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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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2.1.2. La répudiation

Djaïli Amadou Amal est une des écrivaines camerounaises qui jouent un rôle important dans l'émancipation de la femme africaine. On peut déduire à travers ses oeuvres les conseils indispensables pour susciter la prise de conscience. Dans la plus part des cas, la représentation du divorce permet de constater qu'il est un moyen de libération du joug de l'homme. Il reflète une image de la femme affranchie. Toutefois, dans les textes de Djaïli, le divorce ou la répudiation est toujours l'initiative de l'homme. La répudiation est un moyen utilisé dans la société patriarcale peule comme un moyen de pression, une source de chantage à l'égard de la gent féminine. En dix-sept occurrences dans Munyal. Les larmes de la patience, elle plane comme une épée de Damoclès sur les personnages féminins.

Le critique féministe Rahman Azulfar explique que la femme, selon la loi islamique, peut être contrainte à continuer un lien qu'elle ne désire plus, et qu'il y a cinq catégories de situations où le divorce peut être concédé (Rahman, 1982:305). Parmi ces possibilités il y'en a aussi une, nommée le « triple divorce ». Ce dernier est l'apanage des romans de Djaïli Amadou Amal. Il s'agit, encore selon le même auteur, d'une coutume abusive pour la femme, étant donné que le mariage est dissolu juste après que le mari prononce la formule «  je te répudierai plutôt trois fois qu'une » (MLP : 38). Selon les notes de bas de page du roman Munyal, cette forme de divorce est irrévocable; elle est encore pratiquée, aujourd'hui, par les peuples islamopeuls. Une analyse de l'univers culturel représenté dans le corpus laisse entrevoir que la répudiation décidée par le mari, en présence ou en absence de l'épouse, sans qu'il soit besoin, pour lui, de justifier sa décision.

Comme le mariage, le divorce dans la tradition peule ou selon la religion musulmane traditionnelle n'est pas civil. La rupture des liens du mariage est verbale. Il suffit à l'homme de prononcer ces mots « je te répudie » pour que le divorce prenne acte. Conscient de l'importance du mariage dans la société, AlhadjiOumarou dans Walaandéfait du mot « répudier » son cheval de bataille contre ses épouses. La menace de répudiation est l'arme qu'il utilise à bon escient pour intimider ses femmes. Malheureusement, cela s'est retourné contre lui. Il est un beau flatteur qui ne tient pas les promesses qu'il fait à ses épouses. À Djaïli, il avait promis ne plus épouser de femme après Nafissa. Et lorsqu'après avoir appris qu'il était sur le point de prendre une quatrième, elle lui demande des explications, AlhadjiOumarou se fait pousser les épines sur le corps :

Qui te permet de me poser les questions ? Allah a permis aux hommes d'avoir quetres femmes et autant d'esclaves qu'ils désirent... Qui fait la ration dans cette maison ? C'est moi. C'est moi qui commande ! Alors, ne t'amuse plus jamais à me parler sur ce ton. Je vais épouser Sakina. Et je fais exactement ce qui me plait. C'est ma maison et si tu désires encore y rester, c'est tant mieux Si ça ne te plaît plus, je te répudie immédiatement. C'est clair ? Tu ne poses plus jamais de questions et ne fais pas de remarques. Ou alors, je te répudie. (WAPM : 41-42)

Toujours sur la défensive, AlhadjiOumarou centre son égo : « c'est moi qui commande », « je vais... », « je fais ce qui me plaît », « je te répudie ». Son langage est négateur de l'existence de sa conjointe qui ne mérite un peu de respect du simple fait d'être un être humain. Le divorce traditionnel accorde les « droits de grâce » lorsqu'il est prononcé une seule fois. Prononcé trois fois successivement, il devient définitif et n'offre aucune possibilité de réconciliation. Nafissa est trois fois répudiée et ceci inhibe toute relation intime entre elle et son mari qui, désormais ne la considère plus comme sa mère ; dans le sens où l'interdiction pour le fils de voir la nudité de sa maman est absolue. « Je te répudie, je te répudie, je te répudie, je te répudie. Tu es comme ma mère » ; dit AlhadjiOumarou à Nafissa. (WAPM : 128). Un tel divorce selon l'Imam ne saurait être revu. Personne, ni rien ne pourra le changer.Ce n'est que lorsqu'Aïssatou est répudiée qu'elle réalise et comprend le sens de ce précepte parental peul qui dit que « quiconque fait de son mari un deuxième père finira par mourir reniée » (WAPM : 129).

Toujours dans Walaande. L'art de partager un mari, Alhadji, dos au mur, ne parvient pas à convaincre ses épouses. Celles-ci lui reprochent son caractère violent, son manque de discernement fasse aux différentes situations qui arrivent à sa famille. Ses femmes l'accusent, et à raison, d'être indirectement la cause principale du décès de leur fille (WAPM : 140-142). De cet échange, le mari se rend compte que non seulement ses épouses essaient de s'affirmer de son autorité, mais aussi et surtout, elles ne lui obéiront pas. Cette attitude des épouses apparaîtrait comme une offense à son égard. Faute de pouvoir les convaincre verbalement, il utilise l'acte la répudiation pour les soumettre à sa volonté : « tu penses qu'étant ma première épouse, je ne pourrais pas te répudier ? Fais attention à toi Aïssatou ! Maîtrise ta langue rendue amère par la douleur ! » (WAPM : 141)

La répudiation est donc une arme pour dominer ses femmes qui n'arrêtaient de le harceler. Le but recherché dans cette action par le mari est de prendre contrôle de la situation plus tôt que de trouver une solution, un terrain d'entente. Cet acte met en relief le rapport de force entre l'homme et la femme dans le couple. Cet épisode montre que bien que bonnes peules, les épouses se sont révoltées. Alhadji, culturellement a le droit d'être le chef de famille. Toutefois, ce pouvoir n'est pas respecté. Les épouses refusent cette fois de se laisser dominer par lui et réclament leurs droits en s'engageant dans une lutte pour la libération de la femme. Il est évident qu'elles n'ont plus l'attitude d'une femme soumise. Elles n'acceptent pas qu'Alhadji leur impose sa volonté. Elles choisissent plutôt d'être de se défaire de leurs chaînes et décident de faire face au bourreau et malgré les menaces de répudiation de ce dernier.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault