III. 2. La
réduction des évaluations séquentielles par les
enseignants
L'un des principaux actes professionnels qu'un
enseignant doit poser dans sa tâche quotidienne est l'évaluation
pédagogique. Elle fait partie d'enseignement-apprentissage pour
vérifier dans quelle mesure les résultats des efforts
déployés par les élèves permettent d'atteindre les
objectifs visés par l'enseignant. À cet effet trois, types
d'évaluations se dégagent : évaluation initiale,
formative et sommative.
L'évaluation initiale est d'une utilité
absolue en début de l'année scolaire, elle permet à
l'enseignant de commencer un nouvel enseignement. Ce sont les connaissances
pré-acquises qui permettent à l'enseignant d'élaborer ses
enseignements en prenant en compte la spécificité des
élèves. Il importe également à cette phase initiale
d'exploiter les différentes procédures d'apprentissage en
fonction des connaissances antérieures. Quant à
l'évaluation formative, elle consiste à aider
pédagogiquement les apprenants à améliorer leur style
d'apprentissage et à chercher à comprendre les différents
processus de réalisation d'une activité d'apprentissage. En fait,
lors d'une évaluation, il ne s'agit pas de juger essentiellement le
travail de l'apprenant, mais beaucoup plus de lui montrer ses erreurs,
identifier les mobiles de ces erreurs, corriger les insuffisances en fixant
définitivement les connaissances non acquises.
L'évaluation sommative : « c'est
une activité de synthèse sur un thème ou une des
unités didactiques développées, ou un cours d'un niveau
académique précis ». L'objectif est ici de savoir
à travers les exercices de synthèse proposés aux
apprenants, de voir s'ils ont atteint les résultats escomptés en
fonction des situations d'enseignement et d'apprentissage proposées
initialement. Cette évaluation peut avoir lieu à la fin d'un
trimestre ou d'une séquence. Selon le Ministère de
l'Éducation, 4 à 5 évaluations doivent être
effectuées par enseignant et selon la discipline enseignée par
trimestre pour évaluer les acquis des élèves.
Pendant nos entretiens, nous avons cherché à
savoir le nombre des évaluations fréquentes ou
séquentielles effectuées par les enseignants dans le trimestre.
Ainsi, 33 répondants soit 64,70% affirment que deux évaluations
seulement sont organisées par enseignant, 11 répondants soit
21,56% affirment que trois évaluations sont organisées par les
enseignants et 7 répondants soit 13,73% affirment que quatre
évaluations sont organisées par les enseignants. Le chef
d'établissements de Ngueté affirme que certains enseignants
compte tenu de l'effectif des élèves s'arrêtent à
deux devoirs et d'autres s'efforcent pour aller à trois devoirs.
Pourtant les études menées par bon nombre de chercheurs ont
montré que les évaluations fréquentes,
opérées au moment approprié, constituent un atout
favorable pour la réussite des élèves. Duru-Bellat et all.
(1992) cités par Kantabazé (op cite : 122) ont
révélé que la fréquence élevée des
devoirs associée à des exigences à l'endroit des
élèves constitue un paramètre influant beaucoup sur les
performances scolaires. En effet, plus l'élève s'exerce, plus il
découvre ses talents ou ses faiblesses.
Abondant dans le même sens, Schiefelbein et
Simmons (1981) cités aussi par cet auteur ont montré dans leur
étude que les enseignants qui donnent beaucoup de travaux à
domicile réussissent mieux que ceux qui restent réticents face
à cette pratique. De même, l'auteur cite également Caillods
et Postlethwaite (1989) qui appuient les auteurs précédents et
concluent que les apprenants tirent profit de l'effet d'entraînement.
L'évaluation fréquente est souvent considérée par
ces auteurs comme un indicateur de «l'effet-établissement»
pour la bonne raison que cette pratique revient à la politique globale
de l'école.
Selon MEPS (1993), cité enfin par l'auteur, le nombre
d'évaluations équivaut à la charge horaire hebdomadaire de
la discipline. Pour un cours de 6 heures par semaine, l'enseignant est tenu
à donner six travaux d'évaluation au cours d'un trimestre.
Cependant, il n'est pas rare d'observer des enseignants qui donnent un seul
travail à la place de quatre ou cinq, au moment où d'autres sont
en normes, dépassant même pour certains le nombre de travaux
exigés. En outre, l'évaluation doit être polarisée
sur la matière enseignée et s'étendre sur tout le
programme enseigné.
En effet, dans bien des cas, les mauvaises
performances observées au sein des établissements sont imputables
à l'évaluation mal opérée, portant sur la
matière hors du programme en vigueur. On peut reprocher aux enseignants
d'appliquer trop souvent des critères excessivement exigeants eu
égard à l'année d'études des élèves
qu'ils ont à juger. Le plus souvent, on repère des questions
d'examens qui portent sur la matière prévue aux programmes de
l'année à venir.
Tout se passe comme si les enseignants ne
s'attachent pas à évaluer les acquis de l'année qui se
termine, mais plutôt à pronostiquer dans quelle mesure leurs
élèves sont à même de maîtriser les
compétences qui seront les objectifs de l'année à venir.
Ceci constitue un argument avancé pour justifier pourquoi certains
élèves doublent une année d'études, pour la simple
raison qu'ils ont échoué à un examen portant, dans une
large mesure, sur la matière non enseignée au cours de
l'année. De telles révélations ont été
vérifiées par De Landsheere (1984). En analysant le contenu des
examens de 2ème primaire, ce dernier a dénombré
400 exercices de français sur un total de 650 qui portaient sur des
matières dont le programme officiel ne faisait mention qu'en 3ème
année. De surcroît, certains enseignants adaptent les questions au
niveau des élèves les plus avancés.
De Landsheere (1994) propose une formulation
synthétique de la manière suivante : « Quand un maître
sait ou croit d'avance que tous les élèves ignorent une
matière, il ne pose pas de questions d'examens à ce propos. De
même, quand il sait ou croit savoir d'avance que tous les
élèves réussissent une question, il l'évite. Bref,
le maîtres s'arrête de préférence aux matières
qui différencient les élèves entre eux. Il n'évalue
donc ni le déficit commun, ni l'acquis commun de leur classe, ce qui le
conduit à une surestimation de
l'hétérogénéité de leur classe ». Pour
cet auteur, les enseignants n'évaluent donc ni le déficit commun
des élèves, ni l'acquis commun de la classe, ce qui conduit
souvent ceux-ci aux résultats médiocres. Ce qui les amène
souvent à se démotiver dans leurs études.
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