I.3. La non prise en
compte de l'ancienneté du chef d'établissement
Généralement, que ce soit dans
l'éducation ou dans une autre institution, la promotion à la
tête d'une organisation doit tenir compte de l'ancienneté.
Au Tchad, les nominations aux postes de chefs
d'établissement sont théoriquement déterminées par
la loi no 16/PR du 13 mars 2006 qui relève que pour
être nommé à la tête d'un établissement il
faut avoir son nom sur la liste d'aptitude. C'est une liste qui
détermine la qualification de l'enseignant, son expérience et son
ancienneté dans la fonction. Conformément à cette loi, la
réalité sur le terrain est tout autre chose dans le
Département de la Kabbia.
D'après notre enquête, 78,43% de nos
répondants nous ont affirmé que les nominations des chefs
d'établissement ne prennent pas en compte leur ancienneté. Ces
données ont été reparties par établissements comme
suit : 24 soit 47,05% aux collèges publics, 8 soit 15,64% dans les
collèges communautaires, 4 soit 7,84 dans les collèges
privés et 4 soit 7,84% dans les lycées. À ce sujet, nos
répondants parlent toujours de nomination politique, payante et par
affinité. À cet effet, un des répondants affirme
que: « la nomination des chefs d'établissement subit
beaucoup plus l'influence politique ; d'où la mauvaise
répartition caractérisée par la présence des
stagiaires qui ont assez des difficultés à noter les
échelonnés ». Selon l'intéressé, il y a
une forte présence des stagiaires à la tête des
établissements qui rencontrent assez des difficultés par manque
d'expérience. Comme solution il propose le désengagement
de la politique de l'éducation pour voir une nomination des responsables
selon le critère de mérite. Les difficultés de toutes
sortes que rencontrent les stagiaires à la tête des
établissements ont des répercussions directes sur le rendement
scolaire des élèves. C'est pourquoi une promotion par
mérite serait souhaitable pour un résultat probant.
Constatant la présence nombreuse des contractuels non
formés à la tête des établissements, un autre
répondant regrette l'absence de l'État dans
l'établissement en général et au lycée en
particulier. Face à ce constat, il affirme ce qui
suit : « Si les nominations aux postes des chefs
d'établissement ne respectent pas les mérites, c'est parce qu'il
y a trop de flou dans l'appareil d'État ». Selon lui, il ne peut
pas y avoir de raison pour qu'un lycée puisse manquer d'un responsable
en l'occurrence le lycée de Léo Mbassa où les enfants
préparent l'examen surtout le baccalauréat. L'absence de ce
personnage important a selon lui entrainé un grand retard dans le
démarrage des classes et ce qui a influencé sur les
résultats des élèves.
Le répondant d'un autre collège, lui
n'apprécie pas la nomination au poste de responsabilité des chefs
d'établissements qui se négocie auprès de l'équipe
d'Inspection. Il souligne avec précision que pour avoir un directeur ou
un enseignant, il faut débourser une somme de trente mille francs (30000
FCFA), une chèvre, un sac du riz. La lecture du tableau ci-après
nous en dit mieux en ce qui concerne l'ancienneté des chefs
d'etablissement dans la Kabbia.
