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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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2.1.1. Le mariage forcé

Le mariage forcé est le fait de marier une personne contre son gré. Il s'agit d'un mariage arrangé ou la famille impose cela à un enfant. L'auteure de notre corpus déploie le mariage forcé. Pour elle, c'est une violence faite à la jeune fille du sahel. Dans la société du texte, la condition de la jeune fille est déplorable en ce qui concerne le mariage car elle la place à l'écart de la société. Elle n'a pas de mot à dire concernant sa vie. Ce sont ses parents et la tradition qui décident à sa place. Dès sa naissance, elle est déjà destinée au mariage arrangé ou forcé qu'elle saura attendre sans effort. Dans Walaandé, l'auteure se plaint de la manière dont la société musulmane traite la femme, et par conséquent elle voudrait améliorer cette situation. C'est ce qui justifie ces termes : « pauvre petite femme, livrée un soir dans la chambre d'un inconnu qui a payé sa dot et qui a tous les droits sur elle. » (WAPM : 5). Le mariage impose du respect pour la femme. Serait-elle une raison pour laquelle beaucoup de femmes soufflent le chaud et le froid, cèdent aux caprices de leurs conjoints afin de ne pas se coller une étiquette ? C'est aussi pourquoi, maîtrisant les méfaits de la polygamie, certaines femmes l'acceptent, signant ainsi la perpétuité et la continuité de ce fait qui dépend des intérêts moraux sociaux, de même que la volonté des femmes.

Dans certaines cultures africaines, il faut noter qu'avant l'introduction de la culture et la loi occidentale, les femmes n'avaient pas de droit de choisir leurs maris. Selon Simone de Beauvoir, il était également le cas en Europe traditionnelle et patriarcale que ce fût le père qui fit le choix du mari à sa fille et se mit d'accord avec le soupirant sur la dot à lui remettre en tant que beau-fils (Siwoku-Awi, 2019 : 152). En Afrique c'était toute une autre tradition. C'était le mariage arrangé. Il revenait au père de faire le choix pour sa fille et très souvent le gagnant était le plus riche. Dans la pratique patriarcale le plus offrant devenait le mari. La dot payée aux parents pour s'approprier la fille était comme une somme pour l'acheter et par conséquent elle perdait sa liberté et elle pouvait être traitée comme une esclave.

L'un des principaux thèmes du corpus est la relation entre les sexes au sein de la famille. Dans la société représentée dans les deux romans, il y a une inégalité entre l'homme et la femme au sein des familles. La femme occupe une place subordonnée et l'homme domine. Simone de Beauvoir qualifie une telle situation de handicapée. Elle écrit : « La femme a toujours été, sinon l'esclave de l'homme, du moins sa vassale; les deux sexes ne se sont jamais partagé le monde à égalité; et aujourd'hui encore, bien que sa condition soit en train d'évoluer, la femme est lourdement handicapée » (De Beauvoir, 1949 : 22). Elle est assignée à des tâches telles que prendre soin de la maison et s'occuper des enfants et de l'homme. Les femmes quelques soient les efforts fournis, elles ne seront pas vues comme des individus équivalents aux hommes.

En effet, l'homme est celui qui défend la femme. Toutes les décisions la concernant sont prises par la gent masculine. C'est dans ce sens que le choix de se marier ne lui appartient pas. Dans Walaandé L'art de partager un mari, l'on repère plusieurs cas de mariage forcé. Aïssatou, la première épouse d'AlhadjiOumarou est l'une des victimes. Elle se remémore ce jour où son destin a basculé : Elle avait douze ans, Aïssatou, quand son père l'a donnée en mariage. Elle se rappelle de ce jour comme si c'était hier. Elle était partie puiser de l'eau au Mayo avec ses amies quand un groupe de jeunes hommes les avaient accostées, leur demandant à boire. « Elles s'étaient enfuient, rieuses. Quelques jours après, des hommes sont venus demander sa main et son père l'avait accordée. Pourquoi aurait-il demandé son avis ? À l'époque, cela ne se faisait pas. C'était un bon parti. » (WAPM : 58).

