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Gestion administrative et pédagogique des établissements et rendement interne des écoles: cas des lycées du département de la Kabbia au Tchad


par Kadakna BAISSANA
Université de Maroua - Master 2 2014
  

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I.2. Le professionnalisme des chefs d'établissements

Tout métier exige une formation professionnelle préalable. Il s'agit en effet pour celui qui se spécialise dans une activité de connaitre les règles de travail qui lui permettront d'obtenir les meilleurs résultats, d'assimiler la technique mise au point par ceux qui l'ont précédé. De manière générale, le professionnalisme d'un chef d'établissement réfère à sa conscience professionnelle qui se traduit par certaines pratiques comme la morale professionnelle, la régularité et le zèle au travail. Selon Pelletier (2006b), une profession se caractérise entre autres par la présence d'activités complexes et de compétences élevées, et par l'octroi d'un statut distinct associé à des procédures de sélection pour l'entrée en fonction.

Au Tchad, les instituts assurant la formation professionnelle des enseignants sont : les ENI implantées dans les vingt-trois régions qui assurent une formation initiale des enseignants du primaire dont la finalité est de faire acquérir aux futurs enseignants le savoir, le savoir-faire et le savoir-être à la formation intellectuelle et morale des enfants.

Au niveau secondaire, la formation initiale des enseignants est assurée dans les Écoles Normales Supérieures d'Abéché, de Bongor, de N'Djamena et de Sarh. Ces instituts assuraient au départ la formation initiale des professeurs des collèges mais de nos jours préparent pendant trois ans, les étudiants qui sortent avec une licence professionnelle. Quant à l'École Normale Supérieure de N'Djamena, elle forme des professeurs licenciés (bac+3ans) et les professeurs certifiés (bac+4ans). Les lauréats sont destinés à l'enseignement secondaire et technique.

Les conseillers pédagogiques, les Inspecteurs pédagogiques de l'enseignement primaire et les professeurs des écoles normales sont formés également dans cet institut. L'institut de Bongor était spécialisé dans la formation des enseignants dans des disciplines beaucoup plus scientifiques mais de nos jours tend à être généralisé. Cette formation aboutissait à l'obtention de CFEN pour les instituteurs et le certificat d'aptitude professionnelle de l'enseignement au collège général (CAP-CEG) deux ans de formation pour les titulaires de baccalauréat) et certificat d'aptitude professionnelle de l'enseignement dans les lycées (CAPEL).

Ce sont donc ceux-ci qui deviennent le plus souvent des directeurs des collèges et des proviseurs des lycées. Si le professionnalisme réfère à la qualification, à la formation et à la conscience professionnelle, il est à noter que dans le Département de la Kabbia, une grande partie des chefs d'établissement sont sans formation professionnelle. Au cours de nos entretiens, 46 soit 90,11% des répondants nous ont confirmé que certains chefs d'établissement sont sans formation professionnelle. Ces informations recueillies ont été reparties selon les établissements dont le pourcentage sont les suivants : 25 soit 49,01% aux collèges publics, 9 soit 17,64% dans les collèges communautaires, 4 soit 7,84% aux collèges privés et 8 soit 15,68 dans les lycées. Nos répondants expliquent le professionnalisme des chefs d'établissement par le manque de formation professionnelle.

D'après nos enquêtés, le manque de professionnalisme est considéré comme l'une de causes du rendement interne faible des établissements dans la Kabbia. Les répondants citent dans leurs informations les différents établissements gérés par les bacheliers. Comme exemples, le collège public de Kakou 4 est dirigé par un bachelier, le collège public de Hori Zoundounla dirigé par un bachelier, le collège public de Halmi dirigé par un instituteur bachelier, le lycée public de Léo Mbassa dirigé par un contractuel et tous les collèges communautaires et privés. Manqués d'une formation professionnelle, ceux-ci apprennent leur métier dans le tas et leur formation continue n'est pas assurée. Comme exemple un directeur bachelier d'un collège n'ayant aucune notion de rédiger le rapport est obligé de descendre au Département pour se renseigner de la manière dont on rédige le rapport.

Aussi, les non formés tout comme ceux qui ont suivi la formation sont sans morale professionnelle et négligent les règles qui régissent le comportement des agents au sein de l'établissement, donc se permettent n'importe quel acte et agissent selon leur fantaisie. Ce manque de morale professionnelle occasionne la mésentente au sein de l'établissement. Ce qui a engendré en 2012 une bagarre entre un proviseur et son surveillant sur un propos mal tenu à l'égard de son collaborateur. Débordé par la colère, le surveillant ne tarda de bondir sur son Proviseur. Pourtant, ces deux personnes sont appelées à travailler dans un même établissement et témoigner leur professionnalisme à l'environnement qui les entoure. Ce constat montre que certains chefs d'établissements collaborent moins avec leur personnel.

Manqués toujours de conscience professionnelle, ceux-ci ne font plus preuve de ponctualité et de régularité dans leurs lieux de service. Pourtant, la régularité est la disposition fondamentale de la vie morale et sa condition première. Le chef d'établissement doit s'exiger cette régularité s'il veut aussi l'obtenir de ses élèves et enseignants. En outre, il ne peut y avoir un travail bien fait que du travail strictement réglé. La régularité exige que le chef d'établissement vienne chaque jour au bureau et toujours à l'heure sinon avant l'heure et travailler régulièrement et ne rentre pas avant l'heure sinon après les élèves. L'idée d'une «  heure africaine », fluctuante, imprécise et aléatoire est un prétexte des paresseux et des laxistes et doit être combattue.

Cette notion de régularité dans les établissements de la Kabbia manque assez à certains chefs d'établissement qui ont toujours à la tête la notion « d'heure africaine ». Ils ne sont pas souvent ponctuels et réguliers. À ce sujet, on note que la plupart des chefs d'établissement de province résident dans les grands centres situés entre 30 à 45 km, sont souvent en état de retard. Les cas de certains collèges et lycées illustrent bien cet état d'irrégularité. Au collège de Fegue Hapma par exemple, nous avons constaté le retard du chef d'établissement qui s'était présenté dans son bureau à 9 h 36 mn alors que la rentrée des classes est fixée à 7 h 15 mn. Or, le principe voudrait que celui-ci arrive avant les autres pour leur servir les nécessaires.

C'est pourquoi, pendant nos entretiens, il ne nous a pas caché de nous avouer que les chefs d'établissement viennent aussi en retard au bureau. Dans un autre collège, une fois les inscriptions terminées, le chef d'établissement brille par son absence au bureau. On dirait comme si le rôle des chefs d'établissement se résume au niveau des inscriptions et réinscriptions. Même son de cloche pour le directeur de collège de Belle Vangza qui réside à 45 km de son poste de travail et aussi du proviseur du Lycée de Koumou. Cette situation décourage non seulement la population mais aussi les autorités scolaires qui ne cessent d'écrire contre ces derniers. C'est ainsi que la population de Bellé Vangza a écrit à la hiérarchie demandant le départ du directeur du collège qui selon eux réside dans le chef-lieu de Département à 45 km. Si la conscience Professionnelle met l'accent sur la ponctualité, celle-ci n'exclut pas la régularité.

La ponctualité et la régularité permettent au chef d'établissement de bien contrôler les activités au sein de son établissement. La régularité d'un chef d'établissement motive ses personnels au travail. La conscience professionnelle exige au chef d'établissement, s'il veut avoir un bon résultat, d'être ponctuel et c'est cette ponctualité qui lui permettra de contrôler les autres afin de les reprocher au sujet de ce qui ne marche pas.

Tableau no19 : Nature de diplôme des chefs d'établissement dans la Kabbia

Diplôme

Hommes

Femmes

Total

Pourcentage

Bac

04

00

04

7,84%

CFEN

11

00

11

21,56%

CAP -CEG

18

01

19

37,25%

Licence

12

00

12

23,52%

Maitrise

05

00

05

9,80%

Total

50

01

51

100

Source de tableau: Données des enquêtes

Dans ce tableau on retient que les chefs d'établissement d'après leur formation initiale n'ont pas de formation spéciale dans le domaine de la gestion des établissements scolaires. On note parmi ceux-ci un pourcentage important 7,84% des directeurs bacheliers qui n'ont aucune formation professionnelle ou académique, 21,56% de ceux qui ont reçu une formation destinée à l'enseignement primaire se retrouvent à la tête des collèges.

Or, les établissements secondaires ont besoin de personnel qualifié et expérimenté. La qualité et la formation du chef d'établissement sont reconnues par bon nombre des chercheurs. Elles mettent l'accent sur ses tâches administratives, sa gestion des ressources humaines, sa capacité d'écoute et ses compétences d'animation d'équipes. Pour ce qui est de l'expérience professionnelle des chefs d'établissement, les résultats des études tendent à montrer que plus l'expérience est longue, plus élevés sont les niveaux de performance des élèves (Mingat & Jarousse, 1989). Il est à noter que l'expérience interagit également avec la formation académique, que celle-ci soit scolaire ou autre. En fait, l'ambivalence de la relation entre l'expérience professionnelle de l'enseignant et le rendement scolaire s'explique par le fait que l'expérience professionnelle interagit, d'une part, avec l'âge et d'autre part avec le niveau de qualification d'instruction.

Toutefois, l'expérience professionnelle qui offre une mesure approchée de l'âge du chef d'établissement est positivement associée à la progression des élèves. L'analyse approfondie de cette question a conduit à identifier des catégories d'ancienneté où l'on constate le plus d'effet. Selon Lemrabott (2003), la tranche de plus de 11 années d'expérience est la plus favorable aux progressions des enfants comparativement aux catégories des moins de six années d'expérience. Bressoux, et al (2006) ont monté que l'expérience semble également avoir un impact positif sur les scores des élèves. Pour autant il ne s'agit pas de considérer la bonne qualité du climat scolaire comme un processus autocratique, ni l'autonomie des établissements comme un caporalisme. La recherche suggère au contraire que la condition d'un climat scolaire agréable et efficace réside dans la gouvernance démocratique des établissements. Cela est vrai tant au niveau des adultes que dans les instances de paroles des élèves.

En bref, il est à noter que la promotion au poste de responsabilité reste un problème délicat dans la mesure où la formation et le mérite de l'individu ne sont pas pris en considération. Ce qui fait que certains collèges officiels sont dirigés par des bacheliers, des instituteurs et des stagiaires Ce qui nous amène à dire que la nomination des chefs d'établissement ne prend pas en compte l'ancienneté des agents nommés.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe