuelle.
Moubarak, à travers ces actes de violence répétitif sur sa
femme, cherche à satisfaire sa libido et évacuer sa
colère. Et par ricochet, le viol de Hindou a enfoui en elle des
douleurs, des peurs qui se réveillent à la vue de son
époux. Dorénavant Hindou est obligée d'accepter cette vie
de femme non épanouie, meurtrie. Elle éprouve de la
répulsion envers son violeur, elle se sent écoeurée.
L'évolution des événements après
la première nuit des noces qui correspond à son viol montre une
femme dépersonnalisée et qui ne ressent plus aucun plaisir.
Moubarak jouit d'un certain pouvoir sur celle-ci. Désormais, la vue de
cet homme provoque une réouverture des souvenirs des blessures physiques
et mentales qu'elle a subie, mais aussi et surtout la jeune femme ne peut plus
lutter pour prendre son sort en main. Elle se conforme aux exigences du
mariage. Ce viol marque l'aliénation sexuelle de Hindou et le
début du déclin de ses efforts de réappropriation de son
propre corps.
Elle voit désormais en Moubarak l'agresseur. Ce dernier
soumet à chaque fois son épouse aux besoins de son corps. Elle
n'est plus que l'ombre d'elle-même. L'époux la poursuit et
s'approprie le corps son. La pression est tellement grande sur elle qu'elle
finit par s'en fuir. L'homme marque le corps de la femme par le mariage et il
le contrôle. Les femm qui refusent de se plier à la domination
sont souvent soumises à la violence masculine qui peut prendre plusieurs
formes (sévisses corporelles, viol, répudiation, etc.).
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