Ainsi, la femme est mariée sans son consentement. En plus d'être mineure, sans voix et sans défense, elle est envoyée en mariage chez un homme dont elle ignore. La tradition ne lui reconnaît que le devoir de subir son sort de « marchandise », vendue, échangée, donnée en gage. Il y a donc à travers la culture peule représentée un tableau si sombre que son dépassement devient une exigence dans une société en voie de modernisation. L'image de la femme persécutée doit disparaître. Il en est de même pour Hindou, dans Munyal. Les larmes de la patience :

-S'il te plaît, Baaba, écoute-moi : je ne veux pas me marier avec lui ! S'il te plaît, laisse-moi rester ici.

-Mais qu'est-ce que tu racontes, Hindou ?

-Je n'aime pas Moubarak ! fait-elle, en sanglotant de plus belle. Je ne veux pas me marier avec lui. C'est à peine si mon père lance un regard sur la jeune adolescente courbée à ses pieds. Se tournant vers moi, il ordonne calmement :

-Allez-y ! Qu'Allah leur accorde le bonheur.

Et c'est fini. Voilà tout l'adieu que je reçois de mon père que je ne reverrai probablement pas avant un an -si tout se passe normalement. (MLP : 19).

Pour se marier, la question du choix ne pose aucun problème. L'homme n'a pas besoin de se faire des relations ou d'avoir de contacts avec des filles comme c'est le cas de nos jours, pour choisir son épouse. Bien plus, la suggestion de ce mariage n'a été faite par la famille. Comme le dit Ken Bugul : « L'homme en âge de se marier jetait son dévolu sur une jeune fille ou était conseillé par la famille » (Ken Bugul, 1999 : 43). Dans ce cas donc, c'est la famille qui conseille, qui montre ou qui identifie une épouse potentielle. Le choix tombe toujours dans l'entourage, les proches de la famille du côté paternel ou maternel. Dans le cas ci-dessus cité, les deux conjoints sont cousin et cousine. Ainsi, la plupart des mariages sont célébrés entre les enfants de la grande famille.

Dans la société peule, le mariage est plus célébré coutumièrement que civilement. Sa conclusion est faite par les hommes. Les femmes n'ont pas à donner leur avis sur la question. Après qu'AlhadjiOumarou et ses frères aient forgé le mariage inter cousins, il charge Aissatou de l'annoncer aux filles. A peine cette dernière a articulé le premier mot pour donner son point de vue d'Alhadji l'interrompit sévèrement : « Arrête de me contredire toi aussi. Qu'est-ce vous avez toutes à vouloir donner votre avis depuis un certain temps ? Le mariage sont les affaires des hommes » (WLPM : 67). La célébration du mariage dans cette communauté est fixée dans un délai très bref. Le mariage de Fayza, Yasmine et Moustapha est prévu dans deux mois à compter du soir où les chefs de famille en ont eu l'idée. Par le mariage, une femme a une renommée sociale. Cependant, elle ne reflète pas autant de joie et de bonheur que son nom. Aïssatou le souligne si bien lorsqu'elle conseille sa fille Faysa : « le mariage n'est pas une prairie. Non ! C'est un chemin plein d'embûches qui demande patience et endurance à ceux qui l'emprunte » (WLPM : 121). Surtout, la narratrice fait savoir que « chez les peuls, les femmes savent que le domicile du mari n'est jamais un acquis. Ce n'est pas chez-soi et on peut y être répudié à tout moment » (WLPM : 128). Ceci témoigne la précarité du mariage dans cette communauté. Cette pratique ne mérite pas d'être prise au sérieux. C'est ce qu'Aissatou veut dire dans la phrase suivante : « Dans nos mariages, il ne faut pas y mettre du coeur ».

Une analyse approfondie du corpus montre que le mariage forcé est une tradition qui est considérée comme un signe d'obéissance et d'appartenance à la société. Dans cette situation, il y a peu ou peut-être pas du tout de place pour les sentiments, ou ce qu'on appelle amour. Pour la fille, le mariage ce n'est pas avec un homme, mais avec une situation, une vie et c'est pour toujours. Comme elle n'a pas le choix d'être célibataire, elle n'a pas non plus le choix de l'époux : « Le mariage est un contrat social entre familles, où le seul cadet à qui on demande son avis est le garçon. La fille est priée d'obéir. Si elle refuse, elle est maudite ou souvent on la force. Il faut respecter l'ordre établi » (LilyanKesteloot, 2001 : 284). Les romans abondent d'exemples de filles victimes d'un mariage forcé : « Nafissa avait quatorze ans quand Alhadji l'avait épousée. Elle se rappelle les mots de sa mère chargée de lui annoncer que son père l'avait promise. Nafissa, ton père a accordé ta main à AlhadjiOumarou, afin de lui montrer sa gratitude. Tu as de la chance ma fille. Ton père compte sur toi pour que tu lui fasses honneur et que tu te comportes dignement. » (WAPM : 35). Suite à cette annonce, la jeune fille, intelligente, est forcée de quitter l'école pour se marier contre son gré, malgré son intelligence, son goût pour les études et son ambition formidable.

Nafissa fait l'objet d'une transaction qui ne tient pas compte de son avis. Elle a été mariée de force à AlhadjiOumarou, un polygame assez vieux pour être son père. Pour la famille et la communauté, les promesses et les alliances sont très importantes et ne doivent en aucun cas être rompues. De même, le mariage dans la société peule revêt un caractère sacré dont la femme en est un simple membre. Il n'est pas seulement une union entre deux individus mais entre deux familles, deux villages, deux communautés. À ce titre, Nafissa doit, s'il le faut, sacrifier son bonheur en soumettant son corps à la cause de sa communauté. Jeune et intelligente, elle aurait pu se trouver un mari très facilement surtout qu'« à quatorze ans, Nafissa avait un corps qui semblait être l'oeuvre sublime du meilleur sculpteur.» (WAPM : 29) Mais son père l'avait promise à un riche commerçant pour qu'elle devienne la troisième épouse de ce dernier. Il entend respecter cette promesse et jouir de ses prérogatives de père. En plus, la mère en tant que femme, elle est classée au même niveau qu'un enfant. D'ailleurs, aux cérémonies de mariage, les femmes sont reléguées aux seconds rôles. Elles s'occupent des festivités tandis que les hommes discutent des points importants.

En bonnes femmes du sahel, elles sont astreintes à supporter leurs douleurs en silence. C'est pourquoi l'auteure écrit que les « les femmes se côtoient sans cesse au point de se sentir piégées aussi bien par les murs hauts qui nous entourent que par les étoffes de plus en plus sombres et lourdes que mon oncle Moussa nous oblige à revêtir. Il n'y a pas un jour où elles ne s'agacent voire s'entredéchirent à force de tourner en rond comme des lionnes en cage. » (MLP : 93). Nafissa et toutes les autres femmes du corpus ont dû subir la tradition en épousant malgré elles le vieil homme choisi par son père. Certaines sont envoyées en mariage par leurs parents pour raffermir les relations d'amitié qu'ils ont avec ce riche commerçant. Sans doute reçoit-il de la part de ce dernier des cadeaux en espèces et en nature en plus de la dote. On sait que dans plusieurs sociétés africaines, une fois la promesse faite, le futur mari commence à rendre différents services à ses futurs beaux-parents. Ces services peuvent être d'ordre manuel comme des travaux champêtres, du coupage du bois de chauffe, du bricolage de tous ordres (réparation des toits des cases). Dans cette situation, la femme se doit de se sacrifier en se tenant exemplaire dans son foyer, sans rechigner au risque de se voir congédiée.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon