II. 2. Le
clientélisme des chefs d'établissement
Le clientélisme est le fait
pour un homme ou un parti, de chercher à augmenter son pouvoir en
s'appuyant sur une clientèle gagnée et entretenue à l'aide
des procédés démagogiques d'attribution des avantages.
Dans le domaine éducatif, c'est donc un acte
qui consiste à jouer sur la conscience d'un individu à travers un
moyen financier ou matériel pour obtenir des facilités ou des
services. De manière plus pratique, c'est le fait de soudoyer un
professeur, un chef d'établissement afin d'obtenir des notes ou
d'inscrire un protégé. Il s'agit donc en un mot de satisfaire par
des moyens très souvent illégaux. C'est une pratique qui est en
cours dans les établissements scolaires en général et ceux
du département de la Kabbia en particulier. Elle se caractérise
par des actions injustes des chefs d'établissement dans le recrutement
des élèves et leur admission en classe supérieure.
Les établissements sont donc des
véritables centres de corruption. Les administrateurs, les parents
d'élèves et les élèves eux-mêmes se livrent
au clientélisme et font de cette pratique un moyen pour satisfaire leur
insuffisance. En effet, dans beaucoup d'établissements, les chefs se
livrent aux pratiques de corruption vis-à-vis des parents
d'élèves et des élèves eux-mêmes. Les
administrateurs assoiffés n'encouragent pas les élèves au
travail sous entendu qu'ils viendront négocier leur admission en classe
supérieure. À leur arrivée une somme leur est fixée
et sans inquiétude de leur niveau d'études. Ces
élèves trouvent en cela une porte de sortie, raison pour laquelle
ils versent sans condition la somme exigée pour leur passage en classe
supérieure. Cela devient une habitude pour ces élèves
aimant la facilité. Ils deviennent ainsi des clients et des amis
incontournables des chefs d'établissement se livrant à cette
pratique illégale.
Dans les classes les notes s'achètent. Les
enseignants souvent traités des pauvres, se livrent à cette
pratique et oublient la mission qui leur est confiée, celle de relever
le défi du système éducatif. C'est ainsi que les
élèves qui ratent leur moyenne viennent plaider leur sort par
rapport à leurs notes. Les négociations se terminent toujours par
une somme d'argent qu'ils doivent à l'enseignant avant de voir la note
rehaussée.
Dans une étude sur la corruption
réalisée par le Réseau Ouest et Centre Africain de
Recherche en Éducation (2007), la corruption se manifeste dans la
falsification des bulletins de notes, les recrutements des
élèves, le transfert d'un établissement à un autre
et les attributions des bourses. Cette corruption met en face les correcteurs
et les parents d'élèves qui ont pour souci la réussite de
leurs élèves. Dans nos entretiens à ce sujet, il ressort
que le passage des élèves en classe supérieure
résulte du fait de la corruption dans les établissements.
À Djodo-Gassa, l'organisation de concours
d'entrée en sixième n'est qu'une formalité, souligne le
directeur. Selon lui, les élèves affirment que pour aller
l'entrée en 6ème, il suffit d'avoir le moyen de
côté pour passer. Pour le directeur de collège de Dogom, il
existe normalement la corruption dans le passage des élèves en
classe supérieure. Selon lui, les notes sont arbitrairement
attribuées aux élèves par les enseignants et les chefs
d'établissement se sont spécialisés dans la falsification
des bulletins de notes. Pour cet enquêté, lors de remplissage des
bulletins de notes, les enseignants se livrent aux pratiques qui n'honorent pas
la profession enseignante. Cela dit, ils attribuent les notes par
affinité et par copinage. Toujours selon ce répondant, les chefs
d'établissements ont une part importante en ce qui concerne le passage
des élèves en classe supérieure. Ceux-ci se livrent comme
les enseignants à falsifier les bulletins des redoublants et des exclus
pour les faire passer en classe supérieure.
Cette opinion intègre parfaitement le propos du
directeur de Bellé qui affirme que : « les chefs
d'établissement sont responsables de la falsification des bulletins de
notes des élèves ». À travers ces opinions, il
est à noter que l'admission des élèves en classe ne tient
pas compte du mérite des élèves. Pour le directeur du
collège de Goh-Valang par contre ce sont les contractuels qui sont
à l'origine de passage non mérité des élèves
en classe supérieure. Il affirme ce qui suit : « les
contractuels font passer les élèves avec une somme de
10000f ». Ce répondant explique ce passage par
l'existence des faux bulletins et changements dont la source n'est pas connue
qui sont délivrés aux élèves selon lui par les
contractuels. Aussi, lors de remplissage des bulletins, 68% de nos
enquêtés affirment que les enseignants modifient les notes de
leurs frères.
Pour le président de la fédération
nationale des parents d'élèves du Mali cité par ROCARE
(2007), la corruption à l'école est encouragée par la
facilité, la paresse intellectuelle, l'insouciante de lendemain et
l'absence de goût des études. Il invite les partenaires de
l'école à rétablir les établissements scolaires
dans leurs rôles originels des lieux d'études et de la
préparation à la vie.
Pourtant, l'ordonnance no09/PR/CNS/MJ du 23
février 1976 portant répression des fraudes aux examens et
concours publics en son article 1 stipule que : constitue un délit,
toute fraude aux examens et concours publics ayant pour objet soit
l'entrée dans une administration soit l'acquisition d'un diplôme
délivré par l'état ou d'un titre permettant l'accès
à une classe supérieure. L'article 2, quiconque se sera rendu
coupable de fraude aux examens et concours publics, notamment en communiquant,
avant ou pendant l'examen ou le concours le texte de l'épreuve à
un tiers ou bien en substituant une tierce personne au véritable
candidat sera puni d'un emprisonnement de un mois à deux ans et d'une
amande de 25000f à 100000f. Ce texte est toujours
négligé et les élèves profitent de ce favoritisme
et clientélisme des chefs d'établissement pour passer en classe
supérieure avec des faibles moyennes.
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