Tableau
no20 : Répartition de chefs d'établissement selon
l'ancienneté
Ech Statut Statut
Ech
|
Bac
|
Instituteurs
|
CAP-CEG
CEG
|
Licence
|
Maitrise
|
Total
|
%
|
00
|
04
|
11
|
11
|
2
|
1
|
29
|
56,86
|
1er
|
|
|
4
|
1
|
|
5
|
9,80
|
2è
|
|
|
3
|
2
|
2
|
7
|
13,72
|
3è
|
|
|
|
6
|
|
6
|
11,76
|
4è
|
|
|
|
1
|
1
|
2
|
3,92
|
5è
|
|
|
|
|
|
|
|
6è
|
|
|
1
|
|
|
1
|
1,96
|
7è
|
|
|
|
|
|
|
|
8è
|
|
|
|
|
|
|
|
9è
|
|
|
|
|
1
|
1
|
1,96
|
10è
|
|
|
|
|
|
|
|
11è
|
|
|
|
|
|
|
|
Total
|
04
|
11
|
19
|
12
|
5
|
51
|
100
|
Source de tableau : Donnés
des enquêtes
Dans ce tableau la lecture nous fait comprendre qu'il
y a un nombre important des chefs d'établissement 29 soit 56,86% qui
n'ont pas d'échelons. Ce sont soit des bacheliers ou des instituteurs
bacheliers qui en principe, devaient s'occuper des établissements
primaires. Ils sont au nombre de 15 soit un pourcentage de 29,41% suivis de 11
stagiaires soit 21,56% à diriger l'établissement secondaire
premier cycle. Les chefs d'établissement titulaires d'un échelon
et plus sont au nombre de 22 soit 43,13% repartis à la tête des
établissements secondaires comme moyens. Conformément à la
loi 900, on note à la tête des établissements des
contradictions où les certifiés destinés à
l'enseignement secondaire se retrouvent à la tête des
collèges et des professeurs de collège à la tête
des lycées. Tel est le cas de collège de Pont Carol où le
directeur est un professeur certifié contrairement au lycée de
Bongor Hanhan où le proviseur est un professeur de CAP-CEG de
1er échelon ainsi que le lycée de Domo Dambali.
L'autre cas est celui de lycée de Léo Mbassa ou il n'y a pas un
proviseur et c'est un contractuel diplômé en relations
internationales qui dirige l'établissement.
Cette mauvaise promotion au poste de chef
d'établissement a été également reconnue par le
secrétaire général du syndicat des enseignants du Tchad
qui affirme que : « Dans un lycée de la place, on a
poussé l'outrecuidance jusqu'à nommer un professeur de CEG
stagiaire comme directeur de CEG avec sous son autorité des professeurs
certifiés bardés d'échelons. Quelque part au Salamat
souligne-t-il, on a nommé un instituteur adjoint stagiaire comme
Inspecteur de l'Enseignement Primaire ». Pourtant, la loi
no 17/PR/2001du 31 décembre 2001 en son article 53 dit qu'il
est formellement interdit de faire assumer par un stagiaire les
responsabilités afférentes aux fonctions de direction ou de
contrôle. Cela nous amène à nous interroger sur ces
écoles et leur rendement. Or la qualité de chef
d'établissement est l'élément principal pour la
réussite de l'établissement. Selon l'Agence de Coopération
Culturelle et Technique (1992), les directeurs d'établissements
scolaires, d'après leur formation pédagogique et administrative,
déterminent dans une mesure importante, les conditions dans lesquelles
l'enseignement est dispensé et la possibilité d'une
amélioration de la formation dans l'école même. Pour
Kantabazé (2010), une étude menée en Egypte auprès
de 60 écoles aboutit aux résultats similaires. En effet, ladite
recherche conclut que les meilleurs résultats scolaires sont
enregistrés dans les écoles dont les directions sont
confiées aux personnes bénéficiant d'une formation
professionnelle et une longue expérience dans l'enseignement avant la
date d'accéder à ce poste.
L'ancienneté seule permet de connaitre l'agent, sa
qualification et son expérience dans le domaine. L'UNESCO (2006 )
nous fait comprendre que dans plusieurs pays, notamment en Allemagne, on a
envisagé doter les établissements scolaires de chefs
d'établissement formés en administration et en gestion et sans
expérience directe de l'enseignement. Le même document souligne
que dans la plupart des pays du monde, les chefs d'établissement doivent
être qualifiés comme enseignants et posséder une
ancienneté de fonctions dans un établissement d'enseignement
allant de 2 à 10 ans.
En définitive, la promotion au poste de chef
d'établissement a été reconnue par nos informateurs comme
illogique du fait que cela ne tient pas compte du professionnalisme, de
l'ancienneté des agents nommés. Le personnels non
expérimentés promus au poste de responsabilité
éprouvent d'énormes difficultés dans le management des
établissements.
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